2007. 03 : dim MISERICORDIAS DOMINI, 2e après Pâques

Jean 21, 15-19 – Dim. 22 avril 2007 – 2e Dim. a. Pâques
EPAL – Service Lecteurs – Jehan-Claude HUTCHEN – Strasbourg

                    Dimanche 22 avril 2007 

                       Misericordias Domini 

                             Le bon berger

                   2e Dimanche après Pâques –

(Série de Prédication V (Predigtreihe V) : liste complémentaire I)

Voici un récit d’apparition du Christ Ressuscité dont est tiré notre texte de prédication ce jour. Le mot « apparition » ne doit pas nous tromper. Jésus ne vient pas d’ailleurs pour disparaître ensuite : il est là auprès de ses disciples, auprès de nous désormais, lui qui a dit « je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). il est invisible, mais non pas absent ; lors des apparitions, il se rend visible. Le mot grec dit: «  il se donne à voir ».

Ces manifestations de la présence du Christ au milieu des siens sont un soutien pour nous. Leur rôle est d’affermir notre foi. Elles sont émaillées de détails concrets, dont certains peuvent nous paraître étonnants, mais qui ont probablement une valeur symbolique. Par exemple, les cent cinquante trois poissons : plus tard, au quatrième siècle, Jérôme commente ce chiffre en disant qu’à l’époque du Christ, on connaissait exactement cent cinquante trois espèces de poissons ; ce serait donc une manière symbolique de dire que c’était la pêche maximum en quelque sorte.

Autre détail un peu étonnant : en débarquant sur le rivage, les disciples trouvent un feu de braise avec du poisson posé dessus et du pain, et malgré cela, Jésus leur dit d’apporter du poisson qu’ils viennent de prendre. Peut on penser qu’il en manquait? Il n’est pas certain qu’on puisse se contenter de cette explication arithmétique. Il faut probablement plutôt en déduire que dans l’oeuvre d’évangélisation symbolisée par la pêche (depuis que Jésus a appelé Pierre « pêcheur d’hommes »), Jésus nous précède (c’est le sens du poisson déjà posé sur le feu avant l’arrivée des disciples) et en même temps, il sollicite notre collaboration.

Autre surprise de ce texte : le dialogue entre Jésus et Pierre. De la même manière que, dans la nuit du Jeudi au Vendredi, Pierre a trois fois affirmé qu’il ne connaissait pas cet homme, cette fois Jésus l’interroge trois fois : infinie délicatesse qui permet à Pierre d’effacer son triple reniement.

À chaque fois, Jésus s’appuie sur cet engagement, cette adhésion de Pierre pour lui confier la mission de pasteur de la communauté : « Sois le pasteur de mes brebis ». Notre relation au Christ n’a de sens et de vérité que si elle s’accomplit dans une mission au service des autres. Jésus précise bien « mes » brebis : Pierre est invité à partager la charge du Christ. Il ne devient pas propriétaire du troupeau, mais le soin qu’il prendra du troupeau du Christ sera le lieu de vérification de son amour pour le Christ lui même.

On peut légitimement être étonné de la place occupée par Pierre dans un récit d’apparition du Christ, sous la plume de Jean. Cela reflète peut être un des problèmes des premières communautés chrétiennes. Il faut croire qu’il n’était pas inutile de rappeler à la communauté attachée à la mémoire de Jean que, par la volonté du Christ, le pasteur de l’Église était Pierre et non pas Jean.

« Quand tu seras vieux, tu étendras les mains et c’est un autre qui te mettra ta ceinture pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller » : phrase un peu étonnante aussi, qui suit tout juste ce qu’on serait tenté d’appeler la nomination de Pierre, « sois le berger de mes brebis ». Il semble qu’elle dise clairement que la mission confiée à Pierre est une mission de « service » et non de domination!

