2005. 01 : dim de PÂQUES

Résurrection

Dimanche 27 mars 2005

Esaïe 26, 13-14.19

(Série de Prédication III (Predigtreihe III) : nouveaux évangiles)

Ce texte fait partie de ce qu’on appelle “l’apocalypse d’Esaie” (24 27), quatre chapitres qui sont comme une vision de la fin du monde. Par avance, le prophète nous “dévoile” les événements de la fin de l’Histoire. D’ailleurs le chapitre 25, commence par une action de grâce: “Seigneur, tu es mon Dieu, je t’exalte et je célèbre ton Nom, car tu as réalisé des projets merveilleux, conçus depuis longtemps, constants et immuables” (25,1). Là, le prophète se situe carrément à la fin de l’histoire et, comme s’il se retournait en arrière, vers le passé, il dit: “Seigneur, tu as réalisé des projets merveilleux, conçus depuis longtemps, constants et immuables.”
Ces projets, nous le savons bien, c’est une humanité enfin unie, enfin pacifiée: s’asseoir à la même table, partager le même repas, faire la fête ensemble, c’est bien une image de paix. “Ce jour là, le Seigneur, Dieu de l’univers, préparera pour tous les peuples sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés.”

Bien sûr, cette évocation est d’ordre poétique, symbolique: Esaïe ne cherche pas à décrire de façon réaliste ce qui se passera concrètement. Il veut nous dire “finies les guerres, les souffrances, les injustices”, et il écrit “tous les peuples seront à la fête.” Et si ce chapitre a été écrit, comme on le croit, pendant ou après l’exil à Babylone, on comprend que le rêve de fête se traduise par des images d’opulence.

On ne sait pas exactement quand ce texte a pu être écrit, mais il est clair que c’est dans une période difficile ! Si le prophète juge utile de proclamer: “en ce jour là, on dira ‘Voici notre Dieu, en lui nous espérions, il nous a sauvés’ “, il faut se dire qu’il cherche à remonter le moral de ses compatriotes ! Et il faut traduire: allez mes frères, dites vous que dans quelque temps, vous ne regretterez pas d’avoir fait confiance… et je vais vous dire la fin de l’histoire, nous marchons lentement mais sûrement vers le jour de la paix définitive; vous allez pouvoir redresser la tête. “Le Seigneur essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple; c’est lui qui l’a promis.”

La voilà la phrase centrale du texte, pour le prophète, celle qui justifie son optimisme à toute épreuve: “c’est Lui qui l’a promis.” Le prophète est quelqu’un qui sait, qui a expérimenté l’œuvre incessante de Dieu pour libérer son peuple. On ne peut pas être prophète ou témoin de la foi si on n’a pas, d’une manière ou d’une autre, fait l’expérience personnelle ou collective de l’œuvre de Dieu. Or le peuple d’Israël est perpétuellement raffermi dans sa foi par la mémoire de l’œuvre de Dieu. Et c’est parce qu’il ne l’oublie jamais, qu’il peut traverser les heures d’épreuve. Comme Dieu a libéré son peuple des chaînes de l’Égypte, il continue au long des siècles à le libérer. Or les pires chaînes de l’homme, c’est l’incapacité à vivre en paix, à pratiquer la justice, à demeurer dans l’Alliance de Dieu. Si Dieu pousse son œuvre jusqu’au bout, viendra le jour où tous les peuples vivront en paix et dans la fidélité à l’Alliance.
“Il détruira la mort pour toujours”: quand nous lisons cette phrase aujourd’hui, nous sommes tentés de la lire à la lumière de notre foi chrétienne du 21e siècle et donc de prêter à l’écrivain du 4e siècle avant J.C. des pensées qui n’étaient pas les siennes. Dieu seul sait, évidemment, ce qu’Esaïe avait dans la tête, mais très certainement ce n’est pas encore ici une affirmation de la Résurrection au sens chrétien du terme; le peuple d’Israël a peu à peu découvert, dès avant le Christ, la foi en la résurrection de la chair, mais très tardivement,   bien après que le livre d’Esaïe ait été définitivement mis par écrit.

