2007. 03 : dim ESTO MIHI = QUINQUAGESIME

En route vers la croix

Dimanche 18.02.2007  

Luc 18,31-43

(Série de Prédication V (Predigtreihe V) : liste complémentaire I)


C’est la troisième annonce de la passion. Comme lors des deux premières, les disciples n’arrivent pas à saisir la signification des paroles de Jésus. Regardons d’abord comment se présente cette entrée dans la passion pour voir ensuite en quoi consiste l’aveuglement des disciples. Un coup d’oeil sur le dialogue de Jésus avec l’aveugle nous questionnera enfin sur notre attitude devant la passion, période liturgique qui commence dans nos Églises la semaine prochaine.

1.    L’entrée dans la passion.

Il est toujours intéressant de chercher comment Jésus est nommé dans les Évangiles. Jésus lui-même dit que ce que les prophètes ont annoncé s’accomplira pour le « fils de l’homme ». C’est ainsi qu’il se nomme lui-même. On pense que par ce terme, il insiste sur son humanité, mais en même temps il fait allusion à un personnage attendu par ses contemporains, envoyé par Dieu pour révéler la véritable destinée de tout homme lors du jugement dernier. Ce terme nous place dans une atmosphère de fin des temps.

Les gens qui l’entourent, parlent de « Jésus de Nazareth », le prédicateur et guérisseur qui a parcouru la Galilée et acquis une certaine notoriété par ses discours et ses guérisons. Il ne semble pas y avoir de signification théologique particulière dans ce terme. L’aveugle, l’appelle « fils de David ». C’est un terme messianique qui résume l’attente du sauveur par les contemporains de Jésus. Ils rêvaient du rétablissement d’un « Grand Israël » libre, avec un roi puissant. Peu après, ces gens vont lui faire la fête lors de son entrée dans la ville sainte.
Jésus explique que, selon les prophéties, le « Fils de l’homme » devra être livré aux Romains, souffrir et mourir afin de ressusci-ter et apporter le salut. Mais il semble que la mention de la ré-surrection n’est pas entendue. Les disciples ne perçoivent que l’annonce de la souffrance et de la mort, Ce qui est inacceptable pour eux car cela signifie l’échec de la mission du maître. Déjà lors de la première annonce de la passion, Pierre avait dit à Jé-sus « tu n’as pas le droit ». Lors de cette troisième annonce c’est l’incompréhension totale : ils ne veulent pas entendre.
C’est une situation courante chez les enfants, comme chez les adultes et les peuples : certaines choses désagréables, qui n’entrent pas dans les schémas de pensée à la mode, ne sont tout simplement pas perçus. Il en était ainsi chez nous dans les années 1950 des questions écologiques. Actuellement, qui est prêt à entendre parler de péché, du jugement de Dieu ?

2.    L’aveuglement

Cette impossibilité de prendre au sérieux certaines choses dérangeantes est appelée aveuglement par l’Évangile. La rencontre avec l’aveugle sur la route de Jéricho symbolise cette situation.

Les contemporains de Jésus pensaient que le Messie serait un prince victorieux qui ferait disparaître le mal et la souffrance comme par enchantement. L’Évangile selon Luc suggère que l’un des obstacles pour accepter cette transformation de l’image du messie est dû à l’amour de l’argent. En effet, il place cette annonce de la passion entre la rencontre avec l’homme riche qui ne peut abandonner ses richesses et Zachée qui, lui, partage ses biens.

Au Moyen âge, lorsque les princes d’Eglise accumulaient les richesses et que les classes moyennes ont commencé à s’enrichir, François d’Assise a posé la question de la pauvreté de Jésus. On avait l’habitude, sur les tableaux de la visite des rois mages, de représenter le petit enfant Jésus en train de prendre les pièces d’or dans la cassette du roi. On justifiait ainsi l’impôt ecclésiastique. Quand François d’Assise a dit que la pauvreté volontairement assumée était le vrai chemin pour suivre Jésus, ce fut un scandale. On ne pouvait plus utiliser Jésus pour justifier l’enrichissement. Les disciples du pauvre d’Assise ont été persécutés à plusieurs reprises.

