26 septembre 2010
La foi victorieuse
Romains 10,9-18*
Chers amis,
Ces paroles de l’apôtre Paul pourraient laisser penser, qu’il n’y a rien de plus simple que d’accéder au salut et à la vie éternelle : il suffit de confesser publiquement que Jésus Christ est Seigneur et de croire dans notre cœur que Dieu l’a ressuscité des morts. Certes, Jésus n’a pas dit autre chose, quand il nous a promis : « Quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai, moi aussi, devant mon Père qui est dans les cieux » (Matth. 10,32). Mais, est-ce toujours facile de confesser notre foi en Jésus Christ et notre conviction qu’il est ressuscité des morts ? Le romancier contemporain Éric-Emmanuel Schmitt écrit : « il faut voir la tête de certains, lorsqu’ils comprennent que je suis, à ma manière, chrétien : visages catastrophés, mines défaites ! Je les déçois. Je dégringole dans leur estime… Lorsque j’avoue avoir la foi, certaines personnes me regardent comme si je disais quelque chose de profondément obscène.
Ou d’inapproprié. Je deviens un crétin ou un être transparent. En tout cas, par cette confession, les voilà convaincus que je suis nécessairement un mauvais romancier et une imposture philosophique ». C’est certain, la confession publique de notre foi peut provoquer chez les gens, exactement l’inverse de l’effet escompté. L’apôtre Paul, lui-même, a connu ce mépris poli, mais clair, notamment quand il a annoncé aux Athéniens que Dieu a ressuscité Jésus Christ des morts. Mais, si, par la suite, il a même déploré que tout le monde n’arrive pas à croire à l’Évangile de Jésus Christ, il n’en baissa pas les bras pour autant. Car, pour amener le monde à Jésus Christ, il n’y a pas d’autre solution que de parler de lui pour le faire connaître et de témoigner de notre conviction de sa Résurrection et de notre confiance en sa Puissance.
En parlant de foi victorieuse le mot d’ordre pour ce dimanche nous amène donc d’abord à nous demander, comment on peut devenir croyant ? Certains peuvent peut-être indiquer l’endroit, le jour et l’heure de leur conversion, comme l’apôtre Paul datait la sienne de sa rencontre avec Jésus ressuscité sur le chemin de Damas. D’autres, comme les prophètes Samuel ou Jérémie, semblent avoir été prédestinés à servir Dieu dès leur naissance, en avançant dans la foi, comme ils avançaient en âge et en maturité. D’autres encore, comme le pasteur Roland de Pury, peuvent vivre subitement une jubilation extraordinaire en s’apercevant un jour que « l’Évangile et la théologie sont tout autre chose que ce qu’ils croyaient quand ils ne croyaient pas » !
Pour nous conduire au salut et à la vie éternelle, les chemins de Dieu sont innombrables ; mais ils ont tous un point commun : croire en Dieu en lui faisant confiance et invoquer son nom en le confessant devant les hommes. À propos de notre témoignage de croyant, Dietrich Bonhoeffer, le martyr protestant le plus illustre du 20e siècle, disait : » la première confession de foi du chrétien vis-à-vis du monde c’est l’action. Elle s’interprète elle-même. S’il arrive qu’elle se manifeste avec puissance, le monde voudra en connaître la motivation et attendra avec impatience le témoignage ou la confession en paroles ». C’est cela qu’a vécu Jörg Zink, le théologien allemand venu à la foi chrétienne durant la 2e Guerre mondiale. Il était pilote de chasse de la Luftwaffe stationné dans la France occupée. Comme il était rentré chez lui en fausse permission, il fut considéré comme déserteur et, à son retour, il dut faire plusieurs jours de prison. C’est là qu’il rencontra, pour la première fois un chrétien conséquent. C’était un résistant français détenu dans la même prison. Un jour, à la distribution de la soupe, qui n’était qu’un affreux breuvage, qu’on avait envie de jeter à la figure du distributeur, il vit, au contraire, le résistant français remercier le distributeur, comme s’il venait de lui donner le met le plus succulent. Jörg Zink se dit : cet homme possède quelque chose que je lui envie. En le suivant du regard, il le vit poser sa gamelle sur le rebord d’une fenêtre, esquisser discrètement le signe de la croix et, debout, manger sa soupe avec appétit. C’est le comportement conséquent de ce prisonnier chrétien qui déclencha chez le futur théologien sa recherche de la foi et sa quête de Dieu. Les aléas de la guerre et la découverte de l’Évangile par d’autres témoignages l’amenèrent ainsi à la foi et à la décision consciente pour Jésus Christ.
