Dimanche 17 octobre 2010
Les commandements de Dieu
1 Thessaloniciens 4, 1-8
La bonne nouvelle qui est au centre de toute la théologie de l’apôtre Paul, c’est le pardon gratuit de Dieu, la grâce. Mais si le salut est gratuit, peut-on être chrétien et vivre n’importe comment, ou comme tout le monde ? Cette question se posait dans la jeune Église de Thessalonique, ville païenne où l’immoralité marquait tous les domaines de la vie. La foi chrétienne ne concernait-elle que la vie intérieure, sans conséquence pour la vie familiale, sociale, professionnelle, politique ? Où bien fallait-il fuir le monde mauvais et se retirer dans l’isolement ? L’apôtre répond : Ni l’un, ni l’autre ! N’ayez pas peur de vivre dans le monde, mais ne vivez pas d’après les règles de ce monde ! Tout appartient à Dieu ; il n’y a aucun recoin qui ne serait pas concerné par sa volonté.
1. Sa volonté : « Ce que Dieu veut, c’est votre sanctification », dit notre texte. La sanctification, un mot qui fait un peu peur, vient du latin « sanctus », saint, et signifie « rendre saint ». Ce qui est saint ou sacré ne nous est pas très familier, éveille en nous de l’appréhension ; nous préférons garder nos distances. Nous n’aimerions pas que les autres nous traitent de « saints » ; cela voudrait dire que l’on nous considère comme maniaque ou obsédé de la religion, quelqu’un qui n’a plus les pieds sur terre. Ou alors nous pensons aux saints du calendrier vénérés par l’Église catholique. Beaucoup d’entre eux ont été des personnalités exceptionnelles, des modèles pour les croyants, prêts à tous les sacrifices, ayant fait preuve d’un courage surhumain. Nous les admirons peut-être, mais en toute honnêteté, nous ne nous sentons pas appelés à les imiter.
« Ce que Dieu veut, c’est votre sanctification ». Nous sommes invités à ne pas avoir peur de cette expression, mais à bien comprendre que la sanctification, c’est l’activité quotidienne du chrétien, qu’elle touche tous les aspects de notre vie. D’après la Bible, c’est Dieu qui est saint, et puis tout ce qui appartient à Dieu, tout ce qui lui est consacré. Avec le Symbole des Apôtres, nous confessons : « Je crois à la sainte Église universelle, la communion des saints. » Comme le peuple d’Israël dans l’Ancienne Alliance, l’Église se considère comme le peuple saint, c’est-à-dire choisi, mis à part pour Dieu. Dans le Nouveau Testament, les chrétiens sont parfois appelés les « saints ». Tous ceux qui font partie de l’Église du Christ sont donc des « saints », au sens que le Nouveau Testament donne à ce mot…
Une autre question se pose : si tout ce qui appartient à Dieu est saint, alors tout est saint, puisque tout appartient à Dieu, la création entière ? La Bible répond : oui, tout appartient à Dieu, mais il y a le péché qui sépare la création de son Créateur. Dieu ayant laissé à ses créatures la liberté de le servir, cette liberté mal vécue a conduit les humains à quitter la communion avec Dieu. C’est pourquoi Dieu doit lui-même vaincre cette séparation, autrement dit : sanctifier l’humanité. La sainteté nous est redonnée par la foi, grâce à l’œuvre de réconciliation du Christ. Il serait donc plus juste de parler de « sanctifiés » plutôt que de « saints », puisque personne ne peut se rendre saint lui-même. Nous sommes sanctifiés, lorsque nous laissons Dieu agir en nous, lorsque nous passons par la nouvelle naissance qui est l’action de l’Esprit.
On peut donc dire que comme croyants nous sommes sanctifiés, puisque nous sommes enfants de Dieu ; mais en même temps, restant pécheurs, nous avons un but qui est la sanctification de tous les aspects de notre vie. Il s’agit de « devenir ce que nous sommes », selon une formule qui exprime bien la double réalité de la sanctification, qui est un état ou une qualité, et qui est aussi un processus, une évolution, un combat de tous les jours.
L’explication que Luther donne dans son Petit Catéchisme de la première demande du Notre Père peut aider à comprendre cette double réalité un peu contradictoire, mais en fait complémentaire. « Que ton nom soit sanctifié. Que signifient ces paroles ? – Certes, le nom de Dieu est saint par lui-même, mais nous demandons, dans cette prière, qu’il soit aussi sanctifié parmi nous ». Là aussi, il y a donc les deux aspects : le nom de Dieu est saint ; mais cette sainteté va-t-elle être respectée parmi nous, va-t-elle devenir réalité vécue parmi nous ? C’est cela, l’objet de notre prière et de nos efforts.
