2008. 05 : dim CANTATE, 4e après Pâques

20 avril 2008

Un cantique nouveau

Apocalypse 15,2-4

 (Série de Prédication II (Predigtreihe II) : Anciennes épîtres )

 « Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles » : c’est par ces mots que l’auteur du Psaume 98 encourage les croyants à louer Dieu. Et effectivement, nous avons bien des raisons de chanter les louanges de notre Dieu. Le chant de remerciement et de louange ne peut être que nouveau, puisque Dieu continue à agir dans le monde et qu’il est là pour chacun de nous. Un cantique sincère est toujours nouveau, même s’il comporte de vieilles paroles et une mélodie ancienne.

1. Dans notre passage de l’Apocalypse, l’apôtre Jean nous raconte sa vision d’un culte céleste dans lequel retentit le chant des vainqueurs, c’est-à-dire de ceux qui ont part à la victoire que le Seigneur a remportée pour eux. Ils chantent, eux, un cantique vraiment nouveau, d’une autre nature, d’une autre qualité que ceux que nous chantons ici-bas. C’est le cantique de l’accomplissement, dont nos chants ne sont que le pâle reflet ou un premier fredonnement, une première ébauche. C’est le cantique de la patrie éternelle, alors que nous, nous chantons encore des chants de route, de marche vers le but.

Oui, c’est bien un culte dans lequel nous introduit l’apôtre par ses visions, le culte, le vrai, l’authentique, en présence de Dieu lui-même, où tous ceux qui sont réunis participent d’une même voix et d’un même cœur. Un culte qui ne se limite pas à une heure par semaine, mais un culte en continu, « comme au commencement, aujourd’hui, toujours et d’éternité en éternité » , comme nous le chantons dans notre liturgie.

 Lorsque nous célébrons un culte ici-bas, nous avons d’une certaine manière déjà part à l’éternité. Tout ce que nous faisons sur terre aura une fin, mais le culte, le service divins se poursuivra au moment du grand sabbat, le jour sans fin du grand repos en Dieu. L’élément principal de ce culte que décrit l’apôtre Jean – en fait le seul – est la louange, la célébration de la gloire de Dieu. Le chant et la musique, voilà ce que nous avons en commun avec le culte céleste. Nos cantiques actuels peuvent être des prières par lesquelles nous demandons quelque chose à Dieu, des intercessions, des confessions de péchés, même des plaintes et des interrogations… En présence de Dieu, il n’y aura plus aucun besoin, plus aucune raison de se plaindre ou de s’interroger ; il ne restera que la louange.

Les prophètes de l’Ancien Testament ont eux aussi vu les créatures célestes autour du trône de Dieu le servir jour et nuit. Esaïe par exemple s’est vu devant le trône de Dieu entouré de séraphins dont chacun avait six ailes. Des images essayant de décrire une réalité mystérieuse. Jean lui aussi semble avoir du mal à rendre toute la richesse de la révélation qu’il a eue. Il emploie des comparaisons : « Je vis comme une mer de cristal, mêlée de feu… » Ce n’est pas de notre monde, où l’eau et le feu ne se mélangent pas. L’événement dépasse notre horizon, nos représentations, notre domaine d’investigation. Il s’agit d’une réalité qui se situe à un tout autre niveau – plus encore que le chœur des anges la nuit de Noël.

2. Pourtant, celui qui connaît les Ecritures trouve des points de repère. Le cantique est un chant de victoire, glorifiant les œuvres de Dieu, « grandes et admirables ». Et il ne s’agit pas seulement de la création de l’univers ; Dieu n’est pas que le grand architecte qui a tout mis en place dans ce monde pour ensuite le laisser tourner tout seul et ne plus s’en occuper. Dieu est, dans la Bible, surtout celui qui intervient dans l’histoire de ses créatures, qui les accompagne sur leur route.

C’est le Dieu libérateur qui est célébré ici : « Ils chantent le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l’Agneau ». Oui, les grandes œuvres de Dieu, ce sont des actions de libération. La libération des Israélites de l’esclavage en Egypte, et la libération opérée par Jésus, l’Agneau de Dieu. Les deux interventions décisives de Dieu, dans l’ancienne et dans la nouvelle alliance, sont évoquées ici.

Dans l’Ancien Testament, dans le livre de l’Exode, un peuple se tient déjà au bord de la mer qu’il a traversée miraculeusement et chante la victoire de son Dieu sur l’armée du Pharaon d’Egypte :
 « Je chanterai à l’Eternel, car il a montré sa souveraineté ; il a jeté dans la mer le cheval et son cavalier. L’Eternel est ma force et l’objet de mes cantiques, il est devenu mon salut… Ta droite, ô Eternel, a écrasé l’ennemi. Par la grandeur de ta majesté, tu renverses ceux qui se dressent contre toi… » (Exode 15)

Dans le Nouveau Testament, c’est la victoire sur le mal et la mort que remporte l’Agneau sacrifié. Le chant de victoire est un chant de Pâques : « La mort a été engloutie dans la victoire… Grâces soient rendues à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ. » (1 Corinthiens 15).

3. Les visions de l’apôtre Jean rappellent le passé et annoncent un avenir glorieux ; mais elles sont un message pour aujourd’hui, un message qui permet au croyant de s’orienter et de se fortifier pour le présent. Que signifie pour nous participer à la louange de Dieu, le célébrer par des cultes ? – Cela implique des conséquences dans notre manière de vivre : reconnaître la présence et l’action de Dieu dans notre histoire personnelle, comme dans l’histoire de notre monde. Proclamer la sainteté de Dieu engage à « sanctifier le nom de Dieu » , dans le sens de l’explication de Martin Luther de la première demande du Notre Père : « Lorsque la Parole de Dieu est enseignée purement et que nous y conformons saintement notre vie, comme des enfants de Dieu ».

 « Cantate » , chantez ! Chantez pour témoigner votre reconnaissance pour toutes les bontés de Dieu dans le passé et dans le présent. Chantez pour témoigner de votre espérance d’avoir part un jour au grand culte universel sur lequel l’apôtre Jean a pu jeter un coup d’œil en avant-première. L’espérance d’un culte qui ne comportera plus aucune fausse note, plus d’imperfection, que ce soit dans le texte ou la mélodie, les nuances ou le rythme. L’espérance d’un culte où toutes les voix s’accorderont et exprimeront ensemble, unanimement, la louange de Dieu, où il n’y aura plus d’obstacles dus aux différences de race, de culture, de langue, de goût musical, de tendance théologique ou de doctrine liturgique… L’espérance, enfin, d’un culte sans prédication, puisqu’elle sera devenue inutile, la parole de Dieu ne passant plus par des intermédiaires.

En attendant, laissons-nous entraîner dès à présent par le chant de l’assemblée céleste : « Seigneur, qui ne craindrait et ne glorifierait ton nom ? Car seul tu es saint. Et toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi, parce que ta justice a été manifestée. » Amen.

Cantiques : ARC 98     AL 98      NCTC 98
        
         521      36-03
         Strophes 9,12,14,15,16
        
         475      34-15        212

Denis Klein, pasteur à Offwiller

¼ – Service des Lecteurs – SL – 17 – 20.04.2008