La ceinture est portée par les voyageurs et par les serviteurs: elle sera doublement indiquée pour les serviteurs de l’Evangile. Pierre mourra de sa fidélité au service de l’évangile ; c’est pourquoi Jean explique : « Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. » Encore une question pourquoi cette précision de Jésus « m’aimes tu plus que ceux ci ? Il ne faut pas entendre ici une pièce de brevet de bonne conduite, du genre « puisque tu aimes plus que les autres, je te confie la charge ». Au contraire, il faut entendre : « C’est parce que je te confie cette charge, qu’il faudra que tu m’aimes davantage ! » Peut être est ce comme un discret rappel à ceux qui détiennent l’autorité ? Dans quelque domaine que ce soit, l’autorité qui nous est confiée, est d’abord une exigence : accepter une charge pastorale implique beaucoup d’amour.

Pourquoi Jésus répète t il par trois fois « Pais mes brebis » ? Ne suffisait il pas de le dire une fois ?   Certains commentateurs font remarquer que, pour être valables, les formules juridiques devaient ordinairement être répétées trois fois devant témoins. C’est peut être pour cette même raison que l’évangéliste nous précise que c’était la troisième apparition de Jésus à ses disciples c’est donc officiellement vrai.

Faut-il le rappeler ? L’Eglise qu’inaugure le Ressuscité en rassemblant ses disciples est fondée sur un acte de pardon. Le baptême qui nous a intégrés à cette Église nous a été donné pour la rémission de nos péchés. Et on comprend que, bravant les démentis de la réalité, Jean ait tenu à définir l’Eglise comme une communauté réconciliée, unanime dans la louange et le partage. Que l’Église soit pécheresse, voilà un fait qui ne saurait offusquer que ceux qui se croient innocents. Mais nous ne serions plus l’Église si nous n’étions plus habités par cette assurance pascale: nous sommes un peuple gracié, nous sommes des frères pardonnés… Le pardon de Dieu nous a devancés et désormais pas même l’obstacle ultime, la mort, ne pourrait nous séparer de lui. Ce pardon qui nous a fait renaître nous constitue témoins de l’indéfectible présence du Ressuscité et de l’avenir qu’il ouvre à tout homme. Il dépend de nous que ce dynamisme pascal transforme le monde et le marque de son empreinte d’éternité.

A la question: « Qu’y a t il pour toi de plus humain  » le philosophe Frédéric Nietzsche répondait: «Epargner la honte à quelqu’un.» Comment ne lirions nous pas sur le visage de ce Ressuscité qui libère ses amis comme ses ennemis de toute honte et de tout désespoir, l’inégalable humanité de Dieu ? En faisant triompher la justice en même temps que le pardon, la résurrection du Christ nous ouvre à la promesse d’un monde vraiment humain, pleinement humain, divinement humain. Cette espérance là nous délivre de l’illusion qui consiste à croire que la vie n’a de sens que pour ceux qui réussissent, les épargnés du destin, les enfants gâtés du progrès. En même temps qu’elle arrache les révoltés et les damnés de la terre au cycle infernal de la revanche et de la haine.
Pierre, m’aimes tu ?

C’est dit, c’est redit, comme s’il était prêt à renoncer à son poids d’éternité pour entendre le disciple repenti balbutier l’aveu tant désiré!
M’aimes tu ? Qui jamais a proféré plus poignante parole ? Jésus évite le langage de la loi: aime moi, et le langage de la passion: je t’aime. Il parle comme parle le coeur vivant, en son ardeur interrogative, sensible et retenu, timide et insistant, pris entre les émois de l’incertitude et le ravissement d’une attente déjà illuminée de gloire.

La réponse de Pierre, si importante qu’elle soit en ce qu’elle fait l’Église, n’est qu’une ébauche de la réponse que nous avons nous mêmes à donner. Si Pierre est le pionnier, Jean, qui se tait, est le modèle parfait, car son amour fut toujours sans désaveu.
Devant l’Unique, ils sont deux. L’un parle parce qu’il faut que le Christ soit entendu. L’autre garde le silence, pour que l’on sache que jamais aucune vie n’achèvera de répondre à l’infinie question: M’aimes tu?

Jehan Claude HUTCHEN

NCTC 23 / 241/ 275 / 255

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.

Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).