10e Dim. a. la Trinité – Jean 4, 19-26
EPAL – Service des Lecteurs – Martin DEUTSCH
10e Dimanche après la Trinité
12 Août 2007
Le Seigneur et son peuple
Jean 4, 19-26
(Série de Prédication V (Predigtreihe V) : liste complémentaire I)
Chers amis,
Que pensez-vous de cette histoire qui est arrivée à une catéchète ? Elle était à peine entrée dans la salle de classe, qu’une question la surprit comme un cheveu sur la soupe : « C’est vrai, Madame, que Jésus était juif ? » La catéchète sentit, dans ce cri du cœur, tout le désarroi de la fillette qui venait de poser la question. Ce Jésus qu’elle aimait, pour sa gentillesse, pour sa bonté, pour son amitié, pour son amour à l’égard de tous ceux qui l’appelaient au secours, comment pouvait-il être juif, avec toutes les prétendues tares, dont les juifs étaient affublés par l’antisémitisme latent de l’entourage de la fillette ? Que Jésus soit hébreu ou israélite, ne lui posait pas de problème. Mais qu’il puisse être juif ! Il fallut tout l’art de la catéchète pour montrer que l’antisémitisme était une injustice des plus graves, qui a déjà conduit des peuples au pire des crimes contre l’humanité : au génocide.
Mais, la question saugrenue de la fillette nous amène en plein dans la problématique de ce 10ème dimanche après la Trinité. Le thème de ce dimanche est « le Seigneur et son peuple ». Et, par « son peuple », nous ne pensons pas seulement aux chrétiens, de quelque confession qu’ils soient. Mais, justement, au peuple d’Israël, le « peuple élu », premier en date ; oui, au peuple juif, par lequel Dieu nous a donné notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.
À cause de quelques remarques désobligeantes à l’égard des contemporains de Jésus, on a parfois accusé l’évangéliste Jean, tout juif qu’il était, d’être antisémite. Mais il n’en est rien. Tout au contraire. Car, c’est lui qui, dans l’entretien de Jésus avec la femme samaritaine, nous rapporte la parole de Jésus la plus flatteuse pour le peuple juif : »Nous, juifs, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des juifs. » Bien sûr, il cite aussi les paroles de Jésus, annonçant, sans regret, l’arrêt définitif du culte juif au Temple de Jérusalem, comme c’était déjà le cas du culte samaritain au mont Garizim. Et ces paroles font la plus grande peine à tout juif pieux. Mais, quand la samaritaine confesse que son ultime espérance, à elle, est la même que celle des juifs, c’est à dire : la venue du Christ, le Messie d’Israël, le Sauveur du monde, Jésus lui répond : »Je le suis, moi qui te parle. » C’est par ce verset Jean 4,26, que nous, Eglise chrétienne, communauté du Nouveau Testament, sommes rattachés à notre sœur aînée, au peuple juif, la communauté de l’Ancien Testament.
Le « Dimanche d’Israël ».
C’est pour nous rappeler toujours à nouveau ce lien de parenté avec le peuple juif, que, dans l’Eglise chrétienne on appelle aussi ce 10ème dimanche après la Trinité, le « Dimanche d’Israël ». Et cela tout simplement, parce que ce dimanche tombe souvent aux environs du 10 Août. Et, c’est justement le 10 Août de l’année 70 de notre ère, que les légions romaines de Titus ont détruit Jérusalem et le Temple, interrompant ainsi, et cela jusqu’à aujourd’hui, le culte sacrificiel d’Israël. Et, à partir de ce 10 Août 70 les israélites survivants furent vendus comme esclaves et dispersés dans tout l’Empire romain. Le peuple juif ne rentrera en possession de son pays qu’en 1948, avec la création de l’Etat d’Israël par le vote de l’ONU.
« Le salut vient des juifs ».
Quand Jean écrit son évangile, vers la fin du 1er siècle, l’Eglise chrétienne, ce nouveau peuple de Dieu, ce nouvel Israël, comme on l’appellera, est en pleine expansion dans l’ancien monde païen. A ce moment les rapports entre chrétiens et juifs commencent à faire de plus en plus problème. Israël est certes, le peuple élu, le premier en date ; mais, dans son ensemble, il n’a pas su reconnaître en Jésus de Nazareth, le Messie, le Fils de Dieu. Et, au cours des siècles, ces rapports se sont parfois tellement envenimés, qu’on en est arrivé dans l’Eglise chrétienne jusqu’à en avoir honte que Jésus-Christ soit né comme aîné d’une famille juive, qui l’a fait circoncire le 8e jour, comme font toujours les juifs. Il est donc de la plus grande importance, que l’évangéliste Jean rapporte l’entretien de Jésus avec la femme samaritaine. Elle n’était pas juive, mais, comme les samaritains, elle partageait avec Israël, quand-même la Loi de Moïse et l’attente du Messie. Et, en cela elle ressemble, jusqu’à nos jours, aux croyants qui viennent de tous les pays et de tous les peuples du monde. Et, ce qui était encore relativement évident quand Matthieu, Marc et Luc rédigeaient leurs évangiles, doit, une trentaine d’années plus tard, être rappelé avec insistance : Jésus a dit « Le salut vient des juifs ».