Et Luther continue ainsi : «Comment cela se produit-il ? – Lorsque la Parole de Dieu est enseignée purement et que nous y conformons saintement notre vie, comme des enfants de Dieu. Aide-nous à cela, Père céleste ! Quiconque, au contraire, enseigne et vit autrement que ne l’enseigne la Parole de Dieu profane parmi nous le nom de Dieu. Préserve-nous de cela, Père céleste ! »
2. Tout ce qui a été dit jusqu’à présent peut paraître compliqué, trop théorique. Mais notre texte nous donne des exemples très concrets, que chacun peut comprendre. L’apôtre aborde la vie privée du croyant : « Que chacun de vous sache tenir son corps dans la sainteté et l’honnêteté, sans se livrer à une convoitise passionnée comme font les païens qui ne connaissent pas Dieu. » Une autre traduction possible dit : « Que chacun de vous sache prendre femme d’une façon sainte et honorable. »
Pourquoi l’apôtre choisit-il comme premier exemple la vie conjugale ? – Sans doute parce que dans les villes grecques de l’époque l’immoralité, la débauche sexuelle, était impressionnante. Thessalonique était un grand port avec des marins, des soldats, des commerçants ; une ville très animée. Paul a écrit sa lettre aux Thessaloniciens dans la ville de Corinthe ; là, à Corinthe, il y avait à ce moment mille femmes qui se livraient à la prostitution sacrée dans le temple d’Aphrodite. Les chrétiens avaient besoin d’orientation au milieu de cet environnement païen.
Mais il y a une autre raison encore, pourquoi la sanctification est illustrée par l’exemple des relations entre hommes et femmes. La vie conjugale est le lieu par excellence où peuvent et doivent se vivre la communion et l’amour. Et là où les humains sont les plus proches les uns des autres, c’est là que le péché a ses conséquences les plus graves. Lorsque des amis nous déçoivent, nous sommes tristes, mais ce n’est pas une catastrophe ; il y a d’autres amis, ou d’autres personnes qui peuvent le devenir. Lorsque nous sommes brouillés avec un voisin, c’est désagréable ; mais chacun peut rester pour soi ; peut-être qu’un jour les relations s’amélioreront. Mais si l’union entre deux époux est rompue, les dégâts sont plus importants. Des blessures resteront, sans parler des éventuels enfants qui auront à en souffrir. Nous vivons actuellement dans une société de consommation où beaucoup de choses ont une durée d’existence limitée : peu d’investissement au départ, pas d’entretien ou de réparations, jetable, facilement remplaçable, et vite remplacée par quelque chose de plus performant. Cela a conduit à une mentalité qui peut avoir des conséquences pour la vie conjugale. Combien d’épouses ou d’époux ont cru à une fidélité jusqu’à la mort et ont dû constater un jour que le partenaire les prenait en réalité pour un de ces objets jetables… L’apôtre adresse ses exhortations à ses « frères », donc aux hommes. Dans l’Antiquité, les hommes bénéficiaient d’une grande liberté, tandis que les femmes devaient obéissance et fidélité à leur mari. Les temps ont changé ; aujourd’hui, l’exhortation serait destinée aux femmes comme aux hommes.
Ce que l’apôtre écrit n’est pas à prendre comme une loi contraignante, mais plutôt comme une possibilité d’épanouissement de la vie à deux et simultanément de la vie spirituelle. La base du mariage chrétien étant la conviction qu’il ne s’agit pas d’une affaire entre deux personnes seulement, mais d’une relation triangulaire entre deux personnes et Dieu ! Les deux conjoints feront l’expérience que plus ils auront à cœur d’obéir à Dieu, plus ils se rapprocheront l’un de l’autre. Et inversement, plus ils auront à cœur d’être là l’un pour l’autre, plus leur vie commune sera vécue à la gloire de Dieu.
Et ce qui est vrai pour la vie conjugale est vrai pour nos relations avec le prochain dans d’autres domaines. L’apôtre cite encore les affaires, les relations commerciales. Faire des affaires, gagner de l’argent n’a rien de mauvais en soi ; ce qui est décisif, c’est la manière, les méthodes utilisées. Là aussi : sanctification ! C’est-à-dire rester sous la volonté de Dieu et respecter le partenaire.
Au fond, rien d’extraordinaire ne nous est demandé. Dieu nous a donnés des commandements, non pour rendre notre vie plus pénible, mais comme « barrière de protection autour de ce qu’il nous a donné ». Se sanctifier, c’est reconnaitre et respecter ce bienfait du Seigneur. Amen.
Cantiques :
ARC 119 = AL 119 = NCTC 119.
ARC 231 = AL 22.05.
ARC 506 = AL 35.08 = NCTC 221.
Denis Klein, pasteur à Offwiller.
¼ – Service des Lecteurs – SL – 44 – 17.10.2010 – Denis KLEIN