2005. 21 : 21e Dim après la TRINITE (3e St Michel)

L’armure spirituelle

Dimanche 16 octobre 2005

Matthieu 10, 34-39


( Série de Prédication III (Predigtreihe III) : nouveaux évangiles )

    C’est vraiment un texte étrange que nous venons de lire et d’entendre.  » Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée.  » Je suis venu mettre la division.  » Les affections naturelles, familiales, filiales, fraternelles semblent poser problème. Nous sommes habitués à entendre parler de la croix. Mais pourquoi tant insister sur les difficultés, la souffrance, et non pas sur le bonheur que procurent la foi et la vie chrétienne. Perdre sa vie, pourquoi souligner  la négation et ne pas mettre l’accent sur le Christ, source de vie nouvelle. La tonalité du texte étonne et semble détonner dans l’ensemble des évangiles. L’on se met même à se poser des questions : Est-ce vraiment Jésus qui a prononcé ces  paroles ? Sans aller jusque là, s’informer sur le contexte humain, historique et littéraire nous permettra peut-être de comprendre ce texte, de le recevoir et de l’accueillir. En effet,  l’Evangile de Matthieu lui-même nous renseigne. Le texte fait partie d’un ensemble qui concerne l’envoi en mission des douze apôtres. La motivation de cet envoi est à chercher dans le constat de Jésus sur ce que ressent la foule. Ceux qui se réunissent autour de Jésus sont languissants et abattus, livrés à eux-mêmes, sans guide. L’évangéliste nous dit que Jésus est ému de compassion. Cela signifie qu’il ressent intérieurement  avec  force, cet abandon de la foule. C’est la raison pour laquelle il envoie ses disciples, les faisant participer à sa mission, qui est de sauver, d’aider, d’aimer, d’annoncer et de promouvoir ce Royaume de Dieu, qui est au centre de son enseignement. Les Béatitudes, le sermon  sur la montagne, les Paraboles constituent l’essentiel de son enseignement oral. Les disciples  sont donc envoyés, deviennent des apôtres. Comme l’affirme le  texte, ils sont appelés à prêcher.  » Dites : le royaume des cieux est proche.  » Jésus leur donne aussi le pouvoir de chasser les  esprits impurs, de guérir toute maladie et toute infirmité. Ils sont donc les ouvriers de la moisson. Jésus connaît les difficultés de la mission. Il leur déclare  » Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups.  » Pour accomplir cette mission, il faut donc être solide. Pour employer une métaphore militaire, l’on dirait: être armé. D’où le thème de ce dimanche: l’armure spirituelle. Sans aide, sans ressources intérieures impossible d’affronter les difficultés, les loups de toutes espèces, le mal dans sa diversité.

   Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Matthieu rédige son  évangile dans les années quatre-vingts. Cela signifie que le messie, chef politique n’a pas libéré la Palestine et instauré  une paix nouvelle .Les règnes de David et Salomon sont le prototype de cette espérance. Jérusalem a été détruite, le Temple n’existe plus.  La paix, ce n’est pas non plus la pax romana qui s’ajoutant à une culture hellénistique, qui certes permet de circuler, de commercer, mais au prix de la négation de tous les particularismes et en particulier de la foi juive et de la foi chrétienne, perçues comme une remise en cause du pouvoir de l’empereur  considéré  comme le fils de Jupiter. L’épée dont il est question est bien cette parole du Christ qui met à nu les contradictions du présent, qui met en évidence et en question toutes les idolâtries pour faire progresser la paix véritable. Cette paix n’est pas un faux semblant irénique de surface: ne pas faire de bruit, ne rien déplacer, ne rien dire. L’épée dont il est question, en mettant à jour toutes les contradictions aide à l’instauration de la paix véritable, du shalom annoncé par les prophètes et mis en oeuvre et en chantier  par Jésus .Cette paix passe par la vérité, par la justice, par la réconciliation, par la miséricorde, par le respect de tout homme, par l’écoute. C’est à cela que les disciples et nous après  eux, sommes appelés.

   La foi chrétienne consiste en un engagement personnel, une réponse à l’appel lancé par Jésus à le suivre. Jésus réclame ainsi la première place. Ce n’est pas une affaire de préférence ou de jalousie, mais une réponse à la question : quelles sont pour toi les valeurs essentielles: la charité, la miséricorde, la vérité, la justice? C’est ainsi que les appartenances familiales, tribales, nationales peuvent être remises en cause et donner lieu à des oppositions. L’Evangile prime sur tout autre chose. C’est ainsi que l’on peut comprendre les paroles de Jésus.

   Porter sa croix, qu’est-ce à dire. Que je désire être un disciple et un témoin de Jésus-Christ mort sur la croix et ressuscité. A l’origine, comme l’affirme l’apôtre Paul, la croix constitue un scandale pour les Juifs, une folie pour les païens. En effet  la crucifixion est un supplice réservé aux esclaves, non seulement une mort cruelle mais une honte. Les disciples ont vraiment eu du mal à admettre la crucifixion de  Jésus. A-t-il eu conscience dès le début que son ministère le menait vers la mort ? Je ne sais. Mais je crois qu’il n’y pas  lieu de remettre en question ses annonces répétées concernant ses souffrances. Sa mission passait par le don total de soi, de sa vie pour les autres. Tout un travail s’est effectué dans les premières communautés chrétiennes pour essayer de voir si  les  Ecritures avaient annoncé cela (l’Ancien Testament). Le Ressuscité l’expliquera  aux  pèlerins d’Emmaüs : il fallait  que le Messie souffrît conformément aux Ecritures (Luc 24, 25)

   Quelle est la signification de la croix ? L’apôtre Paul affirme dans 1 Cor. 15,3 : le Christ est mort pour nos péchés selon les Ecritures. Il dira  encore que Jésus a été crucifié pour nous racheter de la malédiction de la Loi. La loi dans ce cas met en évidence la culpabilité de l’homme .La croix est donc l’exécution de la sentence. La croix de Jésus nous libère de cette culpabilité. Elle est grâce, pardon, miséricorde. L’apôtre dit encore : par le sang de la croix, Dieu s’est réconcilié tous les êtres. Il a rétabli la paix et l’unité entre Juifs et païens pour qu’ils ne forment plus qu’un seul corps. (Ephésiens 2, 14-18)

   A partir de là, il est possible de mieux comprendre ce que signifie  » porter sa croix « . C’est en premier lieu mettre sa confiance, sa foi dans le Christ mort sur la croix et ressuscité, et non pas dans les puissants de ce monde. C’est fonder sa vie sur la grâce de Dieu, sur le pardon et la  miséricorde. Nous comprenons ainsi  pourquoi la foi est une arme dans le combat  de l’existence. La croix du Christ  redonne force et courage dans tous les combats de la vie.

   La vraie vie n’est pas dans le pouvoir ou l’enrichissement. La vraie vie est dans le don de soi, dans le partage. Si cela est l’objet d’un combat, les armes utilisées ne peuvent être que non-violentes .Tout cela concerne absolument notre actualité.

                                                                                     Jean Mertens, pasteur