Par les citations du prophète Esaïe, Paul nous rappelle deux choses essentielles concernant notre témoignage devant les hommes. D’une part il nous dit ce qu’un message ou une prédication doit avoir comme contenu et comme but. Et, d’autre part il nous met en garde devant les illusions ou les désillusions que nous pourrions connaître à propos d’une prédication, en rappelant la question d’Esaïe : « Qui a cru à ce qui nous était annoncé ; qui a reconnu le bras de l’Eternel » ? Les peintures des panneaux de bois de l’église protestante de Bouxwiller (Bas-Rhin) représentent toutes des récits ou des personnages bibliques. Toutes, sauf une : celle du portillon qui donne accès à la chaire. Celle-là représente de petits anges qui s’amusent à faire des bulles de savon. Nulle part, dans la Bible, il n’est question d’une chose pareille. Pourquoi alors, cette peinture étrangère à la Bible et visible seulement pour le prédicateur, au moment où il monte en chaire ? C’est un ultime rappel de l’artiste farceur au prédicateur avant qu’il ne donne son message : « Laisse les petits anges faire des bulles de savon ! Toi, annonce la Parole de Dieu ». Et, c’est là un rappel parfaitement conforme à la parole de l’apôtre Paul : la foi vient de ce qu’on entend, si – et seulement si – ce qu’on entend vient de la Parole du Christ.
Et là, chers amis, par ce rappel nous sommes tous concernés. Autant les auditeurs que les prédicateurs. Autant les paroissiens que les pasteurs. La plus grande tentation d’un prédicateur, qui ne veut pas de problèmes, c’est de ne dire que ce qui plaît aux gens ; de ne
« caresser l’animal que dans le sens du poil », comme dit un proverbe. Il se pourrait que des gens n’attentent que cela d’un message ou d’une prédication. Un moment de détente ou de relaxation. Une confirmation de leurs idées, de leur pensée, ou de leur bonne conscience. Voire même une approbation de leurs fautes, de leurs sentiments, de leurs égoïsmes ! Mais tout cela n’aurait pas plus de consistance pour la vie chrétienne et pour notre foi, qu’une bulle de savon. Une bulle de savon réjouit pour un court instant les yeux des enfants par sa légèreté, par la finesse de sa paroi reflétant les couleurs de l’arc-en-ciel. Mais, au moindre choc elle éclate et disparaît, ne laissant sur l’obstacle que quelques gouttelettes d’eau savonneuse. Quand on aime quelqu’un, on ne peut quand même pas le laisser se perdre dans une telle foi de bulle de savon qui disparaît à la moindre difficulté, laissant la personne seule avec ses soucis et ses larmes.
La citation d’Esaïe dit : « Qu’ils sont beaux sur les montagnes les pieds de celui qui apporte de bonnes nouvelles en publiant la paix, de celui qui publie le salut en disant au peuple : ton Dieu règne. » S’il est sûr qu’on n’aide personne à grandir dans sa foi avec des messages « bulles de savon », on ne l’aidera pas non plus en lui rendant le cœur lourd, en l’accablant ou en le culpabilisant. L’Évangile dit du Dieu vivant, qu’il a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. Pour permettre à quelqu’un de grandir dans la foi et d’avancer dans la connaissance de Dieu qui est l’amour même, il faut absolument le guider vers Jésus Christ en qui Dieu s’est pleinement révélé. Et l’apôtre Paul dit même du Christ crucifié et ressuscité :
(2 Corinthiens 5,19) Dieu était en Christ et réconciliait le monde avec lui-même, sans tenir compte aux hommes de leurs fautes.
La foi qui triomphe du monde, de ses difficultés et de ses tentations, c’est la foi qui naît et se fortifie par l’écoute et la méditation de la Parole du Christ. Cette foi peut naître même de la faiblesse d’une pauvre prédication dominicale ou d’une étude biblique. Mais elle peut naître aussi de la prière du soir dite par la maman avec son enfant, ou de l’histoire biblique qu’un parent ou qu’un grand-parent raconte avec tendresse à l’enfant qui lui est confié.
Parmi les affaires d’un soldat tombé en Russie lors de la 2e Guerre mondiale, on trouva aussi une lettre qu’il avait voulu envoyer à sa mère. Il y écrit, entre autres : « … C’est peut-être la dernière lettre que je peux t’envoyer. Nous attendons une grande offensive et je ne sais pas comment cela se terminera. C’est pour cela que je voudrais te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi jusque-là, pour tout ce que tu m’as appris… Mais il y a une chose que je ne m’explique pas : pourquoi ne m’as-tu jamais parlé de Jésus Christ, auquel tu crois donc, toi aussi ? La seule chose qui me donne maintenant encore force et consolation – la foi en Jésus Christ le Ressuscité – pourquoi ne me l’as-tu pas communiquée toi ?… Pourquoi fallait-il que ce soient des étrangers qui le fassent ?… »
Trouvons-nous aussi, chers amis, comme ce soldat que la plus belle preuve d’amour que nous puissions témoigner à ceux que nous aimons, c’est de leur parler de notre foi en Jésus Christ et en Jésus Christ crucifié pour nous et ressuscité par la puissance du Père ? En tout cas, c’est par la présence de Jésus Christ dans notre vie que notre foi remportera aussi l’ultime victoire, la victoire sur la mort et la vie éternelle. Amen !
Martin Deutsch
Proposition de cantiques :
Alléluia ARC NCTC
52 /20,1-4 – –
47 /21,1-3 613 –
47 /03, 1-4 624 247
46 /02,1-3 607 280
¼ – Service des Lecteurs – SL – 41 – 26.09.2010 – Martin DEUTSCH