2006. 03 : dim MISERICORDIAS DOMINI, 2e après Pâques

Le bon berger

Dimanche 30 avril 2006

1 Pierre 5, 1-4


(Série de Prédication IV (Predigtreihe IV) : nouvelles  épîtres )

(Remarque : Il vaut mieux utiliser les traductions « TOB » ou « Colombe ». Elles sont plus fidèles que « Français courant » qui utilise au verset 2 l’expression «prenez soin comme des  bergers du troupeau » alors que le texte original a seulement « faites paître le troupeau » sans utiliser le qualificatif de « berger » pour un autre que le Christ qui s’appelle « archi berger » ou « berger suprême » mais pas « chef des bergers »)
 

Chers amis,

Cette lettre donne des conseils à une communauté chrétienne minoritaire, dispersée dans un monde païen et hostile. Les hommes, les femmes, les esclaves, les jeunes, les parents, tous sont nommés. A la fin l’auteur s’adresse aussi aux responsables de la communauté, appelés « anciens ». Le mot grec « presbytres » que nous traduisons par anciens a donné le mot « prêtre », que les protestants n’aiment pas, lui préférant celui de « pasteur », qui n’est pas appliqué ici aux responsables de la communauté. Dans cette lettre, le mot pasteur désigne le Christ, et c’est par là que nous commencerons, pour jeter ensuite un coup d’œil sur le troupeau et finir par ses responsables.

Le « souverain berger »
La Traduction oecuménique utilise cette expression de « souverain berger » alors que la traduction Colombe préfère « le souverain pasteur ». De toute façon, cette expression désigne exclusivement Jésus Christ, qui parle de lui-même comme le «bon berger » dans l’évangile que nous avons entendu tout à l’heure.
Il est le bon berger parce qu’il s’est engagé pour les brebis, afin de les arracher aux loups et aux voleurs. Il les rassemble dans un enclos pour les nourrir. Cette entreprise n’a pas été facile, parce que nombreux sont ceux qui veulent mettre le grappin sur les braves moutons afin de tondre leur laine. Aujourd’hui ce sont les gens du marketing et les publicitaires. De tous temps, les religieux de tout poil  désireux de se créer leur fan club de dévots ont essayé d’asseoir leur autorité sur les gens.
Les religieux du temps de Jésus  se sont d’ailleurs ligués pour liquider le bon berger parce qu’il éclairait les moutons, leur ouvrait les yeux et les appelait à la responsabilité personnelle. Politiques et religieux ont été d’accord pour accuser Jésus de blasphème, tout simplement parce qu’ils avaient peur de voir le peuple leur échapper.

Il faut remarquer une chose essentielle dans l’image du berger: entre le berger et le troupeau de moutons, il y a une différence de nature. Les moutons sont des animaux certes intelligents, mais limités dans leur compréhension des choses alors que le berger, un humain, voit plus loin, connaît les pâturages et anticipe les dangers. Dans l’Église chrétienne, nous sommes invités à rester attentifs à cette différence : le souverain berger a été envoyé par le Père, il est à la fois homme et Dieu, c’est le ressuscité, alors que nous ne sommes que des humains, intelligents certes, mais limités parce que nous n’avons pas fait son expérience de la mort et de la résurrection glorieuse.
Cela doit nous maintenir dans une certaine modestie quand nous réfléchissons aux rôles des uns et des autres dans l’Église : nous ne sommes tous que des humains, un seul est le berger : le Christ.
Le troupeau
Ce Christ, par le ministère des apôtres et le don du saint Esprit, a éveillé dans le monde entier des hommes et des femmes et les a appelés à rejoindre son peuple, le troupeau qu’il conduit lui-même. L’Eglise est ainsi née parmi les peuples, elle n’est pas une masse compacte de moutons bien serrés les uns contre les autres, mais un peuple qui vient de la dispersion et qui est en marche vers le grand rassemblement de tous les humains dans le royaume de Dieu, chose qui n’est pas encore faite !
L’Église chrétienne reçoit le même message que le vieil Israël auquel les prophètes disaient « Dieu vous a appelés d’entre les nations parce qu’il vous aime, et non parce que vous étiez les meilleurs et les plus beaux ». Aux chrétiens, l’auteur de la lettre de Pierre dit : « Vous étiez comme des brebis errantes, chacun allait son propre chemin, mais maintenant vous êtes retournés vers le berger et le gardien de vos âmes ».

