2007. 19 : 19e Dim après la TRINITE (1er St Michel)

14 octobre 2007

Guérison du corps et de l’âme

Jean 5, 1-16

(Série de Prédication V (Predigtreihe V) : liste complémentaire I)

    Dans un hôpital, un jeune homme regarde par la fenêtre, il est gravement malade, une maladie dégénérescente qui peu à peu le paralyse. Il regarde par la fenêtre car dans la rue, c’est carnaval, une fête pleine de rires et de joie avec des jeunes comme lui. Mais il y a deux univers, dehors et dedans, ceux qui sont en bonne santé et ceux qui sont à l’hôpital, un monde à part. Et le jeune homme est saisi par le désespoir, pourquoi moi ? Ma vie a-t-elle encore un sens ?

    Cette scène d’un hôpital citadin nous renvoie directement à notre récit de Jean 5. Nous sommes en présence d’une situation bien ressemblante. C’est la fête à Jérusalem, une de ces grandes fêtes juives où se rassemble la foule des bien-portants, des gens dynamiques, de ceux qui sont insérés dans la vie active. En se promenant à travers cette foule, Jésus avait de multiples occasions de rencontrer des gens de partout et de tous les milieux. Tous se rendent au Temple et Jésus lui se dirige vers la piscine de jeune homme en dehors de la ville. Il part à la rencontre des laissés pour compte, de ceux que la vie a laissés au bord du chemin. Ces paralysés, ces infirmes, ces aveugles et ces malades se retrouvent dans un lieu tout à fait particulier : jeune homme. Un ancien sanctuaire païen consacré à Sérapis, le dieu guérisseur où subsiste des croyances et des traditions comme le témoigne ce verset (Jean 5/4) :

« À certains moments, l’ange du Seigneur descendait dans la piscine, l’eau s’agitait, et le premier qui y entrait, après que l’eau ai bouillonné, était guéri, quelle que soit sa maladie. C’était le Lourdes des temps anciens, une concentration de malades qui attendent un acte magique, une guérison miraculeuse, mais pour cela il faut être le premier à descendre dans l’eau. C’est dans ce lieu de souffrance et d’espoir déçu que Jésus choisit de se rendre et c’est là-bas qu’il rencontre un homme couché et malade depuis 38 ans.

    Essayons d’imaginer quelle pouvait être la vie de cet homme depuis tant d’années ! Le matin, des personnes de son entourage le déposaient dans ce lieu et le soir, elles le cherchaient pour le ramener à la maison. Tous les jours, la même chose et personne à ses côtés dans la journée ! Notre homme est étendu là, attendant un miracle qui ne vient pas puisqu’il est seul (en effet, Bethesda est constituée de grands bassins profonds et nul ne peut s’y plonger en tant qu’infirme sans l’aide de bien-portants).

    Pour la première fois, quelqu’un le regarde, quelqu’un vient à lui et s’intéresse à lui. Notre homme n’espère plus rien, il n’attend plus rien de la vie. Pourquoi Jésus est-il allé vers lui au milieu de ces nombreux malades ? Nous ne le savons pas, c’est le mystère de la rencontre, un « je » rencontre un « tu » et il se passe quelque chose d’important.

    Néanmoins, nous sommes surpris par la première phrase, la question que prononce Jésus : « Veux-tu être guéri ? » Que penserait un malade à qui son médecin poserait cette question ? « Mais c’est évident, depuis 38 ans j’attends la guérison et rien ne se passe. Si seulement je pouvais marcher, être indépendant, faire ce que je veux, de mon plein gré, bien sûr que je veux être guéri ! » Personne ne répondrait : « je ne veux pas être guéri ! » Et pourtant, Jésus pose cette question, n’a-t-il pas aussi demandé à Bartimée l’aveugle : « que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Marc 10/51) Jésus ne guérit pas les gens malgré eux, il a besoin de leur pleine adhésion et de leur participation. Il tente d’éveiller en eux un désir profond de changer, de rencontrer un élan de confiance et de foi, un vrai oui à la vie.

