2006 : FETE DE LA REFORMATION

20ème Dimanche après la Trinité

Fête de la Réformation

Dimanche 29 octobre 2006

Galates 5/ 1-6


( Série de Prédication IV (Predigtreihe IV) : nouvelles  épîtres )

Chers amis
Pour cette fête de la Réformation l’Église nous propose de méditer ce paragraphe de la lettre aux Galates qui parle de la liberté du chrétien.

Il y a 41 ans, le Concile Vatican 2 a voulu promulguer une déclaration sur la liberté chrétienne et il a fondé cette liberté sur la dignité de l’homme doué de raison et de conscience.

Le pasteur Hébert Roux, observateur protestant, a fait remarquer à un cardinal que la Bible ne construit pas notre liberté sur notre dignité, mais sur l’oeuvre du Christ, qui libère l’homme de l’esclavage du péché. Le cardinal en question a demandé au pasteur Roux de lui donner cela par écrit. L’oeuvre du Christ a ensuite été mentionnée dans la déclaration sur la liberté religieuse qui fait autorité dans l’Eglise catholique romaine depuis ce concile. Mais la mention exacte du  « Christ qui vous libère » n’a pas été retenue. Le concile voulait sans doute s’adresser à tous les hommes et non seulement aux chrétiens, et l’idée du  péché qui nous asservit n’a pas trop plu aux évêques dans les années 1960.
Pour voir l’enjeu de cette phrase de la lettre aux Galates, il convient de rappeler pourquoi Paul l’écrit ainsi, puis de chercher comment il présente l’ensemble de l’oeuvre du Christ avant de pouvoir comprendre quelle peut en  être la portée pour nous, qui essayons de faire vivre, à travers l’héritage des Réformateurs, la liberté donnée par Christ.

1.    Les Galates.

Les chrétiens auxquels s’adresse l’apôtre Paul dans cette lettre viennent en grande partie des religions païennes. Saisis par la prédication de l’Évangile qui leur montrait que le Christ les avait libérés de la peur des dieux, du destin, de la magie  et des esprits mauvais, ils s’étaient fait baptiser, devenant ainsi membres de la communauté chrétienne. La séparation entre église chrétienne et peuple juif n’était pas encore faite, mais Paul insistait sur le fait que ces nouveaux convertis n’avaient pas besoin de suivre d’abord un catéchisme juif et de se soumettre à la loi de Moïse pour faire partie de plein droit de la communauté chrétienne.

Cela a déplu à un certain nombre de personnes qui tenaient à la discipline demandée par la loi de Moïse. Ils sont intervenus dans les paroisses de cette région d’Asie Mineure qu’on appelait la Galatie pour suggérer à ces nouveaux convertis d’accepter au moins une partie de cette loi, en particulier la circoncision pour les hommes, signes de l’alliance entre Dieu et le peuple élu.

Apprenant cela, Paul est intervenu énergiquement en  mettant ces chrétiens devant un choix  clair : il affirme que, s’ils se font circoncire, ils doivent obéir à toute la loi, ils se séparent du Christ, ils sont privés de la grâce de Dieu.

Pourquoi sort-il ainsi la grosse artillerie puisque chrétiens et juifs partageaient  l’essentiel de la foi ? Pour l’apôtre le Christ a libéré les croyants de la peur de déplaire à Dieu, de mal faire,  de ne pas être à la hauteur.  Il leur donne la possibilité de vivre entièrement de la grâce et du pardon, sans se demander constamment : « suis-je  à la hauteur ? »,  et de se confier entièrement à ce que Jésus Christ a fait pour eux. Il est convaincu qu’il n’est pas possible de mélanger un peu de grâce et un peu de loi, un peu de pardon et un peu d’effort pour se racheter. Pour lui, le moindre mélange entre grâce et loi neutralise la grâce, c’est tout ou rien.

2.    L’oeuvre de la grâce.

Que faut-il penser de cela ? Actuellement, nous avons tendance à être moins exclusifs, pensant qu’il ne faut jamais mettre tous ses oeufs dans le même panier, qu’on peut bien renforcer un peu l’oeuvre de la grâce par nos propres efforts, car « deux précautions valent mieux qu’une ». Beaucoup de nos comportements sont ainsi des mélanges de foi et de mérites, de fidélité à Dieu et de soumission aux puissances de ce monde, qui s’appellent argent, confort, sécurité, mode.

En fait, nous pensons souvent qu’on peut bien servir deux maîtres, contrairement à ce qu’affirme Jésus dans l’évangile. Pourquoi s’énerver pour des questions de principe ?

Pour l’apôtre Paul,  repris par Luther 1500 ans plus tard, la question de principe est essentielle. Les deux ont horreur des mélanges et s’engagent pour une foi entièrement fondée sur le Christ et non sur nos capacités personnelles.

