2010. 07 : 7e Dimanche après la TRINITE

Dimanche 18 juillet 2010

À la table du Seigneur

Actes 2, 41a.42-47

Sœurs et Frères !
Dans le 2e volume de son œuvre, l’auteur de l’évangile selon Luc et des Actes des apôtres raconte comment la Bonne Nouvelle de Jésus « explose » de Jérusalem jusqu’aux extrémités de la terre. Il raconte comment, malgré bien des difficultés, cette Bonne Nouvelle atteint toujours plus de personnes, de toutes langues et de toutes cultures, jusqu’au cœur de l’Empire romain, à Rome. Il ne raconte pas tout, et ce n’est pas son but. Il nous dit simplement qu’avec l’aide de Dieu, avec la seule force de l’Esprit-Saint, la minuscule et fragile graine de l’évangile grandit et grandit, et touche toujours plus de monde. Comme dans la parabole de Jésus (Luc 13, 18-19), la petite graine est devenue grande comme un arbre où il fait bon vivre et où il y a de la place pour beaucoup.

« Luc » raconte cela sans triomphalisme, mais il n’oublie pas de dire les conditions de ce développement. Dès le début de son récit, dans le passage que nous venons d’entendre et qu’il situe immédiatement après la Pentecôte, il expose en quelque sorte les fondations de la maison Église : ce sans quoi elle ne pourra tenir, ce à quoi il lui faudra toujours veiller. Il en nomme quatre, comme les quatre murs d’une maison, ou les quatre pieds d’une chaise. S’il en manque un, l’ensemble sera bancal, instable, fragile.

Il s’agit de :
–    l’enseignement des apôtres,
–    la communion fraternelle,
–    le partage du pain,
–    la prière.

Si vous voulez bien, nous allons faire le tour de ces quatre piliers, et nous allons voir qu’ils nous concernent tous, directement, comme personnes et comme paroisse.

1.– L’enseignement des apôtres : Nous n’avons plus d’apôtres parmi nous. Ce n’est pas grave : même dans les premiers temps de l’Église ils ne pouvaient être présents partout. Mais il s’agit plus du contenu de leur enseignement que de leur personne ! Ou plutôt : il s’agit de l’enseignement tout court, de la formation comme nous disons aujourd’hui. Est-ce que vous savez, vous qui êtes là ce matin, pourquoi vous êtes chrétiens ? Est-ce que vous pourriez dire, en quelques mots simples et compréhensibles par tous, ce qui est le cœur de votre foi ? Essayez donc de le faire pour vous-mêmes, maintenant, chacun, en silence <pause 30 s>…

Vous avez sans doute remarqué que ce n’est pas si facile, et que chaque réponse soulève de nouvelles questions. Beaucoup de membres de nos Églises en sont restés au stade du catéchisme, et beaucoup n’y ont pas appris grand chose, et en savaient peu auparavant ! La foi, bien sûr, n’est pas seulement une affaire de savoir, elle n’a rien à voir avec notre degré d’intelligence, mais elle a besoin d’être nourrie, et de savoir se dire. Nous avons besoin de pouvoir mettre des mots sur l’espérance qui est en nous, et de pouvoir en parler sereinement et clairement avec celles et ceux qui ne la partagent pas, ou qui ont d’autres convictions, ou qui pensent que tout cela est dépassé et sans importance…

La lecture régulière de la Bible peut nous y aider, mais elle n’est pas toujours facile. C’est pourquoi nos paroisses nous proposent chaque année des aides : des propositions de lectures bibliques, des explications, des méditations… Les connaissez-vous ? Nos cultes aussi sont là pour nous aider, et les réunions autour de la Bible aussi. Mais elles attirent souvent peu de monde, et cela ne semble pas déranger grand monde. Est-ce que c’est un souci pour vous ?

Quoi qu’il en soit, il serait bon de pouvoir en parler les uns avec les autres, de pouvoir dire librement ce qui nous manque, et ce qui nous porte, et tout ce qui nous travaille. Et nous voilà déjà à notre 2e pilier :

2.– La communion fraternelle : C’est un grand mot, « communion fraternelle ». Presque un gros mot ! Mais il dit quelque chose d’essentiel : qu’on ne peut pas être chrétien tout seul ! Et qu’on ne peut pas, comme chrétien, s’accommoder des divisions, des séparations, des rancunes et des conflits, ni à l’intérieur de la paroisse ni entre les Églises, et pas non plus dans les familles.

