2008 : FÊTE de la REFORMATION

Dimanche 26 octobre 2008

                                               Philippiens 2, 12 13

                                            Freddy Langermann

Série VI (Reihe VI)  : liste complémentaire II :

Frères et sœurs en Jésus Christ,

En ce dernier dimanche d’octobre nous nous souvenons de l’affichage par Martin Luther, la veille de la Toussaint 1517, des fameuses 95 thèses contre les Indulgences, cet acte pouvant être considéré comme le point de départ de la Réforme. Luther ne se voulait nullement révolutionnaire. Son dessein n’était pas de soulever le peuple chrétien contre le pape, mais de mettre en débat, entre professeurs et docteurs de l’Eglise, un point de doctrine dont les répercussions sur la spiritualité de nombreux fidèles s’avéraient désastreuses. Le cri qui domine les thèses de Luther, c’est celui de Jean Baptiste et de Jésus: « Convertissez vous et croyez en l’Evangile! » Ne vous bercez pas de l’illusion d’une sécurité trompeuse que vous garantiraient les Indulgences !

Ne percevons nous pas dans ce cri d’alarme du docteur de Wittenberg l’écho de cet autre appel adressé par l’apôtre Paul aux Philippiens: « Mettez en œuvre votre salut avec crainte et tremblement »? Et pourtant il y a, dans le passage biblique que nous venons d’écouter, de quoi être quelque peu dérouté. Le thème fondamental de la Réformation n’est il pas la Justification par la foi, le célèbre « Sola fide ». Le croyant est justifié par la grâce, sans le secours des bonnes œuvres, par le moyen de la foi en Jésus Christ. (Rom.3,28; Ephes.2,8 9) C’est ce message central de l’Evangile que Luther n’a cessé de proclamer, martelant que l’homme ne peut faire lui même son salut, que seules comptent sa rencontre avec le Christ Sauveur et la confiance en sa Parole, garante de la grâce qu’il nous a acquise par sa mort et sa résurrection.

Ceci étant, comment ne pas être surpris de lire, sous la plume de l’apôtre Paul: « Mes bien aimés, mettez en œuvre votre salut! » Un tel impératif est il compatible avec l’affirmation paulinienne du salut par la foi seule, indépendamment des œuvres? Il est vrai que cette « mise en œuvre » de notre salut doit se faire « avec crainte et tremblement ». Paul met l’accent sur l’humilité du croyant face à Dieu et sur le sérieux qu’exige l’obéissance à sa volonté. Mais la suite du texte nous réserve une autre surprise. Comme s’il craignait de voir mal interprété son appel à l’obéissance, Paul poursuit: « Car c’est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire selon son dessein bienveillant ».

Le paradoxe n’est il pas flagrant ? D’un côté: « Mettez en œuvre votre salut », et de l’autre: « car c’est Dieu qui fait tout en vous ». On ne s’étonnera pas de constater que ce texte a été l’objet d’interprétations diverses et divergentes. Les théologiens catholiques y ont trouvé confirmée leur doctrine de la contribution de l’homme à son salut. Les adeptes de la Réforme n’ont pas manqué d’y voir soulignée l’affirmation que Dieu seul est l’auteur de notre salut. D’autres commentateurs ont cru pouvoir résoudre l’apparente contradiction en subordonnant le salut de l’homme à la grâce divine d’une part, à la volonté et aux efforts humains de l’autre. Rien ne nous autorise cependant à limer ainsi le discours paulinien pour le rendre conforme aux exigences de la pensée logique, ou à contourner le paradoxe auquel nous sommes ici confrontés.

D’une part donc: « Mettez en œuvre votre salut »! En écrivant cela, et contrairement aux apparences, Paul ne se met pas en contradiction avec ce qui constitue le cœur même de son enseignement et qui deviendra l’affirmation centrale de la Réforme. Car s’il est vrai que nous sommes rendus justes devant Dieu par grâce, au moyen de la foi en Christ, il faut aussi que cela devienne visible, que cela s’exprime à travers nos paroles et nos actes, à travers toute notre vie. C’est pourquoi l’apôtre Paul appelle les Philippiens à l’obéissance, à un comportement s’inspirant de Jésus lui même qui, dans sa condition d’homme et de serviteur, est resté obéissant jusqu’au sacrifice de sa vie.(Philip. 2,5-8) Nous savons, hélas, que notre obéissance à nous sera toujours très partielle et imparfaite. Aussi tout chrétien sincère accomplira t-il ses devoirs envers Dieu et son prochain « avec crainte et tremblement ». Ce qui ne signifie pas qu’il vivra en permanence dans l’angoisse et la peur du jugement divin, mais qu’en toutes choses il fera de son mieux, en demandant à Dieu de le préserver de l’orgueil et de la suffisance.

Car – et c’est là le second terme du paradoxe   « c’est Dieu qui fait en vous le vouloir et le faire ». Si dans notre existence nous connaissons des réussites et des succès, s’il nous arrive d’accomplir des actions louables et bénéfiques pour notre entourage, nous sommes certes en droit de nous en réjouir. Mais nous n’avons pas à nous en attribuer le mérite, puisque c’est de Dieu que cela nous vient. C’est lui qui est l’auteur du bien que nous pouvons faire, depuis le désir d’agir jusqu’à l’acte accompli. C’est là le secret de sa grâce agissante en nous par l’Esprit Saint. Oui, sans aucun doute, nous sommes appelés à obéir au Seigneur, nous sommes responsables de la « mise en conformité » de nos paroles et de nos actes avec notre statut d’enfants de Dieu, sauvés par Jésus-Christ crucifié et ressuscité. Nous avons vocation à être des miroirs et des transmetteurs de l’amour dont Dieu nous a aimés en son Fils. Mais nous n’avons aucune raison de nous glorifier de nos actes, même les plus fraternels et les plus généreux, car tout est grâce.
Il est vrai – c’est Jésus lui-même qui nous a laissé cette parabole que le bon arbre se reconnaît à la qualité de ses fruits. Dieu attend de nous que nous obéissions à sa volonté en portant de bons fruits de justice, d’honnêteté, de bonté et de miséricorde. Il veut  – et c’est encore Jésus qui parle  « qu’en voyant nos bonnes actions, les hommes rendent gloire à notre Père qui est aux cieux. » Pourtant ce n’est pas par nous mêmes que nous réussirons à répondre aux attentes de Dieu. Car lui seul peut faire de nous de bons arbres porteurs de bons fruits, des hommes et des femmes capables d’accomplir des actions conformes à sa volonté et à son amour. Il faut que l’Esprit Saint, telle la sève qui nourrit l’arbre pour le faire grandir et fructifier, alimente notre vie intérieure pour la féconder, et la renouveler, sans cesse, jusqu’au terme de notre pèlerinage terrestre. C’est ainsi que notre salut sera « mis en œuvre » jusqu’à son accomplissement, et que nous pouvons faire nôtre cette confession de l’apôtre Paul dans sa lettre aux Galates: « Si je vis, ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Amen.

Fredy Langermann, pasteur retraité (67)