2008. 15 : 15e Dim après la TRINITE

15e Dimanche après la trinité – Genèse 2, 4b-9 & 10-15
EPAL – Service Lecteurs – Frédéric Gangloff


                        15e Dimanche après la trinité

                                     21 Août 2008

                            Genèse 2, 4b-9 & 10-15
 
                               Les biens terrestres

                     ou « La vie (à) côté (du) jardin » !

Chers sœurs et frères en Christ,

Ne sommes-nous pas tous à la recherche de notre paradis perdu ? N’y a t il pas au fond de chacun d’entre nous cette nostalgie d’un cocon douillet qui « existait avant » et duquel nous avons été brutalement extirpés, voire chassés ? La publicité « surfe » également sur cette vague d’un « Eden » promis à tous et qu’elle place à portée de nos mains ! Un lieu symbole d’harmonie, de pureté, d’innocence sur lequel on a habilement greffé l’idée de beauté éternelle, de jeunesse épanouie, de perfection à travers le slogan : « Parce que vous le valez bien ! »

Si seulement nous pouvions être tranquilles de temps en temps, loin des autres, de la foule, de la pollution, du stress quotidien, fuir la réalité, nous reconstruire un monde vierge où nous rêvons d’être protégés de toute agression, de toute contrainte, de toute fausse note…Il faut dire que l’intérêt croissant pour l’écologie et le souci pour la sauvegarde de la planète – et des réserves de pétrole ?- laissent entendre que nous pourrions revenir à une sorte d’état pré paradisiaque où l’humain et la création vivaient en parfaite symbiose… Comme si l’on pouvait restituer un lien sacré nous unissant à la nature mère. A condition qu’il n’ait jamais existé… Or ce n’est pas exactement cela qui est dit dans notre texte.

L’auteur de notre passage n’est visiblement pas intéressé dans les détails du processus de la création des cieux et de la terre. Contrairement à Genèse 1, on ne trouve pas la symbolique des jours de la semaine ni la mise à part du Sabbat. Dieu ne met pas l’ordre ni l’harmonie dans le chaos par sa parole. La création est un fait accompli. Sur ce caillou sec, le jardin qui va être planté par la suite ressemble à une oasis au milieu d’un désert. Ce modèle d’un « paradis réel » pour des nomades correspond à la vision de ces gens qui habitaient le fameux croissant fertile dans l’actuel Irak entre les fleuves du Tigre et de l’Euphrate.

Avant l’intervention divine, le sol est une steppe aride, à peine arrosée, à l’écart du rythme des saisons et de toute activité humaine. Toute vie dépend de la volonté de Dieu. D’ailleurs avant de planter le décor du jardin, Dieu en fabrique les personnages; une manière de souligner la place unique de l’homme dans le plan de son créateur. Ensuite le créateur le « modèle, forme » à partir de la poussière de la terre, matériau peu flatteur, et ce n’est que lorsqu’il lui insuffle dans les narines la vie que l’homme devient un véritable être vivant. Le souffle appartient à Dieu, seul susceptible d’animer la matière inerte. De plus, le premier homme n’est pas monsieur Adam, il ne porte pas de nom « propre ». Il est même plutôt « sale » car on peut l’appeler le terreux. Il représente l’ensemble de l’humanité. Le modelage de l’humain est un thème commun à tout le Proche-orient ancien. Dieu « plante » ensuite un jardin en Eden (à l’est) pour y placer l’homme au confluent des grands fleuves.

Au centre de ce jardin fertile surviennent deux symboles importants : 1. l’arbre de vie qui évoque la quête humaine de l’immortalité et la vedette dans le drame suivant, 2. l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Au v. 16, Dieu donnera une consigne à l’homme, en l’interpellant, il reçoit ainsi sa qualité d’interlocuteur de Dieu et devient une personne responsable avec un choix de vie ou de mort.