Pendant la plus grande partie de l’histoire biblique, les mots mort et vie n’ont pas du tout le même sens que pour nous. Ce que nous appelons “mort”, c’est la mort physique individuelle, celle qui attend chacun et qui nous inspire souvent de l’angoisse. Pour le croyant biblique, cette mort là, biologique, fait partie de l’horizon; elle est prévue, inéluctable, mais pas triste quand elle intervient normalement au soir d’une longue vie comblée. On n’entrevoit pas, on n’imagine pas un autre espace pour l’homme que l’espace terrestre.

C’est donc au sein de cet espace terrestre qu’on parle de mort et de vie dans un sens qui n’est pas biologique: pour le croyant de cette époque là, vivre pleinement, c’est vivre sur la terre en alliance avec Dieu aujourd’hui on dirait en communion avec Dieu. Et ce qui est appelé mort, c’est la rupture d’alliance avec Dieu. Et donc, ce qu’Esaïe entrevoit, c’est le Jour où nous vivrons en paix avec Dieu et avec soi même; les forces de mort, la haine, l’injustice, la guerre seront détruites.

En cette fête de  la Résurrection du Christ, il ne nous est pas interdit de nous dire: Esaïe ne croyait pas si bien dire ! Car c’est là le sens profond de la fête de Pâques.
Pâques est affaire, non de miracle, mais de naissance. C’est d’ailleurs dans cette perspective, à partir de leur foi transfigurée par le Christ ressuscité que les évangélistes ont reconstitué le récit de sa naissance en terre d’humanité. Car si le jour de Pâques n’était venu l’illuminer, la nuit de Noël n’aurait engendré qu’un espoir mythique. Le nouveau né couché dans une mangeoire n’a d’intérêt que parce qu’il fut reconnu comme le premier né d’entre les morts. Dès lors sa naissance nocturne, dédaigneuse des honneurs du monde, désigne ce qui seul est adorable: le cœur caché de Dieu en cet enfant vulnérable; ce qui seul est digne de foi: notre avenir éternel, l’accomplissement plénier de notre humanité, en germe, blotti au cœur de notre temporalité. Cette nuit là, Dieu a voulu commencer où nous commençons, dans la fragilité d’une naissance et sa Parole nous est parvenue par l’entremise des prophètes.

Jusqu’au bout, il transforme ce mauvais coup du sort en acte d’obéissance et de liberté: Père, non pas ma volonté, mais la tienne ! Lui qui n’était que Parole, lui le Verbe de Dieu, s’était tu devant Pierre, devant Hérode, devant Pilate. Il ne déchire le grand silence de Dieu que par un cri d’expiration, de filiation, d’abandon: Père, je remets ma vie entre tes mains. Livré aux mains des hommes, Jésus, en réalité, se livre aux mains de Dieu. Et le rideau du Temple se déchire pour nous révéler un Dieu d’une inconcevable paternité. Plus le Père semble absent, plus le Fils s’abîme en lui qui est tout entier en son Fils, humble serviteur souffrant aux côtés de l’humanité pécheresse.
Désormais, la croix n’est plus un instrument de torture, mais le signe de la communion parfaite entre le Père et le Fils, le signe de la passion de Dieu pour l’humanité. Désormais, l’instrument de l’échec humain est devenu celui de la victoire divine, l’emblème de la haine est devenu le sommet de l’amour, le lieu de l’abaissement est devenu celui de l’exaltation.

Christ est ressuscité ! Il a été arraché à la mort par un Dieu innocent qui ne peut tolérer la mort de l’innocent. Pas plus qu’il n’a cherché durant sa vie à venger Dieu en entamant une croisade contre l’incrédulité de ses contemporains, pas plus Dieu n’a vengé son Fils en ripostant à la violence par la violence. Dieu n ‘a jamais mis en œuvre que les moyens de l’innocence. Sa réponse à la violence n’a jamais été représailles et mise à mort, mais résurrection et recréation. La croix ne s’est pas retournée en insulte pour l’agresseur, mais s’est transformée en promesse de pardon. Voilà pourquoi Pâques est notre nouvelle naissance. AMEN

Jehan Claude HUTCHEN, pasteur

NCTC  204- 206 –207 208

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.

Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).