Cela ne veut pas dire qu’il faille être d’accord sur tout : ce n’est sans doute pas possible ! Mais nous devrions pouvoir nous rencontrer et aborder ensemble les questions qui fâchent, nous écouter les uns les autres, dire ce que nous vivons, et au moins commencer à chercher sérieusement comment mieux vivre ensemble. Et si une souffrance, quelle qu’elle soit, ne peut pas être éliminée, au moins ne devrait-elle jamais être portée seule.

Vous connaissez sans doute l’expression : « Un fardeau partagé pèse deux fois moins lourd, et une joie partagée est deux fois plus grande ». S’il y a un lieu où cela devrait pouvoir se vivre en tout premier, c’est bien dans la communauté chrétienne, de sa forme la plus petite jusqu’à l’échelle la plus vaste, du couple jusqu’à l’Église universelle.

Si chacun de nous ne porte pas ce souci de partage et ne cherche pas des occasions de le mettre réellement en pratique, notre foi est vide, et notre vie l’est sans doute aussi. Mais en tout cela Jésus nous précède et nous tend la main. Il ouvre des chemins, et nous invite simplement à le suivre. C’est lui qui bâtit la communion. Notre rôle est simplement d’y entrer. Et cela peut se faire de manière très simple et très concrète. C’est pour cela qu’il y a le 3e pilier.

3.– Le partage du pain : Dans beaucoup de paroisses, on fête la sainte cène aujourd’hui, et ce 7e dimanche après la Trinité a même comme thème « À la table du Seigneur ». Mais le partage du pain vise beaucoup plus loin. Le pain est le signe de la nourriture de base nécessaire à tout être humain. Sans cette nourriture de base, il dépérit et meurt. C’est bien pour cela que Jésus nous invite à partager sa présence comme le pain de vie, et qu’il a très concrètement donné du pain (et tout le reste !) à ceux qui avaient faim (cf. la lecture d’évangile de ce dimanche !). Le pain que nous partageons autour de l’autel ne peut pas être séparé du pain que nous partageons chez nous à table à la maison, et encore moins du pain que nous partageons avec des amis, souvent j’espère, et avec des étrangers aussi sans doute. Ils ne sont plus tout à fait des étrangers alors. Étrangement le pain que l’on brise ou que l’on coupe, que l’on casse donc, est ce qui peut rapprocher et rassembler et aider à vivre. Peut-être ne le partageons-nous pas assez souvent, et ne nous prenons-nous pas assez souvent le temps d’être vraiment ensemble, en lui permettant à Lui, le Maître du pain, d’être avec nous aussi. Peut-être ne nous penchons-nous pas assez sur ce scandale que le pain, ou les céréales, ou la nourriture en général, devient aussi objet de spéculation ? La fraction devient alors effraction, vol, et peut-être même crime.

Cela peut heurter, de passer ainsi de la sainte cène à l’économie mondiale. Que pouvons-nous faire ? Comment y voir clair ? Heureusement qu’il y a encore le 4e pied !

4. La prière ! Elle ne résout pas les questions, mais nous donne de l’air. Elle permet d’évacuer le trop de pression, et de faire entrer de l’air frais dans nos incertitudes. Elle nous ouvre à l’Autre, avec un (très) grand A ! Elle nous permet d’exprimer nos joies comme nos peines, nos doutes et nos certitudes. Elle nous permet de nous porter les uns les autres devant celui qui nous porte tous. Elle nous aide à ne pas exploser et à ne pas imploser. Elle nous aide à reprendre courage.

La prière est cet extraordinaire cadeau que Dieu nous donne de ne pas avoir à rester en nous-mêmes avec nos limites et nos interrogations, pour pouvoir reprendre confiance. Peu importe qu’elle soit longue ou courte, travaillée ou spontanée, prévue ou pas. Elle est comme l’air qui rentre dans nos poumons, fragile et vital. Et toujours possible. À temps et à contretemps. C’est elle qui nous permet de dire : « Seigneur, enseigne-nous, ton Église ! Rends-nous proches les uns des autres ! Aide-nous à partager ! … Fais-nous vivre de Ta vie ! » Amen.     

                                                                                                    Ernest Reichert

¼ – Service des lecteurs – SL – 31 – 18.07.2010 Ernest REICHERT