2006. 02 : dim SEXAGESIME

Sexagésime (env. 60 jours avant Pâques)

Les divers terrains

Dimanche 19 février 2006

2 Corinthiens 12/1-12


(Série de Prédication IV (Predigtreihe IV) : nouvelles  épîtres )

    « Je n’ai pas besoin de Dieu pour mener ma vie. Qu’est-ce que ça change d’ailleurs d’être chrétien ? De croire, de prier ? » entendons-nous souvent autour de nous. En effet, dans le monde actuel, tout doit être efficace, visible et rentable.  Certains groupes de croyants rebondissent sur cette attente et se hasardent dans des slogans tels que : « Avec Christ, tout est plus facile, avec Christ je peux réussir ma vie, seul le Christ est capable de me guérir ! ». Actuellement, ces groupes évangéliques remportent un grand succès chez les déçus de la vie, les mal portants et les désespérés. Mais souvent, après un temps d’euphorie, la réalité les rattrape, les déçoit à nouveau et leur foi s’en trouve ébranlée.
    L’apôtre Paul s’est heurté à de tels chrétiens dans la communauté de Corinthe. Des adeptes à tendance gnostique, que Paul appelle parfois « les super apôtres » se sentent très forts dans leur foi et leur connaissance de la vérité, ils pensent faire partie des  « fils de la Lumière » et ont l’assurance d’appartenir au camp des « sauvés », ils se vantent d’avoir  eu des révélations directes de la part du Christ. Ainsi, ils n’hésitent pas à critiquer Paul à cause de ses faiblesses humaines et à remettre en question sa légitimité d’apôtre. Et pourtant, Paul aussi pourrait se vanter d’être un super apôtre, travailleur acharné, courageux et opiniâtre, il décrit en 2 Corinthiens 11/ 23-30 tout ce qu’il a déjà enduré pour accomplir sa mission d’annoncer l’évangile : la fatigue, la prison, les persécutions, les flagellations, la lapidation, les naufrages, les longs voyages à pied avec tous les dangers des brigands, le froid et la chaleur, la faim et la soif, sans compter les soucis, les angoisses et les insomnies. De tout cela lui aussi pourrait se vanter.
    Mais le courage n’est pas tout, qu’en est-il de sa vie spirituelle ? Pour répondre à ses détracteurs, Paul va enfin se décider à parler de visions et de révélations qu’il a lui aussi reçues de la part du Seigneur. Mais il est mal à l’aise, sa pudeur à parler d’une expérience indescriptible le gêne. Oui, Paul a aussi connu des expériences mystiques, des extases qui l’ont conduit hors de notre monde, dans la prière il est entré en communion totale avec Christ, il se sent uni à son Seigneur. Il pourrait lui aussi se glorifier d’être un tel homme mais il ne le veut pas, il refuse tout bonnement les titres de super apôtre et super chrétien et déclare de manière inattendue : « si je dois me glorifier de quelque chose, c’est de mes faiblesses ! »
    Quel retournement, quel bouleversement des valeurs traditionnelles ! Paul se sent faible et il est attaqué pour ses défaillances et c’est de cette faiblesse qu’il veut se glorifier. Paul est atteint par une maladie invalidante, « une écharde dans sa chair » (le mot grec évoque plutôt un pieu qu’une petite écharde). Peut-être que ses adversaires voyaient dans cette maladie, un désaveu de la part de Dieu envers la mission de Paul. Jésus n’avait-il pas guéri, pendant sa vie terrestre, les malades qu’il avait rencontrés ? L’apôtre avait prié pour être guéri et par trois fois il a demandé au Seigneur de lui enlever cette écharde. En effet,  Dieu n’aurait-il pas dû guérir son serviteur pour lui permettre de  continuer sa mission ? Pourquoi Dieu ne l’a-t-il pas exaucé ? La réponse de Jésus est tout autre : «ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse », c’est donc  à travers les défaillances et la maladie de l’apôtre que Jésus peut désormais agir.
    Quelle leçon pour tous ceux qui se croient forts et à l’abri de l’adversité ! Quelle leçon pour ceux qui méprisent les faibles et les blessés de la vie ! Pour ceux qui se targuent d’être toujours exaucés comme ils l’entendent ! Paul, faible, laisse la grâce du Seigneur l’envahir, sans l’aide du Christ, il ne peut rien faire, il attend tout de cette grâce et il en reçoit la force nécessaire car le Christ agit à travers lui.
    Et nous ? Que faisons-nous de la réponse de Jésus : « ma grâce te suffit » ? Nous voulons bien profiter de la grâce mais elle ne nous suffit pas à elle seule. Il nous faut aussi la réussite sociale, la santé, le succès, gagner de l’argent, être heureux, avoir une famille épanouie et des amis fidèles. La grâce en plus, oui, elle nous permet d’ajouter à notre vie un peu d’espérance, de confiance, de joie profonde et d’amour, elle embellit et donne sens à notre vie. Mais pouvons nous vraiment dire que la grâce de Dieu nous suffit ? Pouvons nous nous heurter à nos limites, nos faiblesses, nos échecs, rencontrer l’infirmité, la maladie, de gros soucis matériels et affectifs et dire tout simplement « la grâce me suffit » ?
    Le pasteur Dietrich Bonhoeffer, mis en prison par les nazis et menacé de mort, a écrit, dans son livre « Résistance et soumission », cette belle confession de foi :
Je crois que Dieu veut nous donner chaque fois que nous nous trouvons dans une situation difficile la force de résistance dont nous avons besoin. Mais il ne la donne pas à l’avance, afin que nous ne comptions pas sur nous-mêmes mais sur lui seul. Dans cette certitude toute peur de l’avenir devrait être surmontée.
    Savoir que Dieu agit davantage à travers nos faiblesses qu’à travers nos points forts ce n’est pas nous contenter de notre médiocrité mais c’est nous savoir aimés de Dieu sans condition. Présenter au Seigneur nos limites, notre réalité, nos échecs permet de grandir dans la foi et de mieux nous connaître, tandis que lutter contre l’adversité, nos défauts et notre caractère avec nos propres forces peut nous mener au désespoir et à l’amertume.
    Paradoxalement Paul est un meilleur apôtre lorsqu’il est faible et malade car il laisse alors le Christ agir en lui et à travers lui, ainsi il déclare, dans Galates 2/20 : « ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi ». La force du Christ repose sur l’apôtre et il la reçoit au temps voulu (Cf. Bonhoeffer). Cette grâce  est un trésor que Paul  évoque dans 2 Corinthiens 4/7 avec cette  belle image : « nous portons ce trésor dans des vases d’argile ».
    Nous sommes ces vases, ce terrain fragile, cet argile que le moindre choc peut briser à tout moment mais nous portons en nous un trésor que rien ni personne ne peut nous enlever. « Ma grâce te suffit car ma force s’accomplit dans la faiblesse ! »
    Puisse cette réponse de Jésus reposer sur nous et nous combler !
Amen

Françoise GEHENN, pasteur aumônier à l’Hôpital de Hautepierre

Cantiques proposés : ARC n° 67/1-2; 232/1-3; 405/1-4; 608/1-3; 617/1-4; 629/1-3;

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.

Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).