Cette affirmation de notre Seigneur nous montre, qu’il n’est pas possible d’être, à la fois un Chrétien, disciple de Jésus-Christ et antisémite. Et nous avons des preuves historiques de cette impossibilité. Dans une édition de l’Evangile de Jean parue en Allemagne en 1936, sous la dictature hitlérienne, l’évêque protestant de Brême supprima tout simplement cette affirmation de Jésus-Christ, pour éviter les problèmes avec les autorités racistes et antisémites de l’époque. De même, dans le pays de Bade, l’Eglise protestante dut, en 1939, à la demande du Kultusminister nazi, rayer ce verset, d’un gros trait noir, pour le rendre illisible dans le livre de lectures bibliques pour enfants.
Adoration en esprit et en vérité.
Omettre des paroles aussi importantes de notre Seigneur Jésus-Christ, ou supprimer, parce qu’elle gène, une affirmation aussi claire et nette de sa part, n’est-ce pas renier Jésus-Christ lui-même ? N’est-ce pas rejeter son autorité, son Esprit, et tout simplement la vérité ? Qu’un régime raciste et antisémite s’est vu obligé de modifier à ce point les paroles de Jésus-Christ,
Cela prouve bien, que l’on ne peut pas être et chrétien et antisémite. Mais, que penser de gens qui, au lieu de changer leur cœur et leur mentalité pour se conformer à l’Evangile, préfèrent falsifier l’Evangile pour l’adapter à l’esprit du temps et au goût du jour ? Il n’est pas étonnant, qu’un tel régime devienne de plus en plus inhumain, de plus en plus odieux, de plus en plus monstrueux.
Pour être juste, il nous faut dire aussi, qu’il n’y a pas eu, à cette époque, en Allemagne, uniquement des chrétiens renégats ou collaborateurs avec la dictature. Il y a eu aussi une opposition chrétienne à cette politique antisémite, notamment celle qui s’était regroupée dans l’Eglise Confessante de Martin Niemöller et Dietrich Bonhoeffer. Mais ceux-là se retrouvaient très vite en prison. Et, quand un jour on a reproché à Niemöller, de prendre parti pour les juifs, lui, un pasteur protestant, il a répondu : »Quand on frappe la sœur aînée, la cadette en souffre aussi. » C’est dans cette solidarité avec les souffrants et les persécutés, que nous trouvons un aspect de ce qu’est l’adoration de Dieu en esprit et en vérité. C’est dans la vie de tous les jours, qu’il s’agit de vivre sa foi et de respecter la volonté de Dieu. C’est à la sortie du Temple de Jérusalem, à la sortie du culte au Garizim, à la sortie de nos cultes et de nos églises, que commence la vraie vie du croyant. C’est la vie dans l’obéissance et dans la confiance qui fait la différence entre un culte formaliste et l’adoration du Père en esprit et en vérité.
Juifs et Chrétiens : même attente, même espérance.
Mais, l’Eglise n’a pas seulement en commun avec Israël des commandements et des devoirs.
Nous avons aussi en commun une même espérance, une même attente. Le penseur israélite Martin Buber, qui a vécu de 1878 à 1965, a dit un jour à un chrétien : « Vous, chrétiens, vous attendez le retour du Messie ; nous, juifs, nous attendons la venue du Messie ; n’est-ce pas là, la même attente, la même espérance ? – Certes ! Mais, avec le Nouveau Testament, ou avec le Deuxième Testament, comme on peut dire aussi, par respect pour Israël, détenteur du Premier ou de l’Ancien Testament, nous pouvons même dire : ce sera la même personne qui viendra, notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, ce juif, Fils de Dieu et fils d’Israël. Amen.
Martin Deutsch
¼ – Service des Lecteurs – SL – 34 – 12.08.07 – Martin DEUTSCH
PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL
Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.
Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.
A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.
Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER,
au Secrétariat de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).