2006. 09 : dim de PENTECÔTE

L’Eglise de l’Esprit

Dimanche 4 juin 2006

1 Corinthiens 2/12-16


(Série de Prédication IV (Predigtreihe IV) : nouvelles  épîtres )

Ce texte veut nous expliquer ce qui caractérise le prédicateur chrétien : un maître mot qui traverse l’épaisseur du texte, est le verbe « recevoir » ; celui-ci apparaît dans 3 versets sur 5, et il est relayé par le verbe « avoir » au sens d’ « avoir reçu ».

VERSET 12 – Tout prédicateur, qui jouit d’une renommée, est confronté tôt ou tard à la tentation d’oublier qu’il s’agit là d’un don qui lui vient de Dieu. C’est aussi Dieu qui pourvoit à l’aplomb dont fait preuve maint prédicateur, à son aisance, à sa voix qui porte, voire à son charme ; ces qualités devraient être perçues comme « dons à part entière » dans la mesure ou elles sont mises au service de la transmission de la Parole et ne sont pas détournées de cette fonction, dans le but d’assouvir quelque propension à un égocentrisme exacerbé, décelable (ou non) chez maint prédicateur !

VERSET 13 – Le prédicateur qui s’adresse à une assemblée, le fait au nom de Jésus-Christ : en d’autres termes le prédicateur authentique, ne vit pas l’exercice de sa vocation, comme une confrontation directe à ceux auxquels il s’adresse. Non, car entre lui et eux le prédicateur place toute l’épaisseur de l’explication de la Parole, à savoir, la transmission de la parole véhiculée non par « les termes qu’enseigne la sagesse humaine mais avec ceux qu’enseigne l’Esprit ». Toutefois afin de prévenir tout malentendu, comprenons qu’il ne s’agit pas ici du « parler en langues », mais de l’emploi de « termes pris hors du langage courant, choisis et inspirés par l’Esprit » : Ces termes appropriés ne sont révélés qu’à ceux qui seront au préalable « montés » les réclamer au Seigneur (dans la prière).

Laissons-nous rêver un instant et affirmons de manière claire et nette : une prédication authentique se doit d’être conçue dans l’intimité avec le Seigneur. C’est à cette condition qu’elle sera Parole de Dieu faisant irruption au milieu de l’assemblée réunie et venant frapper à la porte, donnant accès au lieu intime que le croyant peut partager avec son Père.

Mais comment la prédication sera-t-elle globalement reçue, au sein d’un auditoire constitué d’individualités très différentes les unes des autres ? La prédication n’a-t-elle pas pour fonction de venir « déranger » (=dé-RANG-er), c’est-à-dire « faire sortir du rang » une communauté, quand celle-ci menace de se scléroser, de s’embourber dans l’ornière des traditions et de la routine ? N’est-ce pas justement aussi le rôle de la prédication auprès de l’individu, que de faire « massivement » irruption dans sa vie ? Espérons que celui-ci, s’en trouvant ainsi remué, se réveillera sur le plan spirituel, et se sentira appelé à épouser les chemins rocailleux dans la suivance de Christ ? Cela impliquerait que l’individu se laisse ainsi « déloger » de son rang, de la case où on le tiendrait enfermé à tout jamais ? Mais comment se fait-il que si peu de communautés, voire si peu de croyants individuels se laissent tenter par l’aventure spirituelle : celle-ci, certes, invite à ne pas regarder en arrière pour aller de l’avant, mais de porter résolument son regard vers le haut comme le suggère le début du psaume 121 : « Je lève mes yeux vers les montagnes, d’où me viendra le secours, le secours me vient de l’Eternel… »

C’est sur cette question du rôle de l’homme dans l’acceptation ou le refus de se laisser évangéliser que Paul se penche aux versets 14, 15, 16.