Paul insiste : celui qui cherche l’abri de la loi essaie d’être reconnu juste devant Dieu à cause de ses oeuvres et relativise ainsi ce que Christ lui apporte.

Les réformateurs, eux, ont toujours insisté sur le fait que l’homme naturel est  entièrement pécheur. La confession des péchés de Calvin affirme que nous sommes « incapables par nous-mêmes de faire le bien » et nous dépendons entièrement du pardon de Dieu par le Christ. Jamais nous ne pouvons  aller devant Dieu en lui disant « tu vois, je ne suis pas si mauvais que cela, je suis quand même capable de faire du bien ». Pour les Réformateurs cette  attitude est dangereuse parce que c’est le début de  l’orgueil.

On pourrait comparer cela à la roue du vélo : le pneu est gonflé d’air, dès qu’on perce un trou dans le pneu, aussi minuscule soit-il, le pneu se dégonfle irrémédiablement. Que le trou soit petit ou grand, l’air s’échappe et on est à plat ! Ainsi en est-il de la grâce : dès qu’on ouvre la porte à un tout petit peu de mérite, il nous envahit et neutralise l’effet de la grâce. Notre vanité reprend irrémédiablement le dessus. La phrase que Luther a écrite à la fin de sa dernière lettre  résume cette dépendance totale par rapport à la grâce: « devant Dieu, nous ne sommes jamais que des mendiants ».

3.    Liberté

Cette attitude n’est malheureusement pas comprise, ni par la société qui veut récompenser le mérite, ni par les Églises qui aiment quand même mesurer un peu les mérites des hommes. Toujours à nouveau, la doctrine protestante  du péché et de la grâce est attaquée parce qu’elle ne reconnaît pas assez que l’homme naturel est quand même « un petit peu bon », et on l’accuse de refuser la dignité de l’homme, de mépriser l’oeuvre humaine etc.

En fait, cet argument est  complètement faux, et pour deux raisons, que l’histoire nous enseigne.

La première, c’est que, si nous acceptons le message de Paul, c’est une bonne nouvelle. Naturellement, je suis pécheur, soumis aux pulsions qui montent au fond de moi, aux modes de la société, aux peurs devant ceux qui veulent m’impressionner et je ne m’en sortirai pas moi-même, ni par la morale ni par mes engagements.

Mais Jésus Christ, sur la croix, nous offre le pardon de Dieu à saisir dans la foi. Il nous dit « ta relation avec Dieu,  ne t’en fais pas, elle est réglée par moi, fais-moi confiance, je te conduirai sur ton chemin. « Circoncision ou incirconcision, tout cela est égal, ce qui importe, c’est la foi qui agit par l’amour » affirme Paul. Que tu sois un peu bon ou très bon ou pas bon du tout, ce n’est pas important, ce qui compte c’est que, malgré tous tes défauts, tu te confies en Dieu et tu deviennes capable d’aimer.
Ce message est une libération extraordinaire, et nos ancêtres l’ont saisi quand ils ont compris que l’Évangile les libérait du contrôle des moralisateurs.

Et nous touchons  la deuxième raison : qui insiste sur le fait qu’il faut quand même un peu de discipline et de loi ? En général ce sont les organisations religieuses et idéologiques qui aiment contrôler la vie et la conscience de leurs membres.  L’Église est souvent tentée par cette mainmise sur les consciences et aimerait pouvoir tenir ses membres en laisse par des lois et des règlements. Les partis totalitaires mettent au point des systèmes de délation pour empêcher leurs  membres de penser librement. Pour les partis, c’est la pureté de la cause qui demande cette soumission, pour les mouvements religieux, chrétiens, sectaires ou islamiques, c’est Dieu  qui donne ce pouvoir de contrôle au clergé, soi-disant pour empêcher les fidèles de mal faire, en fait pour se les assujettir.

Cl : En face de ces tentatives, Paul affirme : Christ vous a rendus libres, prenez garde à ne pas redevenir esclaves. C’est un message très fort qui s’adresse aux fidèles face à tous les ayatollahs de la foi qui, pour contrôler les consciences, insinuent qu’il faudrait un peu plus de règlements, un peu de mérites et dégonflent le pneu de la grâce qui permet aux fidèles de partir en confiance vers la vie pour y rendre service joyeusement avec l’aide du Christ et  de son Esprit, qui agit avec puissance à travers la foi. Amen

Pierre Kempf – Soultzeren

Cantiques possibles :

525    Tu nous aimes, Seigneur
537    Dieu fait de nous des hommes libres
543    C’est un rempart
431    Pour inventer la liberté