2010. 09 : 9e Dimanche après la TRINITE

Dimanche 1er aout 2010

Gérants des biens de Dieu

Philippiens 3, 7 à 11

Si nous écoutons encore une fois ce début de notre extrait de la lettre de Paul aux Philippiens qui déclare : « toutes ces choses qui étaient pour moi des gains je les ai considérées comme perte à cause du Christ », tout en le plaçant en regard de la thématique de ce dimanche «gérants des biens de Dieu », il y aurait de quoi avoir des sueurs froides !

Voilà un Paul qui y va un peu fort en gestion des biens, pensons-nous ! Balayer ainsi le passé, les acquis, les richesses accumulées, les gains réalisés, est-ce réellement une conduite à préconiser pour le chrétien ? Ne parle-t-on pas plutôt de gestion sage, de budget équilibré dans nos paroisses ?

Mais ce que nous pensons si vite, un peu trop vite, vaut la peine d’être passé par le tamis de la sagesse et celui du recul et des circonstances. En effet, c’est là un passage qui nous demande justement de ne pas aller trop vite en jugement et en conclusions hâtives ! Il faut d’abord considérer celui qui s’exprime, connaitre son histoire, sa vie et sa situation. Il suffit de lire les quelques lignes qui sont en amont de notre passage, là Paul y donne une rapide biographie, et c’est elle qui nous permet de mieux comprendre ses paroles.

On y comprend et on y apprend à connaitre un peu mieux cet apôtre. Paul aurait de quoi faire prévaloir ses qualités. Il aurait beau rang dans notre société où l’avoir prédomine sur l’être, où les diplômes font belle impression. Oui il aurait lui aussi de quoi se vanter et en énumère les motifs : c’est un bon juif, descendant d’Abraham, il peut même en quelque sorte présenter une belle généalogie, descendant de Benjamin, une lignée considérée et honorée entre toutes. Il est aussi pharisien, ce groupe religieux qui se veut le plus fidèle au judaïsme et à la parole de Dieu. Ce sont là des richesses, des qualités dont on reconnait la valeur. Ses biens, certes, ne sont pas d’or ou d’argent, mais son patrimoine est familial, culturel, religieux, et moral.

L’apôtre Paul est donc dépositaire d’un grand bien ! Mais voilà qu’il a passé par une expérience qui a tout bouleversé. Une expérience qui lui est personnelle, mais sur laquelle il se fonde sans cesse pour faire comprendre à tous ses attaquants – bien souvent chrétiens (nous savons aujourd’hui, combien nous pouvons être critiques et parfois médisants au sein de nos communautés religieuses !) – quelle est sa ligne de conduite et pourquoi elle est si ferme.

Cette expérience il l’a vécue sur le chemin de Damas. Passant par une chute, un aveuglement, une errance, sa nouvelle vision devint une reconnaissance de celui que jusqu’à il poursuivait, comme le Christ, le Messie tant attendu par les juifs.

C’est à partir de ce moment précis que toutes ses qualités, tout ce qui faisait sa force, sa fierté, sa foi, sa morale, lui, Saul, hébreux, benjamite, pharisien, se sont tout bonnement écroulées. Ces valeurs-là n’allaient désormais lui servir à rien. L’homme qu’il était, Saul, est désarçonné de lui-même, son centre n’est plus lui-même, mais ce centre devient Jésus Christ. Et ce changement si fort pour l’apôtre ne se situe pas seulement au niveau de la pensée, de l’intellect, elle touche son existence même. Paul a fait l’expérience de la résurrection, il est un homme différent depuis qu’il a rencontré le Christ, il est passé par un renouvellement complet, et une vision des choses totalement nouvelle.

C’est à cause de tous ces événements, de son passé et de son expérience que Paul ne s’encombre pas de son passé, il est même parfois violent avec ce passé, le traitant d’ordure, d’encombrement. Délesté, il court vers l’avant. Paul a compris que l’être humain n’est jamais terminé, qu’il est toujours en formation. La formation et l’accomplissement de notre personnalité ne peut se faire que si nous ne nous laissons pas entraver par notre passé, notre héritage familial. Paul a compris que cet accomplissement de notre personnalité, cette formation progressive se réalise tout autrement lorsqu’elle s’opère avec le Christ. Si ce n’était pas le cas, alors combien serions nous à nouveau lestés par tous ces poids, ceux de la société, du regard et du jugement des autres, ceux des profils suggérés par notre monde, ceux de la réussite, de la beauté basée sur des critères bien définis, sur des catégories de plus ou de moins, de bons et de mauvais, de capables, de rentables, etc.… Par contre, on devient vraiment soi même à condition que se soit le Christ qui nous forme par sa présence, par l’étude de sa parole, par la prière, par la recherche toujours nouvelle de sa volonté.

C’est seulement ainsi, vraiment ainsi que nous serons de bons gérants des biens de Dieu, ceux-là mêmes qu’il a déposés en nous, dans son infinie confiance en l’humain que nous sommes.

Gérants des biens de Dieu, à condition de regarder vers l’avenir et d’espérer toute chose nouvelle avec Dieu, par Jésus Christ, le premier ressuscité d’entre les morts.

Pour terminer, c’est aussi le prophète Esaie qui nous indique la marche à suivre. Lorsqu’il s’adresse aux israélites, déportés à Babylone, il leur dit de ne plus se souvenir du passé en s’y lamentant et en s’y confondant. Ce passé est terminé, dépassé, car Dieu veut créer du neuf, il prépare un autre avenir à son peuple. Et le prophète annonce que Dieu trace un chemin dans le désert, un chemin que les exilés vont prendre pour retourner chez eux.

Avec Paul et Esaie, nous comprenons que Dieu veut nous libérer de notre passé, de tout ce qui nous retient, nous englue, nous paralyse, nous méduse, nous empêche d’avancer. Dieu nous ouvre des chemins, comme le chemin du retour d’exil, comme le chemin de Damas et tous ces autres qui se sont ouverts pour Paul. Il nous invite à ne pas nous laisser liés par nos acquis, nos richesses, nos traditions, nos habitudes, mais de le suivre là où il veut nous conduire pour l’achèvement de notre personne en vue de son royaume.

                    Amen.

Évelyne Schaller
Pasteur à Vendenheim

Cantique suggéré :

« Tu peux naitre de nouveau » Arc en Ciel 417

¼ – Service des Lecteurs – SL – 33 – 01.08.2010 – Évelyne SCHALLER