2008. 21 : 21e Dim après la TRINITE (3e St Michel)

12 Octobre 2008

1 Corinthiens 12, 12-14 & 26-27

L’armure spirituelle ou L’Eglise : « grand corps malade ? »


Série VI (Reihe VI)  : liste complémentaire II :

Chers sœurs et frères en Christ,

Selon une parabole chinoise, le paradis et l’enfer seraient identiques à bien des égards. Dans les deux, l’on voit des gens attablés devant lesquels sont déposées des assiettes et chaque individu reçoit 2 baguettes – ce qui est déjà, en soi, un couvert d’enfer- . En plus ces baguettes sont tellement longues que personne ne peut s’en servir pour apporter les aliments à sa bouche. En enfer, ils crèvent de faim, sont agressifs et violents car chacun essaye vainement de ramener la nourriture à lui. Au paradis, même tableau, mais chacun se sert de ses longues baguettes pour nourrir l’autre en face de lui. Ainsi tous sont repus et heureux !

Un tel enfer ressemble à la société que nous avons construite à portée de nos « baguettes ». Nous avons érigé en système universel le chacun pour soi et l’individualisme. Nous appliquons sans remords les proverbes du style : « après moi le déluge », « aide-toi toi-même »…Tout passe par l’épanouissement personnel, le salut qui est en moi ou le coaching individuel et tant pis si ça casse !

L’enfer est parmi nous et la belle comparaison de Paul paraît démodée. Il faudrait être un doux rêveur ou un sacré naïf pour oser prétendre que la communauté que Christ a placée dans ce monde ci est à l’image de son corps et que nous en sommes les membres. Quoique, en y réfléchissant, le choix du corps relié à ses membres pour évoquer l’unité semble judicieux. Rien à redire ! Maintenant si Paul veut dire par là à ses Corinthiens que si la communauté est certes un corps, elle n’est pas pour autant un club fermé, réservé à des licenciés munis d’une carte de membre. Du coup, cela nous parle ! Elle ne ressemble pas non plus à ces clubs prestigieux fréquentés par une élite triée sur le volet, et dont l’appartenance se fonde sur le prestige et le compte bancaire garni. La communauté du Christ n’est pas un groupe constitué d’individus, unis par les mêmes intérêts, les mêmes revendications et la défense de ses propres privilèges au détriment de ceux qui n’en font pas partie et qui essayera de peser de tout son poids pour sauvegarder ses propres intérêts. La communauté du Christ est un corps constitué de membres reconnus et aimés pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils font, chacun dans son originalité. Ce qui relie ses membres c’est le baptême où chacun est appelé par son nom. A partir de là, il fait partie d’un tout, d’une chaîne de croyants et il n’est plus un simple matricule. A ce qui ressemble étrangement à du communautarisme, Paul propose une révolution sans précédent, une bombe, l’idée qu’en Christ, il n’y a plus de castes, plus de séparation, plus de lobbies se sentant obligés de s’affirmer par rapport à d’autres, plus d’élus, de privilégiés, d’esclaves, de barbares ni de sous-hommes ; ce qui compte c’est le Christ, le seul lien qui nous unit. Cela ne semble pas plus évident à dire aujourd’hui que jadis. Cela reste un message scandaleux pour notre société fragmentée en communautés fermées, en lutte les unes contre les autres et non les unes avec les autres…

Et cependant, là où les gens font l’expérience de la grâce et de l’amour de Dieu, ils s’intègrent dans ce corps sans lequel les parties, prises séparément, ne peuvent que dépérir. Il n’est donc plus question de se regarder continuellement le nombril mais de lever le regard vers l’autre. Pour Paul, la ville portuaire de Corinthe, cosmopolite et internationale, représente une véritable palette de toutes les couches sociales de son époque. On y trouvait aussi bien des riches que des pauvres, des maîtres et des esclaves, des grecs et des romains, des individus d’ethnies et de cultures tellement différentes qu’ils n’auraient jamais dû se rencontrer, si ce n’est au sein de cette première communauté chrétienne. Dans l’Eglise naissante aussi, le miracle de l’intégration ne se réalise pas par un coup de « baguette » magique ! Il était alors fréquent que, lors du repas du Seigneur (la Cène), les plus riches se rencontraient avant et en profitaient pour festoyer. Lorsque les plus démunis arrivaient, il ne restait plus rien ! Une situation que Paul dénonce vivement ! Nous sommes le corps du Christ et non pas un club privé où certains compteraient plus que d’autres ! Nous appartenons les uns aux autres, avons besoin les uns des autres ; chacun est un membre éminent de ce corps ! Lorsqu’un membre souffre, les autres souffrent avec. Ce n’est pas de la pitié ni de la charité, mais de la sympathie dans le sens de souffrir avec, porter avec, accompagner, prier, espérer…Le corps du Christ s’étend au-delà de la paroisse locale jusqu’à englober l’Eglise universelle. Nous ne sommes pas seuls mais faisons partie d’un corps qui nous dépasse.

Ainsi, celui qui sait souffrir avec, doit également se réjouir avec. Quelles merveilleuses perspectives d’avenir que d’arriver à se réjouir avec et pour d’autres, de pouvoir s’associer à la joie et à l’espérance de nos sœurs et frères d’autres églises, ou simplement partager la joie de nos voisins, amis et membres de la communauté. Si compatir à la douleur d’un membre est difficile, se réjouir pour d’autres réclame souvent encore des efforts supplémentaires. A cela Paul répond que la glorification d’un membre déteint sur tous les autres ; une manière de nous rappeler que nous serons sauvés ensemble ou pas du tout ? Peut-être également un appel à tous pour souligner que chaque membre a des dons spécifiques qu’il doit mettre au service de l’ensemble du corps, en restant à sa place, tout comme un corps humain ne peut véritablement fonctionner que si chaque organe accomplit correctement son rôle. Chacun est précieux et essentiel là où il se trouve et aucun n’est plus « qualifié » qu’un autre…A condition de dire, de temps en temps à chaque membre à quel point il est précieux pour tous, que le « grand corps » a besoin de lui, et que si l’un décide de faire la « grève » il tombera « malade ».

C’est comme cette petite vis minuscule, qui en compagnie d’autres, tenait assemblée une plaque d’acier d’un gigantesque navire. Un jour, elle en eut marre de ce boulot ingrat et décida de s’en aller. Dès qu’elle se mit à se dévisser dans son trou, ses compagnes se mirent également en mouvement. Les clous qui tenaient le reste de la structure, protestèrent à leur tour et voulurent quitter le « navire ». Tout d’un coup les plaques d’acier crièrent à la petite vis : « Arrête, si plus personne ne nous tient ensemble, nous allons sombrer ! ». La décision de la vis d’abandonner la barque fit bientôt le tour de la coque. Le cargo majestueux qui avait défié les vagues avec tant d’assurance se mit à grincer et à trembler. Soudain toutes les plaques, les tôles, les vis, les clous, demandèrent à la vis de renoncer à son projet. Ils lui dirent : « Si tu nous quittes le navire se disloquera, coulera, et nous n’arriverons jamais à bon port ! ». La petite vis se sentit reconnue, elle réalisa qu’elle était importante pour l’ensemble du navire. Elle fit savoir à tous qu’elle resterait à sa place. Et vogue la galère…Je veux dire l’Eglise bien évidemment !

Frédéric Gangloff

Cantiques conseillés :

Arc 522; Arc 528 ; Arc 529 ; Arc 530 ; Arc 536.

¼ – Service des Lecteurs – SL- 43 – 12.10.2008 – Frédéric GANGLOFF