RELISONS LE VERSET 14.
« L’homme laissé à sa propre nature, n’accepte pas ce qui vient de l’Esprit de Dieu. C’est folie pour lui, il ne peut pas le comprendre, car c’est spirituellement qu’on en juge. »

L’irruption de Dieu dans ce monde, quelle que soit, d’ailleurs, le mode qu’il choisit, pour y parvenir, provoque, dans un premier temps, de la division et de l’anarchie au sein de la communauté des croyants ainsi que dans le cœur de l’homme individuel. Nous apprenons à Noël que Dieu est reçu comme l’intrus, celui dont on n’a pas besoin et qui vient même déranger, dans la mesure où il faut se casser la tête pour trouver un lieu qui permette à Marie d’accoucher. Il s’avère bien vite que l’on n’a pas autre chose à proposer qu’une mangeoire pour animaux ! Personne (sauf justement ceux que l’on n’attendait pas) pour accueillir le Messie ! Une auberge bondée de pèlerins, de personnes croyantes, certes, mais pour qui il était exclu que le Messie puisse venir autrement que monté sur un superbe cheval afin de rejeter « manu militari » l’occupant romain hors de Palestine !

C’est ce type de mentalité religieuse que Paul vise quand il stigmatise « ceux qui sont laissés à leur seule nature ». Ce sont ceux qui se sentent une vocation de « besser Wisser » vous savez bien, « ces catalogueurs » de service, dont certains vont jusqu’à dicter à Dieu l’attitude à adopter en toutes circonstances !

Lorsqu’ un cœur humain est rempli de convictions, qu’il s’est forgées lui-même, sur Dieu, la vie et la mort, et qui sont fondées sur des connaissances bibliques très floues, parce que mal assimilées. Il ne s’attend pas à Dieu, parce qu’il ne sait pas et ne veut plus apprendre, sur le tard, que le SOUCI par excellence qui anime Dieu est d’offrir à tout un chacun de marcher sur le chemin de la conversion. Le coeur humain  est amené à découvrir au quotidien l’expérience du Dieu VERITABLE. Ce Dieu FAIT LE PREMIER PAS vers l’homme, afin de rejoindre ce dernier pour l’orienter et le soutenir sur le chemin de l’humilité et de l’ouverture, ce DIEU EST FONDAMENTALEMENT AMOUR.

Mais pour que l’humain accepte que disparaissent de sa vie les images néfastes et les représentations loufoques de Dieu auxquelles tout croyant est exposé, l’expérience fait apparaître qu’une grande souffrance intérieure doit précéder la libération ! Pensez donc ! Croyez-vous que ces fausses représentations ne sont pas « hartnäckig » et se laisseraient déloger sans offrir d’opposition ? La question suivante devrait être : sommes-nous assez forts pour résister à cette opposition ? Luther n’a-t-il pas lui aussi insisté sur ce point qu’il a même placé au centre de sa christologie, à savoir :
« Mit unsrer Macht ist nichts getan, wir sind gar bald verloren. Es streit für uns der rechte Mann, den Gott selbst hat erkoren. Fragst du wer er ist, er heißt Jésus Christ…

VERSET 15 – Le croyant comprend que sa tâche consiste à ouvrir la porte de son coeur à Jésus-Christ, afin que celui-ci vienne y faire le ménage à fond, ce qui implique nécessairement que telle ou telle chose à laquelle il tenait tant doive être jetée dehors, parce qu’elle encombre et gêne les travaux de rangement ! Un  croyant, qui vit cette expérience (non dénuée de souffrances) est appelé dans notre texte : « homme spirituel ». En effet, prenant peu à peu du recul par rapport à sa vie passée, il peut juger de l’ampleur du gouffre qui sépare le vieil homme en lui du nouveau, cheminant à la suite de son Maître.

VERSET 16 – HABITE PAR L’ESPRIT, me laisser animer par l’Esprit, apprendre à ne pas placer ma volonté avant celle de Dieu, parvenir peu à peu à me nourrir de la PAROLE telle qu’elle m’est adressée, etc.…C’est entre autres cela, connaître la pensée du Seigneur ! Amen.

        Christian MATTER, pasteur