2010. 10 : 10e Dimanche après la TRINITE

Dimanche 8 août 2010

Le Seigneur et son peuple

Romains 9, 1?8, 14-16

Les huit premiers chapitres de l’épitre aux Romains ont décrit, pas à pas, la démarche de la grâce, le déroulement du dessein d’amour de Dieu, depuis Adam et Abraham, jusqu’au Christ ressuscité des morts qui donne l’Esprit. Tout ceci n’avait qu’un seul but, expliquer que toute la création est assurée de sa libération définitive et de son accès à la gloire de Dieu.

Face à cela, Paul dit son émerveillement, une grave question toutefois le préoccupe douloureusement : qu’en est?il désormais de la destinée du peuple juif ? Nous savons ce qui est arrivé à Saul, ce juif fidèle à l’extrême, lorsque, sur la route de Damas, il a vu s’écrouler toutes ses certitudes… Il a compris, ce jour? là, que croire au Christ n’est pas un reniement de sa foi juive, bien au contraire, puisque Jésus accomplit en sa personne, par sa vie, sa mort et sa résurrection, toutes les promesses contenues dans les Ecritures. Ce sera l’essentiel de sa prédication : « je vous rappelle, écrit?il aux chrétiens de Corinthe, l’Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, auquel vous restez attachés et par lequel vous serez sauvés… Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’ai reçu moi?même : Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures. Il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures. Il est apparu à Céphas et aux douze… En tout dernier lieu, il m’est aussi apparu, à moi, l’avorton. Ce que je suis, je le dois à la grâce de Dieu » (1 Co, 15, 1-9). Et lorsqu’il aura à répondre au tribunal de son activité d’apôtre ? après son arrestation par les autorités juives à Jérusalem ? Paul déclarera : « fort de la protection de Dieu, je continue à rendre témoignage devant petits et grands : les prophètes et Moïse ont prédit ce qui devait arriver, et je ne dis rien de plus » (Ac 26,22).

Mais ses frères juifs, dans leur grande majorité, non seulement ne l’ont pas suivi. Beaucoup d’entre eux sont même devenus ses pires persécuteurs. À la date à laquelle il rédige sa lettre aux Romains, on n’en est pas encore à la séparation officielle entre juifs et chrétiens, quand ceux?ci seront chassés des synagogues et qualifiés d’apostats dans la prière juive. Mais Paul souffre profondément de l’hostilité qu’il rencontre dans toutes les communautés juives où il tente d’annoncer la Bonne Nouvelle. Alors, il se pose la question : ses coreligionnaires sont?ils réprouvés pour toujours ? Que sont devenues les promesses et les initiatives de Dieu vis?à?vis du peuple qu’il a choisi ?

Paul évoque en premier lieu l’adoption de ce peuple par son Dieu : « vous êtes des fils pour le Seigneur votre Dieu », disait le livre du Deutéronome (Dt 14, 1), et encore : « tu es un peuple consacré au Seigneur ton Dieu ; c’est toi que le Seigneur a choisi pour devenir le peuple qui est sa part personnelle entre tous les peuples qui sont à la surface de la Terre. Si le Seigneur s’est attaché à vous et s’il vous a choisis, ce n’est pas que vous soyez le plus nombreux de tous les peuples ; car vous êtes le moins nombreux de tous les peuples. Mais si le Seigneur, d’une main forte, vous a fait sortir de la maison de servitude, de la main de Pharaon, roi d’Égypte, c’est que le Seigneur vous aime et tient le serment fait à vos pères » (Dt 7, 6?8). C’est une véritable tendresse paternelle pour Israël que décrivent les prophètes : « quand Israël était jeune, je l’aimais, et d’Égypte j’ai appelé mon fils… C’est moi qui avais appris à marcher à Ephraïm… je le menais avec des attaches humaines, avec des liens d’amour. J’étais pour eux comme ceux qui élèvent un nourrisson contre leur joue » (Os 11, 1…5).