Notre participation au troupeau n’est pas chose naturelle, ce qui est naturel, c’est l’errance. Les écrivains, les poètes et les philosophes sont souvent intarissables sur cette « errance » des humains, qui doivent, au gré des événements qui les bousculent, trouver leur chemin dans un monde qui n’a ni logique ni sens. Le Nouveau Testament ne nie pas cette réalité, mais parle de ce Christ qui a vaincu le non-sens de la souffrance, qui a traversé la mort, qui a appelé les humains à se mettre en mouvement vers la vie, en lui faisant confiance, à lui qui a vaincu.

Reste l’un des problèmes de l’Eglise, c’est l’absence du grand berger. Le Christ n’est pas là, à chaque coin de rue, pour nous conduire lui-même et nous devons, moutons limités, nous débrouiller seuls. Il a appelé, nous pouvons entendre l’écho de sa voix dans l’Évangile, mais lui, il reste invisible. L’apôtre Paul parle aussi de cette foi en l’invisible, véritable défi et cependant base de notre participation à la vie du Christ.
Si pour le moment, il est absent, il y a cependant un horizon, que l’ancien qui s’adresse à la communauté rappelle deux fois : d’une part le Berger reviendra prendre possession de son troupeau, et ensuite il promet la gloire et la couronne éternelle à ceux qui en font partie. Gloire actuellement cachée, gloire qui sera révélée lors de sa venue et c’est vers là que nous marchons.

Les anciens.
En attendant, nous sommes entre nous, obligés de nous débrouiller avec les moyens du bord, et parmi ces moyens sont ceux qu’il appelle « anciens ». Étant donné la différence de nature qu’il y a entre Christ le berger et les « moutons » chrétiens, on comprend que l’auteur hésite à appliquer ce qualificatif à des humains. Le pape, les présidents d’Eglise, les inspecteurs, les lecteurs, les pasteurs, les conseillers presbytéraux, tous ceux-là ne sont que des brebis comme les autres, sans lumière particulière qui leur aurait été conférée par l’imposition des mains. L’imposition des mains vient confirmer un appel, les établit dans une fonction, leur rappelle leurs devoirs et les assure de la prière de la communauté et de l’aide de Dieu, mais cela ne les fait ni meilleurs ni pires que les autres.
L’apôtre rappelle que, comme les autres humains, ils sont menacés par deux dangers : l’autoritarisme et l’amour de l’argent.
Il  insiste lourdement sur ces dangers, sans doute parce que dès les origines, il y a eu des gens qui ont voulu avoir des responsabilités dans la communauté chrétienne pour se remplir les poches et profiter des largesses des fidèles. Le livre des Actes des Apôtres en parle déjà. D’autres, et cela se reproduit régulièrement, veulent contraindre les fidèles à les suivre au lieu de respecter leurs choix et leur liberté.

La vocation des responsables de la communauté n’est pas de manger la laine sur le dos des moutons ni de les  matraquer, mais de les « paître », leur indiquer, comme le fait la brebis avec l’agneau, ce qu’il faut manger et ce qu’il faut éviter.

Ils doivent devenir les « modèles » du troupeau, le mot grec dit « les types » du troupeau. Cela ne veut pas dire qu’ils seront des modèles en tout, en morale, en intelligence, en culture ou en habileté manuelle, mais qu’ils auront l’humilité d’essayer de mettre leur comportement en conformité avec leur discours, autant que cela se peut, conscients de leurs limites, pour que les fidèles puissent leur faire confiance comme à des vrais responsables.

Cl : Cela peut sembler une exigence énorme. L’ancien qui parle dans la lettre de Pierre ose la formuler, le regard fixé sur le souverain berger, qui a fait davantage puisqu’il a donné sa vie pour les brebis et qu’il a vaincu l’Adversaire. Nous, qui faisons partie du troupeau, gardons aussi les yeux fixés sur lui et laissons-nous conduire par sa parole vers les pâturages éternels dont nous avons le droit d’avoir faim. Amen

Pierre KEMPF, pasteur

Textes :
1 Pierre 2,21-25
Jean 10, 11-16

Cantiques possibles (Arc en ciel):
23    Dieu mon berger
80    O berger d’Israël écoute
610 O Jésus mon frère
536 Seigneur tu cherches tes enfants
537 Dieu fait de nous