2005. 03 : dim ESTO MIHI = QUINQUAGESIME

Estohimi – Dimanche avant le Carême

En route vers la croix

Dimanche 6 février 2005

Luc 10, 38-42


( Série de Prédication III (Predigtreihe III) : nouveaux évangiles )

“Cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu et le reste vous sera donné par surcroît.” La formule est de Matthieu (Mt 6, 33) ; elle est peut-être le meilleur commentaire de la leçon de Jésus dans la maison de Marthe et Marie.
“Jésus était en route avec ses disciples”, dit Luc, et l’on sait que ce long voyage est l’occasion pour lui de donner de multiples consignes à ses disciples ; depuis la fin du chapitre 9,

Jésus, commençant la montée vers Jérusalem, s’est uniquement préoccupé de leur donner des points de repère pour la fidélité à leur vocation merveilleuse et exigeante de suivre le Seigneur. Entre autres, il leur a recommandé d’accepter l’hospitalité (Lc 9, 4; 10, 5 9) ; c’est exactement ce qu’il fait lui-même ici : on peut donc penser qu’il accepte avec gratitude l’hospitalité de Marthe.

Ce récit, propre à Luc, suit immédiatement la parabole du Bon Samaritain. Il n’y a certainement pas contradiction entre les deux et, en particulier, gardons  nous de critiquer Marthe, l’active, par rapport à Marie, la contemplative. Le centre d’intérêt de l’évangéliste est plutôt  la relation des disciples au Seigneur. Cela ressort du contexte et de la répétition du mot “Seigneur” qui revient trois fois: “ Marie se tenait assise aux pieds du Seigneur” ; Marthe dit : « Seigneur, cela ne te fait rien » ? ”Le Seigneur lui répondit” :

L’emploi de ce mot fait penser que la relation décrite par Luc entre Jésus et les deux sœurs, Marthe et Marie, n’est pas à juger selon les critères habituels de bonne conduite. Ici, le Maître veut appeler au discernement de ce qui est “la meilleure part”, c’est à dire l’attitude la plus essentielle qu’il attend de ses disciples.

Les deux femmes accueillent le Seigneur en lui donnant toute leur attention : Marthe, pour bien le recevoir, Marie, pour ne rien perdre de sa parole. On ne peut pas dire que l’une est active, l’autre passive ; toutes deux ne sont occupées que de lui. Dans la première partie du récit, le Seigneur parle. On ne nous dit pas le contenu de son discours : on sait seulement que Marie dans l’attitude du disciple qui se laisse instruire (Es 50), boit ses paroles. Tandis que l’on voit Marthe “accaparée par les multiples occupations du service”. Le dialogue proprement dit n’intervient que sur la réclamation de Marthe : “Seigneur, cela ne te fait rien ? Ma sœur me laisse seule à faire le service. Dis  lui donc de m’aider.”

Le Seigneur prononce alors une phrase qui a fait couler beaucoup d’encre : “Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses.” La répétition du prénom donne à cette intervention une note de bienveillance affectueuse de la part du Seigneur ; ce qu’il reproche   si reproche il y a, ce n’est pas l’ardeur de Marthe à bien le recevoir. Mais ce comportement inquiet lui inspire une petite mise au point, profitable pour tout le monde. Une leçon qu’il reprendra plus longuement, un peu plus loin : “Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. Car la vie est plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement. Observez les corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’ont ni cellier ni grenier ; et Dieu les nourrit. Combien plus valez   vous que les oiseaux ! Et qui d’entre vous peut   par son inquiétude prolonger tant soit peu son existence ? Si donc vous êtes sans pouvoir même pour si peu, pourquoi vous inquiéter pour tout le reste ? Observez les lis : ils ne filent ni ne tissent et, je vous le dis : Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a jamais été vêtu comme l’un d’eux. Si Dieu habille ainsi en plein champ l’herbe qui est là aujourd’hui et qui demain sera jetée au feu, combien plus le fera-t-il pour vous, gens de peu de foi. Et vous, ne cherchez pas ce que vous mangerez ni ce que vous boirez, ne vous tourmentez pas. Tout cela les païens de ce monde le recherchent sans répit, mais vous, votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez plutôt son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît. Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume” (Lc 12, 22 32).