Est?t?il possible que Dieu ait oublié tout cela ? Comment expliquer qu’il semble ne pas réagir devant son peuple qui s’égare ? Pourtant, en plus de cette adoption merveilleuse, ils ont pour eux, dit Paul, « la gloire, les alliances, la Loi, le culte, les promesses de Dieu ; ils ont les patriarches, et c’est de leur race que le Christ est né. » Non, il n’est pas possible que Dieu oublie ce peuple, car lui-même l’a promis : « la femme oublie?t?elle de montrer sa tendresse à l’enfant de sa chair ? Même si celles?là oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas » (Es 49,15) ; « quand les montagnes feraient un écart et que les collines seraient branlantes, mon amitié loin de toi jamais ne s’écartera et mon alliance de paix jamais ne sera branlante, dit celui qui te manifeste sa tendresse, le Seigneur » (Es 54, 10).

Oui, c’est sûr ? d’une manière mystérieuse pour nous, mais de manière certaine ? Israël reste aujourd’hui encore et toujours le peuple élu, car, comme le dit la lettre à Timothée, « Dieu reste fidèle, car il ne peut se renier lui?même » (2 Tm 2,13).

Nous savons combien la question de Paul a traversé l’histoire de l’Église et force nous est de reconnaître combien les chrétiens, toutes confessions confondues, sont responsables de bien des exactions menées à l’encontre des croyants de confession juive. Par leur silence ou leur adhésion passive, des chrétiens ont laissé persécuter des juifs. Des théologiens de tout temps ont donné dans ce délire de destruction des juifs. S’il est de bon aloi de citer des pères de l’Église connus pour leur penchant antisémite, n’oublions pas les écrits de Luther de 1543 contre les juifs. Tout cela montre aussi la difficulté de la question de l’apôtre Paul.

Il est permis cependant de nous faire comprendre par un concept immédiatement intelligible pour l’homme l’analogie entre l’attitude divine, l’attitude divino ? humaine et l’attitude purement humaine : le concept de fidélité.

La fidélité est le fondement de tout contact humain, de toute alliance aussi, que des peuples contractent entre eux ou avec une divinité qui est en rapport spécial avec eux. La fidélité était le contenu de l’alliance de Yahweh avec Israël, et de même que Yahweh s’est engagé à rester fidèle, et fidèle jusque dans l’éternité, de même il oblige Israël infidèle à la même fidélité, ce qui ne peut vouloir dire qu’à l’exécution des prescriptions de l’alliance divine.

La foi d’Israël est cette fidélité qui demeure malgré toutes les objections, les opinions et les évidences propres. Ainsi, l’Ancienne Alliance connaît aussi bien une fidélité de Dieu à Israël qu’une fidélité d’Israël à Dieu, répondant à la première. Et lorsque la fidélité d’Israël défaille, c’est du seul mystère de l’amour que naît une relation inouïe, pénétrant jusque dans les abîmes de Dieu : celle du rapport entre la réprobation annoncée et la fidélité divine promise par?delà toute menace de châtiment.

En ces temps troubles marqués aussi par les conflits du proche Orient, il nous faut apprendre aussi à discerner cette fidélité de Dieu. Elle s’exprime à travers la notion du Peuple juif d’être le peuple choisi de Dieu. En même temps cela ne peut être compris comme une notion politique d’État se prenant tous les droits au mépris hélas, – mais l’honnêteté force l’expression de la vérité – des droits de l’homme, car comment ne pas évoquer la souffrance de tant de Palestiniens privés de tout ? Dans la Bible la justice c’est défendre le petit, la veuve et l’orphelin avant de punir le méchant ! La justice est l’un des éléments de la loi de sainteté du Lévitique, c’est à l’aune de ses fruits que le peuple élu manifestera sa légitimité dans l’histoire du Salut.

Dans la reconnaissance à Dieu pour sa fidélité à son Peuple, prions pour la Paix, le respect de tous et l’émergence d’un monde réconcilié et sauvé dans la Pâque du Fils.

Jehan Claude HUTCHEN

ALLELUIA : 138 – 45/19 – 52/05 – 62/73

¼ – Service des Lecteurs – SL – 34 – 08.08.2010 – Jehan Claude HUTCHEN