2005. 04 : 4e dim après la TRINITE

La communauté des pécheurs

Dimanche 19 juin 2005

Genèse 50, 15-21

(Série de Prédication III (Predigtreihe III) : nouveaux évangiles)

Un conflit familial aigu, qui a perduré quelques dizaines d’années et dans lequel l’irrémédiable a été évité de justesse, qui, contrairement à toutes prévisions, se termine bien.

Joseph et ses onze frères, les fils de Jacob, descendants d’Abraham et d’Isaac, ont pu vivre une véritable réconciliation, voire une découverte mutuelle, après un parcours parsemé de jalousies, de haine, de situations désespérées et de rebondissements.

De quoi nous encourager  à ne jamais perdre l’espoir face à une brouille familiale, ou autre,  aussi irrémédiable que la situation ne paraisse, de quoi aussi nous mettre en garde contre tout acte ou parole irréversible.

Survol succinct des chapitres 37, 39, 47

Tout l’amour que Jacob vouait à son épouse préférée, Rachel, il l’avait reporté sur leur premier fils après le décès de sa mère, au point d’en faire un enfant gâté ; rapporteur, mauvaise langue sur le compte de ses dix demi-frères aînés, caressant des rêves de grandeur, privilégié par son père, Joseph finit par se faire détester de sa fratrie.

L’apercevant venir à leur rencontre auprès des troupeaux celle-ci résolut de le tuer, hormis le frère aîné qui voulait le sauver. Mais le passage d’une caravane incita les autres frères à le vendre comme esclave, et l’existence de Joseph, âgé de 17 ans, bascule très vite : tombé en disgrâce chez son maître égyptien, il passe près de treize ans en prison avant d’en être extrait et conduit devant le pharaon pour lui donner l’explication de ses rêves (7 vaches grasses – 7 vaches maigres…) et se retrouver au poste le plus élevé du pays. C’est là que tous se rencontreront inopinément et devront faire face, Joseph autant que ses frères, à un long et douloureux processus de réconciliation.

Finalement Joseph fit venir toute sa famille pour l’établir dans une région du delta du Nil.

Le texte proposé aujourd’hui à notre méditation se situe après l’ensevelissement de leur vieux père Jacob.

Dix-sept années s’étaient écoulées depuis que la famille, enfin réconciliée, vivait au grand complet en Egypte. Et voilà les frères à nouveau rattrapés par le poids de leur culpabilité passée et son terrible cortège de remords, de méfiance et de peur, peur de la vengeance humaine, peur de la justice divine. Après la vente de Joseph, ils avaient pensé pouvoir s’en sortir avec un mensonge vis-à-vis de leur père et ainsi tirer un trait sur leur passé ; mais, il ne suffit pas de refouler sa culpabilité pour en être débarrassé.

Nous savons à quel point déjà, la seule peur ou le regret profond de n’avoir pas su éviter ce qui a pu causer du mal autour de nous, est pesant. Mais, quand il s’agit d’actes ou de paroles délibérés, se réconcilier avec soi-même est encore plus difficile que la réconciliation avec les intéressés, même si les autres ont aussi leur part de tort. Comme moi, vous avez entendu cette phrase : Je ne me le pardonnerai jamais.
Encore une vingtaine d’années plus tard les frères sont assaillis par la peur d’une vengeance possible, au point d’éviter une rencontre personnelle avec leur frère, finalement, malgré les assurances réitérées de pardon de Joseph, de se proposer comme esclaves, et encore en s’abritant derrière le Dieu de leur père.
Qu’il est difficile de faire 100 % confiance au pardon des autres, même au pardon de Dieu.

Certes nous connaissons nos propres fragilités et versatilités possibles, mais ne les laissons pas ternir le pardon que Dieu nous offre de recevoir et de donner.
Depuis les premières retrouvailles des frères jusqu’à la mort de leur père le récit de la Genèse nous met en présence d’un Dieu qui veut aider, redresser, délivrer, guérir, restaurer les relations, rassembler, insuffler sa vie à nos pensées, à nos sentiments, à notre volonté, qui veut libérer la parole pour que nous puissions nous parler, et, « en » parler, à savoir, de tout ce qui se dresse entre nous, afin de pouvoir continuer ensemble. Ensemble entre nous, ensemble avec lui, enrichis d’expériences douloureuses, mais mûris pour aller de l’avant.

Si Joseph peut « parler cœur à cœur » avec ses frères, c’est qu’il a accepté de se soumettre à l’autorité de Dieu, à la placer au-dessus de son propre drame que constituait l’accumulation d’injustices et d’humiliations subies. Car, ce n’est guère plus facile pour la victime que pour ses agresseurs.
Tout comme ses frères, Joseph a dû affronter un long parcours de guérison intérieure. Après treize années d’emprisonnement injustifié à la suite de calomnies odieuses, de rejet, d’humiliations, il se découvre tiraillé entre l’émergence du lien avec le clan familial, d’un côté, l’envie de vengeance et le poison de la méfiance, de l’autre.