“Sois sans crainte”, c’est sûrement le maître mot ; ailleurs, il mettra en garde ses disciples contre les soucis de la vie qui risquent d’alourdir les cœurs : “Tenez  vous sur vos gardes, de crainte que vos cœurs ne s’alourdissent dans l’ivresse, les beuveries et les soucis de la vie” (Lc 21, 34). Ceux  ci risquent également de nous empêcher d’écouter la Parole ; c’est le message de la parabole du semeur : “Ce qui est tombé dans les épines, ce sont ceux qui entendent et qui, du fait des soucis, des richesses et des plaisirs de la vie, sont étouffés en cours de route et n’arrivent pas à maturité” (Lc 8, 14). Si Marthe n’y prend pas garde, cela pourrait devenir son cas.
Les Douze ont retenu la leçon. Plus tard, un jour est venu pour eux de choisir entre deux missions : la prédication de la Parole et le service des tables. Ils ont choisi de se consacrer à la première et ils ont confié le service des tables à d’autres: “ il ne convient pas que nous délaissions la Parole de Dieu pour le service des tables. Cherchez plutôt parmi vous, frères, sept hommes de bonne réputation, remplis d’Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de cette fonction. Quant à nous, nous continuerons à assurer la prière et le service de la Parole” (Ac 6, 2 4). En même temps, le service des tables n’est pas méprisé, puisque l’on choisit avec soin ceux qui en seront chargés. Mais il ne faut jamais oublier que “l’homme ne vit pas seulement de pain, mais qu’il vit de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur” (Dt 8, 3).

Dieu, le premier nous a aimés et nous a servis. C’est cette dette immense à l’égard d’un Dieu qui se tient parmi nous comme celui qui sert, qui suscite en nous le désir de nous mettre au service des autres. Et cette dette à l’égard de Dieu passe par la dette que nous avons à l’égard des autres.

À force de considérer la société comme un panier de crabes, nous avons fini par oublier les obscurs services que nous recevons les uns des autres et sans lesquels il n’est pas une communauté humaine qui tienne. Si nous avions conscience de tout ce que nous devons aux autres, à tant de personnes qui, loin des projecteurs, servent notre confort, nous assurent aide, soutien, réconfort, sans doute serions  nous plus prompts à répondre aux exigences de la solidarité et à suivre le Christ sur la voie du service fraternel.

Mais nous avons l’indignation plus facile que la reconnaissance. Les chrétiens eux  mêmes semblent éprouver une certaine satisfaction à se laisser scandaliser par leur propre Église, par ses erreurs passées, ses ringardises d’aujourd’hui,  par les actes autoritaires de la hiérarchie et ses crispations doctrinales: tout le monde connaît la chanson ! Je ne dis pas que nous avons tort, mais je me demande si, à force de dénoncer les petits scandales historiques de l’Église, nous n’avons pas perdu   l’habitude aidant   la mesure de ce qu’il y a de vraiment intolérable et de profondément scandaleux dans la proposition chrétienne elle  même. Nous  nous sommes fait une religion si bien tempérée, parfaitement soft, une foi climatisée à mille lieues de la subversion évangélique !

Il n’est pas question, bien sûr, d’en appeler au soulèvement et à la désobéissance civile, d’inciter au martyre, de provoquer des frissons d’absolu et de prêcher ce radicalisme évangélique qui n’est souvent que de l’autosuggestion, de la surchauffe spirituelle, de l’impuissance déguisée ou du fanatisme.

La foi ne peut qu’être humble et discrète tant elle sait qu’elle n’est que de l’incroyance surmontée, un fragile revirement du doute, dont l’attitude de l’apôtre Pierre nous fournit une expression décisive dans l’étonnante confrontation du chapitre 6 de l’évangile de Jean.
sait, mais Celui sans qui, vivre ne serait plus vivre. La foi ne consiste pas à capitaliser des vérités religieuses. Elle suppose, plus grande que les incertitudes et les énigmes, une confiance qui dit à l’Autre, sans jamais pouvoir le posséder: « Que jamais je ne sois séparé de toi. »

Jehan Claude HUTCHEN, pasteur

NCTC 188 202 186

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.

Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).