2005. 14 : 14e Dim après la TRINITE

Le samaritain reconnaissant

Dimanche 28 août 2005

Marc 1, 40-45


( Série de Prédication III (Predigtreihe III) : nouveaux évangiles )

Tous ceux qui sont, un tant soit peu, versés dans l’évangile selon Marc, auront noté la crainte constante, chez Jésus, que ne soit clamée sur la place publique sa vocation de Messie. En effet, Jésus estime ne pas devoir dévoiler sa vraie personnalité, avant d’être bien établi parmi son peuple : on s’émerveillait en l’entendant prêcher et en le voyant guérir !

Pour le peuple, cependant, Jésus n’était pas autre chose qu’un thaumaturge de très haut niveau. Une telle méprise ne risquait-elle pas de conduire sa cause à l’échec. Pourtant, c’est curieux, Jésus se laisse toujours à nouveau « avoir ».

Etant plein de compassion, il multipliait les actes de guérison ! Et bien sûr, plus il guérissait et plus se renforçait sa notoriété, surtout que Jésus ne fait pas que guérir. En effet sa parole a en elle-même déjà la force d’émouvoir et de toucher au plus profond d’eux-mêmes ses auditeurs, qu’il s’agisse d’un vaste auditoire ou d’entretiens particuliers. Pourtant, l’émerveillement et l’émotion seuls, suscités par les paroles de Jésus, ne garantissent nullement que l’on soit à même de comprendre qui était Jésus.

Quel serait en effet l’autre terme de l’alternative ? Ne plus guérir et ne plus prêcher ? Alors la mission de Jésus ! Tout se passerait comme si cette belle histoire de l’homme Jésus habité par l’Esprit Saint n’avait jamais commencé. Mais cette histoire a bel et bien commencé, et elle va se développant, avec chaque nouvelle guérison opérée et chaque prédication délivrée à des foules bigarrées.

A quoi rime, alors, cette obstination de Jésus, qui ne cesse d’intimer, en vain, aux bénéficiaires de son pouvoir de guérison, l’ordre de ne pas le divulguer sur la place publique. Jésus a, sans nul doute, éprouvé en partie à cause de la désobéissance des personnes guéries, de forts moments de solitude, voire de dépression. C’est comme si Dieu avait fait un pacte avec le prince de ce siècle, pour ne pas laisser à Jésus une victoire facile et totale sur le mal. Tout se passe comme si Dieu voulait ménager une sortie honorable au mal sur le dos de Jésus. Et qui plus est, Jésus a aussi des problèmes avec ses disciples, qui ne saisissent pas le fond de son message et dont il ne peut attendre aucune consolation.

Ô ce n’est pas la bonne volonté qui leur manque !

 Mais pourquoi le Père ne donne-t-il pas le coup de pouce nécessaire à son Fils qu’il a envoyé, et ce, précisément,  en vue d’anéantir les démons et leur prince.
Tout se passe comme si, par moments, Dieu le « laissait tomber ». Et à bien y réfléchir, n’est-ce pas dans le récit de la Passion selon Marc, que Jésus mourant laisse échapper de ses lèvres le fameux verset du psaume 22, « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné » ?

A ne juger que par l’évidence de ce que nous voyons et entendons autour de nous, nous aurions, nous aussi, plein de raisons de désespérer. Souvenons-nous alors que Christ nous a précédés sur un tel chemin et qu’il s’est  fréquemment tourné vers Dieu en prière dans le désert !

Ce qui particularise notre texte, dans son rapport à d’autres récits de guérison, c’est la manière dont Marc illustre l’état confusionnel, dans lequel se trouve le malade qui va vers Jésus : à la demande du malade, Jésus répond « je le veux, soit pur », « il est purifié » puis, sans transition, « il le rudoie, il le jette dehors ». Qui Jésus rudoie-t-il ? Qui jette-t-il dehors ? Et hors de quoi, de qui ? A s’en tenir scrupuleusement au texte, on ne saurait le dire, c’est très confus ! En fait il s’agit là d’un artifice littéraire pour montrer la situation de confusion extrême, dans lequel se trouve un malade. A l’instar du pécheur, le malade n’est pas un être libre ! La présence du mal dans son corps le coupe à des degrés divers de sa vocation de sujet : il pense et agit en fonction du mal auquel il est soumis ! C’est ainsi que Marc, au début de son évangile, veut nous faire comprendre qu’un malade est tout autant habité par un démon que l’est un pécheur. Tout ce qui asservit l’homme et veut lui barrer le chemin de la vie et de la spontanéité, que ce soit une incapacité physique ou une tare psychique, est considéré par Dieu (et donc par Jésus) comme démoniaque : le pécheur et le lépreux sont l’un comme l’autre, bel et bien des « possédés » : ils sont l’emprise d’une ou plusieurs formes du mal qui agit avec eux à sa guise et les fait souffrir sans qu’ils puissent se défendre.

Parvenus à ce stade de notre méditation, il nous faut rendre hommage à notre Réformateur, Martin Luther, qui a trouvé les mots si justes pour nous permettre de découvrir à notre tour cette vérité fondamentale concernant notre état de pécheur. Je pense ici aux 4 strophes du fameux cantique de la réformation, d’où sont tirées les paroles suivantes : « Mit unsrer Macht ist nichts getan, wir sind gar bald verloren ! Es streit’t für uns der rechte Mann, den Gott selbst hat erkoren ! Fragst du wer er ist, er heisst Jesus Christ und ist kein andrer Gott, das Feld muss er behalten.“

Par ces mots (et bien d’autres encore), Luther affiche sa pensée théologique comme provenant de la même source d’où jaillit avec force et puissance l’évangile sur lequel nous prêchons.

Pour en revenir au début de notre méditation, peut-être éprouvons-nous maintenant un peu plus de compassion à l’égard du lépreux. Comment, en effet, serait-il possible de contenir sa joie et de se taire après avoir été guéri de longues années de calvaire, asservi par des démons, sans pouvoir entrevoir ne serait-ce qu’un mince filet de lumière au sein de si épaisses ténèbres.

Que retenir encore de ce texte, sinon que ni les craintes de Jésus, ni les désobéissances des personnes guéries ne mettent en échec le plan de Dieu. Nous savons tous, en effet, que l’évangile de Marc, tout comme les autres évangiles, trouve son aboutissement dans la victoire sur la mort, l’ennemi par excellence, suivie de l’Ascension, où le Christ siège à la droite du Père et intercède dès à présent pour ceux qui sont prêts à le suivre sur son chemin de douleur. Amen

         Christian MATTER, pasteur

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
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Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER,
au Secrétariat de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).