C’est que, livrés à l’Arbitraire, les souffrances accumulées, les révoltes, le désespoir, la haine, toutes ces blessures infligées ne se laissent pas supprimer d’un trait de plume. Les reportages sur des évènements récents nous ont fait participer à l’ampleur des drames de ceux qui en sont victimes, et du douloureux  processus d’une guérison intérieure. Bien que se retrouvant dans une situation privilégiée, malgré  ces compensations de réussite sociale, Joseph ne put en faire l’économie pour être en mesure de pardonner et de normaliser ses relations fraternelles. Et nous savons par expérience qu’il nous faut infiniment moins, voire très peu, pour que, ce que nous considérons à juste titre ou non comme une injustice à notre égard, comme une agression imméritée, laisse en nous des traces profondes qui pèsent sur les relations futures.
Accepter d’arriver à pardonner tout comme accepter d’être pardonné n’est pas facile, mais incontournable pour nous aider à vivre personnellement et ensemble en paix. Ceci ne signifie nullement taire le mal, mais la volonté d’assainir la situation. Tant mieux si nous pouvons le faire à la lumière de la parole de Dieu.

« Suis-je à la place de Dieu ? » répond Joseph à ses frères ; auparavant il leur avait dit : « Moi, je crains Dieu » (sous-entendu – ?- et n’agis pas comme vous). Puissions-nous à l’écoute de chaque parole qui nous fait du mal, à l’occasion de chaque comportement qui nous inflige une injustice, commencer par nous placer nous-mêmes sous l’autorité de la parole de Dieu, pour qu’elle nous protège de commettre le mal à notre tour, et nous aide à réagir en artisans de paix ;  «  ils seront appelés fils de Dieu » dit Jésus.

« Vous avez voulu me faire du mal, Dieu a voulu en faire du Bien » dans le contexte : « conserver la vie à un peuple nombreux comme cela se réalise aujourd’hui » et, nous pouvons ajouter : ‘tenir sa promesse donnée à Abraham’.
« Vous avez pensé du mal, Dieu, le bien ». L’histoire de Joseph culmine dans ce message biblique que la langue hébraïque exprime avec concision.

Vous vouliez me faire du mal, MAIS…
Vous m’avez fait du mal intentionnellement, MAIS…
On m’a fait du mal volontairement, ou involontairement, MAIS…
J’ai fait du mal, exprès, dans un mouvement de colère, d’indignation d’après moi justifiée, MAIS…
Je suis désespéré d’avoir fait du mal, pensant sincèrement faire du bien, MAIS…

Pour nous, pour moi, le mal est fait, irréversible, ni vous, ni moi, pouvons effacer le passé, mais, Dieu donne un « MAIS ».

Mais Dieu veut et voudra toujours en faire du bien, permettre à une situation d’échec de se transformer en jaillissement de vie. Ne laissons jamais ni la démission, ni une culpabilisation stérile s’installer en nous. En ce dimanche qui a pour thème : « la communauté des pécheurs », remportons comme un joyau ce condensé d’Evangile dans notre quotidien pour vivre toutes nos relations, pénétrés de ce message. Faisons-en notre espérance pour tenir bon dans des situations apparemment bloquées, acceptons-le comme une force d’encouragement à ne jamais refouler notre propre conscience, car c’est elle qui contribue à préserver notre part d’humanité en nous protégeant nous-mêmes et les autres.
Pensons constamment à vivre toutes nos situations de blocage ou de rupture, de conflits usants ou passagers, que ce soit en famille, entre amis ou collègues, avec des voisins, ou dans nos communautés civiles ou paroissiales, avec cette espérance tenace : rien n’est définitivement perdu d’avance, car Dieu veut nous aider à rétablir le contact et l’entente. Tenons ferme cette espérance, si souvent confirmée au fil des siècles : le mal même, quelle qu’en soit la cause, peut, envers et malgré tout, devenir bénédiction.

                              Marie -Louise CARON, pasteur

Traduction : TOB
Lectures bibliques indiquées. (Éventuellement Galates 6 v. 2-5 et 7B-10)

Cantiques indiqués ; autres : N° 46 / 86 / 119 (psaumes)

NCTC        284    1+2    ARC    608    Ta volonté Seigneur
        296    1-5    ARC    428    Comme un enfant
        297    1-3            Notre barque est en danger

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.

Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER,
au Secrétariat de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).