    La réponse de notre malade est tout aussi déconcertante : « je n’ai personne pour me plonger dans la piscine quand l’eau se met en mouvement. Et pendant que j’essaie d’y aller un autre descend avant moi. » « Je n’ai personne ! » comme cette expression résonne à nos oreilles ! « Je n’ai personne ! » se plaint la dame âgée dans sa Maison de retraite que les enfants trop occupés ne visitent plus. « Je n’ai personne » crie l’adolescent qui se drogue et tente de se suicider, personne à qui parler de mes souffrances, mes parents m’ont mis à la porte et je n’intéresse plus les copains. « Je n’ai personne » à qui parler de mes soucis au travail. « Je n’ai personne » à qui parler de la gravité de ma maladie. La solitude n’est-elle pas le fléau des temps modernes ! C’est le cri de notre homme. Ah si seulement, il avait eu comme cet autre paralysé quatre compagnons pour le porter à travers le toit ! (Marc 2/3)

     L’histoire est simple : « veux-tu être guéri ? » et l’homme de répondre : « je ne le puis seul » A présent, notre homme n’est plus seul, quelqu’un a réveillé en lui, un vrai désir de guérir, une soif de vivre. Jésus le met debout : « lève-toi ! » c’est un mot si simple et pourtant c’est le même verbe en grec qui donnera le terme ressusciter. Chaque matin, le juif croyant remercie Dieu de pouvoir se lever. Dans les services de rééducation, quelle est grande la victoire quand quelqu’un de paralysé parvient à se mettre debout ! « Lève-toi, prends ta natte et marche ! » Jésus n’a pas besoin de fontaine miraculeuse pour accomplir une guérison, sa parole suffit à susciter une vie nouvelle. Pour notre homme, c’est un nouveau départ, il peut réapprendre à marcher, réapprendre à vivre !

L’histoire est simple, magnifique, trop belle, la réalité nous paraît tellement plus sombre !

Nous ne prêtons souvent pas attention à une partie de cette parole de Jésus : « prends ton lit, prends ta natte ! » ce n’est pas seulement un conseil de propreté de ne pas laisser ses affaires traîner derrière soi. « Prends ton lit ! » a une signification beaucoup plus importante, en effet notre homme sera épinglé par les pharisiens qui lui reprocheront de porter son lit le jour du sabbat. Pourquoi Jésus a-t-il donné cet ordre ? Simone Pacot dans son livre : « L’évangélisation des profondeurs » a donné à cet ordre de Jésus, un sens très symbolique. Marcher, c’est magnifique, mais tu ne peux laisser derrière toi ta maladie, ton infirmité, tes blessures qui t’ont marqué et profondément changé. Tu ne peux les oublier comme si elles n’avaient jamais existé. Elles sont là en toi, tu les portes, c’est ton histoire et tu l’emportes avec toi. La guérison ne viendra pas d’un seul coup, tu devras d’abord revisiter tes blessures et tes échecs, les regarder tels qu’ils sont au plus profond de toi-même et enfin nommer ce qui te fait mal. On dit souvent que la conversion et la nouvelle naissance balaient tout le passé. Déjà en son temps Luther avait compris que les choses sont plus complexes : « j’ai noyé le vieil homme mais le coquin il sait nager ! » Prends ta natte et porte la pendant ta marche jusqu’au bout du chemin, elle deviendra tous les jours plus légère jusqu’à ce que tu puisses la déposer entièrement !

Et pourtant, certains jours, le lit semble très lourd à porter, surtout quand la guérison ne vient pas !

Parfois, nous visitons des malades qui nous demandent de prier pour la guérison. Que se passe-t-il quand cette prière n’est pas exaucée et que ces personnes restent malades ? Certains font un travail de guérison intérieure, un cheminement par étapes. La maladie les ouvre à d’autres réalités, ils seront différents après qu’avant, la guérison alors est un vrai travail de reconstruction, un oui à la vie. Une personne dont la maladie l’entraînait inexorablement vers la mort a fait ce magnifique témoignage : « j’ai longtemps prié pour la guérison, maintenant je sais que je ne guérirai pas physiquement mais j’ai fait un grand bout de chemin à travers cette maladie, Dieu m’a accompagnée, transformée, je vais mourir guérie ».

 « Lève-toi, prends ta natte et marche ! » Le chemin ne sera pas facile, les rechutes seront normales, inévitables. Aujourd’hui, « marche ! » Fais le bout de chemin que Dieu a tracé pour toi, « marche ! » quel que soit la peur de l’avenir.

Comment comprendre : « Ne pèche plus de peur qu’il ne t’arrive pire encore ? » Ce n’est pas une menace mais tout simplement une exhortation à ne pas nous enfermer dans le mal, à rencontrer l’amour vivant. Ainsi Dieu nous exhorte aujourd’hui : « prends soin de la vie en toi et autour de toi pour qu’elle porte du fruit et accueille la grâce qui transforme toutes choses ! »
 « Lève-toi, prends ta natte et marche ! »

Amen

Françoise GEHENN, pasteur aumônier à l’Hôpital de Strasbourg Hautepierre

Cantiques proposés :

ARC : Psaume 6 / 2,4,5 ; 153 / 1-3 ; 229 / 1-3 ; 408 / 1,3,4 ; 544 /1-4 ; 613 /1-3