Chez nous aussi, malgré les discours sur le partage, on a du mal à pratiquer l’amour qui donne et se donne selon la vision du chapitre 13 de la lettre aux Corinthiens. Notre époque suit plutôt les traces du philosophe Nietzsche, qui s’est dressé contre le christianisme, religion des petits et des faibles. Selon lui, la so-ciété avait besoin d’hommes forts qui refusent la soumission et la souffrance. Jésus souffrant ne va pas avec l’idéologie qui domine notre monde actuel. Elle est favorable à ceux qui savent se vendre et n’a que mépris pour les petits, les « loosers », les perdants. C’est l’une des sources de la société impitoyable qui récompense toujours les mêmes et où celui qui est né avec peu de moyens financiers ou intellectuels accumule les handicaps.
L’aveuglement des disciples, repris et accentué par le symbole de l’homme non voyant de Jéricho annonce ces évolutions de la foi chrétienne, où Jésus a été dépeint comme un roi puissant. Luther, lui, a rappelé qu’il ne faut jamais oublier la croix, symbole de l’amour patient qui se donne.On le lui a reproché ensuite, parce qu’il aurait encouragé un christianisme peureux et soumis là où on rêve de victoire et de pouvoir. Mais son apport est essentiel pour ne pas oublier l’évangile du Crucifié.

3.    Que veux-tu que je te fasse ?

Les disciples et la foule, qui désirent un messie vainqueur, sont les symboles de la société dure, qui ne veut pas voir les pauvres ou qui les écarte du chemin quand ils deviennent un peu gênants . Au lieu de mener l’aveugle vers Jésus, on le fait taire, comme les puissants font taire ceux qui contestent leur pouvoir.

Jésus, lui, va vers le pauvre.

Mais il lui pose une question étrange : « que veux-tu que je fasse pour toi » ? Nous pensons: il est évident que l’homme veut voir ! En fait, ce n’est pas si évident que cela. Nous avons entendu parler des sans domicile fixe qui refusent d’aller dans les foyers d’accueil qu’on leur propose, pour garder leur liberté et cela étonne.

L’aveugle est installé dans son handicap avec lequel il a appris à vivre, grâce auquel il a un certain succès quand il fait la man-che. Jésus ne le guérit pas sans que l’homme dise « je veux voir ». Pour qu’il puisse être guéri, il faut qu’il ait pu affirmer sa volonté de sortir du handicap. Jésus ne résout pas les problè-mes des gens sans ou contre eux.

Imaginons que Jésus, en réponse à nos prières «aie pitié de nous » vienne vers nous et nous demande: « que veux-tu que je fasse pour toi ? ». Que lui répondre? Toute réponse engage. S’il risque de nous ouvrir les yeux sur la vanité qui nous entoure et nous dit : « voici, tu peux y aller et agir », est-ce que nous lui demandons encore de nous ouvrir les yeux ?

Cl : Dans de nombreux contes, les gens demandent à connaître leur avenir , mais quand on leur annonce les malheurs qui tomberont sur leur tête, cela les démolit. Jésus a compris que son avenir sera souffrance et mort, mais il y va en confiance car c’est le chemin de Dieu.

Nous ne savons pas ce qui nous attend, mais il nous invite à l’accompagner sur ce chemin, non pour souffrir comme lui, mais pour être solidaires avec ceux qui souffrent. Sommes-nous aveuglés par nos idéologies du succès ou acceptons-nous qu’il ouvre nos yeux sur ce qu’il attend de nous ? A nous de répondre « fais que je voie » ou non. Amen

Pierre Kempf

Cantiques possibles

408    Ouvre mes yeux, Seigneur
416    O Seigneur, ta voix m’appelle
610    O Jésus mon frère
607    Seigneur, accorde-moi d’aimer

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.

Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).