Dans les v. 10-14, le fleuve principal prenant sa source en ce lieu se divise en quatre bras secondaires encerclant des régions semi mythiques. Si pour le Pichon et Havila, il est difficile de donner une identification, le second, le Guihon fait le tour du pays de Koush (Mésopotamie ou peut-être le Soudan et les sources du Nil bleu). Le Tigre et l’Euphrate désignent les limites du croissant fertile mésopotamien. On cherche ici à établir un lien entre le jardin primitif et la géographie réelle où se déroulera la naissance de l’histoire humaine. « Le paradis » n’est donc pas un monde virtuel mais peut, pour ainsi dire, être déjà là où l’on vit sur terre à condition de respecter certaines règles de savoir-vivre. Après le décor planté et les limites tracées, l’homme reçoit la fonction précise de garder le jardin et de le servir. En d’autres termes, Dieu se dessaisit de sa fonction de jardinier et la confie à l’homme. Remarquons, en guise de clin d’œil que, dans l’Evangile de Jean, Marie-Madeleine prend Jésus pour le jardinier… Le sens de cultiver que l’on trouve dans la plupart des traductions n’est pas clairement indiqué puisqu’il semble que l’homme « n’égratigne » pas vraiment la terre puisque Dieu lui permet de manger de tous les fruits du jardin – l’homme est végétarien- sauf de ceux de l’arbre de la connaissance.

L’intention de ce passage est multiple :

– La relation étroite du terreux avec la terre est réaffirmée sans qu’il soit possible de dire qu’il la domine ou l’exploite. Au contraire, il en est dépendant mais sans fusionner avec elle. Ce n’est qu’à partir du chapitre 3 que la terre deviendra pour lui matière première, nourriture, travail pénible et « dernière demeure ».
– Si le terreux devient certes jardinier, il n’est pas destiné à devenir Robinson. Il ne peut rester seul dans son « île paradisiaque » mais a besoin de s’insérer dans une communauté et de bénéficier d’un environnement favorable (animaux, femme…).
– La relation entre l’humain et Dieu débute sous la forme d’un interdit, de limites, mais qui lui laisse toute liberté de l’enfreindre ou non !
– Il y a une étroite symbiose entre l’humain et son environnement. La nature est à sa disposition, il en tire toute sa subsistance sans aucun effort. Il n’ y a pas non plus de différence marquée entre l’animal et l’homme (même matière première, même souffle). Les animaux sont crées pour vivre en relation avec les humains. Ils sont même envisagés comme des aides dans un premier temps et non comme des « beefsteak ».
– Ce jardin est un véritable paradis dans le sens où il nous dit qu’un monde, fondé sur des relations saines, iréniques et complémentaires, peut exister à condition de renoncer au jeu de la domination et de l’exploitation, et de se placer au service les uns des autres.

Lorsque Dieu a « planté » l’homme et la femme il leur a fixé une limite. C’est ce qui me fait humain, ce qui donne un sens à ma vie pour vivre avec les autres et rester à ma place. Car devenir humain c’est toujours savoir renoncer et accepter ses propres limites. En même temps, heureusement que le couple a été chassé du jardin d’Eden pour cultiver le sien, car si la limite me fait humain, la transgresser me fait individu. Ainsi rien n’est jamais déterminé ni programmé et il est toujours possible de changer le monde à condition de le vouloir. Dieu merci ! Nous sommes sortis du paradis pour prendre conscience de la réalité, des autres et des sentiments. A nous de réapprendre à ne pas manger l’autre mais de manger avec l’autre, devenir des acteurs de partage, sans se rejeter continuellement la faute. Et peut-être verrons-nous enfin la vie côté jardin ?

Frédéric Gangloff

Cantiques conseillés :

Arc 24 – Arc 247 – Arc 427 – Arc 616


PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL. Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr), jusqu’en 2009. A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MPRSBRONN-LES-BAINS (tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction. Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat de la Paroisse de 67340 INGWILLER (tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).