¼ – Service des Lecteurs – SL – 43 – 21,10,2007 – Jean-Jacques GEHENN
19e dimanche après la Trinité
14 octobre 2007
Guérison du corps et de l’âme
Jean 5, 1-16
    Dans un hôpital, un jeune homme regarde par la fenêtre, il est gravement malade, une maladie dégénérescente qui peu à peu le paralyse. Il regarde par la fenêtre car dans la rue, c’est carnaval, une fête pleine de rires et de joie avec des jeunes comme lui. Mais il y a deux univers, dehors et dedans, ceux qui sont en bonne santé et ceux qui sont à l’hôpital, un monde à part. Et le jeune homme est saisi par le désespoir, pourquoi moi ? Ma vie a-t-elle encore un sens ?

    Cette scène d’un hôpital citadin nous renvoie directement à notre récit de Jean 5. Nous sommes en présence d’une situation bien ressemblante. C’est la fête à Jérusalem, une de ces grandes fêtes juives où se rassemble la foule des bien-portants, des gens dynamiques, de ceux qui sont insérés dans la vie active. En se promenant à travers cette foule, Jésus avait de multiples occasions de rencontrer des gens de partout et de tous les milieux. Tous se rendent au Temple et Jésus lui se dirige vers la piscine de jeune homme en dehors de la ville. Il part à la rencontre des laissés pour compte, de ceux que la vie a laissés au bord du chemin. Ces paralysés, ces infirmes, ces aveugles et ces malades se retrouvent dans un lieu tout à fait particulier : jeune homme. Un ancien sanctuaire païen consacré à Sérapis, le dieu guérisseur où subsiste des croyances et des traditions comme le témoigne ce verset (Jean 5/4) :

« À certains moments, l’ange du Seigneur descendait dans la piscine, l’eau s’agitait, et le premier qui y entrait, après que l’eau ai bouillonné, était guéri, quelle que soit sa maladie. C’était le Lourdes des temps anciens, une concentration de malades qui attendent un acte magique, une guérison miraculeuse, mais pour cela il faut être le premier à descendre dans l’eau. C’est dans ce lieu de souffrance et d’espoir déçu que Jésus choisit de se rendre et c’est là-bas qu’il rencontre un homme couché et malade depuis 38 ans.

    Essayons d’imaginer quelle pouvait être la vie de cet homme depuis tant d’années ! Le matin, des personnes de son entourage le déposaient dans ce lieu et le soir, elles le cherchaient pour le ramener à la maison. Tous les jours, la même chose et personne à ses côtés dans la journée ! Notre homme est étendu là, attendant un miracle qui ne vient pas puisqu’il est seul (en effet, Bethesda est constituée de grands bassins profonds et nul ne peut s’y plonger en tant qu’infirme sans l’aide de bien-portants).

    Pour la première fois, quelqu’un le regarde, quelqu’un vient à lui et s’intéresse à lui. Notre homme n’espère plus rien, il n’attend plus rien de la vie. Pourquoi Jésus est-il allé vers lui au milieu de ces nombreux malades ? Nous ne le savons pas, c’est le mystère de la rencontre, un « je » rencontre un « tu » et il se passe quelque chose d’important.

    Néanmoins, nous sommes surpris par la première phrase, la question que prononce Jésus : « Veux-tu être guéri ? » Que penserait un malade à qui son médecin poserait cette question ? « Mais c’est évident, depuis 38 ans j’attends la guérison et rien ne se passe. Si seulement je pouvais marcher, être indépendant, faire ce que je veux, de mon plein gré, bien sûr que je veux être guéri ! » Personne ne répondrait : « je ne veux pas être guéri ! » Et pourtant, Jésus pose cette question, n’a-t-il pas aussi demandé à Bartimée l’aveugle : « que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Marc 10/51) Jésus ne guérit pas les gens malgré eux, il a besoin de leur pleine adhésion et de leur participation. Il tente d’éveiller en eux un désir profond de changer, de rencontrer un élan de confiance et de foi, un vrai oui à la vie.

    La réponse de notre malade est tout aussi déconcertante : « je n’ai personne pour me plonger dans la piscine quand l’eau se met en mouvement. Et pendant que j’essaie d’y aller un autre descend avant moi. » « Je n’ai personne ! » comme cette expression résonne à nos oreilles ! « Je n’ai personne ! » se plaint la dame âgée dans sa Maison de retraite que les enfants trop occupés ne visitent plus. « Je n’ai personne » crie l’adolescent qui se drogue et tente de se suicider, personne à qui parler de mes souffrances, mes parents m’ont mis à la porte et je n’intéresse plus les copains. « Je n’ai personne » à qui parler de mes soucis au travail. « Je n’ai personne » à qui parler de la gravité de ma maladie. La solitude n’est-elle pas le fléau des temps modernes ! C’est le cri de notre homme. Ah si seulement, il avait eu comme cet autre paralysé quatre compagnons pour le porter à travers le toit ! (Marc 2/3)

     L’histoire est simple : « veux-tu être guéri ? » et l’homme de répondre : « je ne le puis seul » A présent, notre homme n’est plus seul, quelqu’un a réveillé en lui, un vrai désir de guérir, une soif de vivre. Jésus le met debout : « lève-toi ! » c’est un mot si simple et pourtant c’est le même verbe en grec qui donnera le terme ressusciter. Chaque matin, le juif croyant remercie Dieu de pouvoir se lever. Dans les services de rééducation, quelle est grande la victoire quand quelqu’un de paralysé parvient à se mettre debout ! « Lève-toi, prends ta natte et marche ! » Jésus n’a pas besoin de fontaine miraculeuse pour accomplir une guérison, sa parole suffit à susciter une vie nouvelle. Pour notre homme, c’est un nouveau départ, il peut réapprendre à marcher, réapprendre à vivre !

L’histoire est simple, magnifique, trop belle, la réalité nous paraît tellement plus sombre !

Nous ne prêtons souvent pas attention à une partie de cette parole de Jésus : « prends ton lit, prends ta natte ! » ce n’est pas seulement un conseil de propreté de ne pas laisser ses affaires traîner derrière soi. « Prends ton lit ! » a une signification beaucoup plus importante, en effet notre homme sera épinglé par les pharisiens qui lui reprocheront de porter son lit le jour du sabbat. Pourquoi Jésus a-t-il donné cet ordre ? Simone Pacot dans son livre : « L’évangélisation des profondeurs » a donné à cet ordre de Jésus, un sens très symbolique. Marcher, c’est magnifique, mais tu ne peux laisser derrière toi ta maladie, ton infirmité, tes blessures qui t’ont marqué et profondément changé. Tu ne peux les oublier comme si elles n’avaient jamais existé. Elles sont là en toi, tu les portes, c’est ton histoire et tu l’emportes avec toi. La guérison ne viendra pas d’un seul coup, tu devras d’abord revisiter tes blessures et tes échecs, les regarder tels qu’ils sont au plus profond de toi-même et enfin nommer ce qui te fait mal. On dit souvent que la conversion et la nouvelle naissance balaient tout le passé. Déjà en son temps Luther avait compris que les choses sont plus complexes : « j’ai noyé le vieil homme mais le coquin il sait nager ! » Prends ta natte et porte la pendant ta marche jusqu’au bout du chemin, elle deviendra tous les jours plus légère jusqu’à ce que tu puisses la déposer entièrement !

Et pourtant, certains jours, le lit semble très lourd à porter, surtout quand la guérison ne vient pas !

Parfois, nous visitons des malades qui nous demandent de prier pour la guérison. Que se passe-t-il quand cette prière n’est pas exaucée et que ces personnes restent malades ? Certains font un travail de guérison intérieure, un cheminement par étapes. La maladie les ouvre à d’autres réalités, ils seront différents après qu’avant, la guérison alors est un vrai travail de reconstruction, un oui à la vie. Une personne dont la maladie l’entraînait inexorablement vers la mort a fait ce magnifique témoignage : « j’ai longtemps prié pour la guérison, maintenant je sais que je ne guérirai pas physiquement mais j’ai fait un grand bout de chemin à travers cette maladie, Dieu m’a accompagnée, transformée, je vais mourir guérie ».

 « Lève-toi, prends ta natte et marche ! » Le chemin ne sera pas facile, les rechutes seront normales, inévitables. Aujourd’hui, « marche ! » Fais le bout de chemin que Dieu a tracé pour toi, « marche ! » quel que soit la peur de l’avenir.

Comment comprendre : « Ne pèche plus de peur qu’il ne t’arrive pire encore ? » Ce n’est pas une menace mais tout simplement une exhortation à ne pas nous enfermer dans le mal, à rencontrer l’amour vivant. Ainsi Dieu nous exhorte aujourd’hui : « prends soin de la vie en toi et autour de toi pour qu’elle porte du fruit et accueille la grâce qui transforme toutes choses ! »
 « Lève-toi, prends ta natte et marche ! »

Amen

Françoise GEHENN, pasteur aumônier à l’Hôpital de Strasbourg Hautepierre

Cantiques proposés :

ARC : Psaume 6 / 2,4,5 ; 153 / 1-3 ; 229 / 1-3 ; 408 / 1,3,4 ; 544 /1-4 ; 613 /1-3

¼ – Service des Lecteurs – SL – 43 – 21,10,2007 – Jean-Jacques GEHENN