Dimanche 7 juillet 2013
Sixième dimanche après la Trinité
Esaïe 43, 1-7
Vivre le baptême
« Ainsi parle maintenant l’Eternel, qui t’a créé, ô Jacob ! Celui qui t’a formé, ô Israël ! Ne crains rien, car je t’ai racheté, je t’ai appelé par ton nom : tu es à moi ! Si tu traverses les eaux, je serai avec toi ; et les fleuves ne te submergeront point ; Si tu marches dans le feu, tu ne te brûleras pas, et la flamme ne t’embrasera pas. Car je suis l’Eternel, ton Dieu, le Saint d’Israël, ton sauveur ; Parce que tu as du prix à mes yeux, parce ce que tu es honoré et que je t’aime, je donne des hommes à ta place et des peuples pour ta vie. Ne crains rien, car je suis avec toi ; je ramènerai de l’orient ta race et je te ramènerai de l’occident. Je dirai au septentrion : Donne ! Et au midi : ne retiens pas ! Fais venir mes fils des pays lointains et mes filles de l’extrémité de la terre, tous ceux qui s’appellent de mon nom, et que j’ai créé pour ma gloire, que j’ai formés et que j’ai faits »
Frères et Sœurs en Jésus Christ,
Pour mieux comprendre la portée universelle de ces paroles apaisantes, affectueuses et réconfortantes, il est bon de situer leur émergence historique. Après le sac de Jérusalem et la destruction du temple en 587 avant Jésus Christ, les juifs « productifs » sont déportés à Babylone. Durant quarante années, le ghetto juif y vit dans des conditions d’esclavage et d’humiliation extrêmes. Les Babyloniens sont passés maîtres dans l’art de la propagande et de la démonstration visuelle de leur suprématie, cela au moyen des constructions de pyramides cylindriques devenues les fameuses et représentatives tours de Babel, ainsi qu’au moyen de processions religieuses en l’honneur du chef de leur panthéon, le dieu Marduk qui n’avait pas moins de 50 noms divins, dénominations que sujet libre et esclave étaient obligés de prononcer et de répéter liturgiquement pour être habités de leur force magique. Les Juifs qui se lamentent sur les bords des fleuves de Babylone, n’ont qu’un seul nom pour leur Dieu, qu’il ne fallait même pas prononcer. Pour beaucoup d’entre eux Jahvé qu’ils nomment « le nom », était devenu anonyme et inexistant face à Marduk et ses cinquante statues géantes.
C’est dans cette situation que le prophète dit Second Esaïe annonce un beau jour, « maintenant » dit-il, un retournement dans l’attitude rétributive de Dieu. Nouveau message à partir d’Esaïe 40 : « Jahvé » console son peuple, car celui-ci « a payé au double de ses péchés ». L’auteur contemporain MILES Jack qui a écrit à partir de l’Ancien Testament une « Biographie de Dieu », dans son livre qui a été traduit et publié en France en 1996 et qui a été primé par le prix Sullitzer, fait la découverte suivante : « A en juger d’après le texte de la Bible, de la Genèse 1 à Esaïe 39, on peut dire sans outrance que le Seigneur ne sait pas ce qu’est l’amour ». C’est bien observé et juste : l’œuvre du Second Esaïe (chapitres 40 à 55) est nommée l’ « évangile de l’Ancien Testament ». Dans notre texte se découvre et se révèle un Dieu qui AIME, HONORE et APPRECIE les siens, qui les SAUVE des griffes de leurs oppresseurs, qui les RACHETE de leur culpabilité, qui les PRESERVE de l’inondation et de l’incendie, qui les APPELLE par leurs noms et de SON NOM, qui, en un mot, les RAMENE AU BERCAIL.
Ce Dieu d’amour, maintenant maternel, demande aux esclaves de ne plus avoir une peur bleue, en croyant que c’est le despote qui les a en main, qui les manipule et qui les utilise comme manœuvres. D’un côté il les fait réfléchir: « Mon peuple qu’as-tu à craindre d’un simple humain, l’empereur de Babylone, qui mourra et qui aura le sort de l’herbe ? » et de l’autre, il les assure : « Ne crains rien, car je t’ai racheté, je t’ai appelé par ton nom : tu es à moi ! ». Quelle foi ou quelle naïveté du prophète que de prétendre que derrière l’apparat militaire et l’appareil institutionnel se cachent des mortels fragiles, des statues aux pieds d’argile. Mais l’histoire va donner raison à l’intuition du prophète. En effet l’apparition de l’empire perse avec à sa tête le conquérant Cyrus sonnera la fin, la débâcle et la décadence du régime fasciste babylonien. Et Cyrus dominera ses vassaux, mais sans les déporter et sans les priver de leurs religions. Ainsi, il permettra aux Israélites de rentrer au pays.
Frères et Sœurs, le message du prophète signifie paradoxalement que si la communauté juive ou bien chrétienne dans son ensemble appartient corps et âme à Jahvé, son créateur et son sauveur, c’est pour l’armer à résister à toute forme d’embrigadement, aux essais de conversion de masse ou aux oppressions de la part de fanatiques. Comme dit Martin Luther : « Nous ne sommes le serviteur de personne, mais nous sommes le serviteur de tous ».
Notre époque génère des angoisses collectives : à côté des bons et nobles progrès économiques, techniques et médicaux de l’ère industrielle s’amplifient les phénomènes de paupérisation, de sous-développement, de pénurie, de chômage, de pollution, de récession, de catastrophes naturelles plus meurtrières que jamais et de haines raciales sanglantes. Mais avant que les Eglises et la Fédération Protestante de France participent aux efforts politiques, sociaux et associatifs pour combattre intelligemment ces dix plaies modernes, elles proclament régulièrement cette déclaration de Dieu : « ne craignez rien, car si vous traverserez le feu ou l’eau, je suis avec vous. Je vous baptiserai d’eau, de feu et d’Esprit pour vous aider à vaincre ces obstacles ».
La déclaration d’amour de Dieu et sa promesse d’accompagnement valent bien sûr dans les situations d’adversité où l’homme est menacé, attaqué, blessé ou meurtri. Jésus dit : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme. Ne vend-on pas deux passereaux pour un sou ? Cependant, il n’en tombe pas un à terre sans la volonté de votre père. Et même vos cheveux sont tous comptés. Ne craignez donc point : vous valez plus que beaucoup de passereaux ». (Matthieu 10, 28-30). Ailleurs Jésus assure encore : « Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair. Voici, je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et les scorpions et sur toute la puissance de l’ennemi ; et rien ne pourra vous nuire .Cependant, ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux ». (Luc 10, 18-20). Les statisticiens ont relevé que l’apostrophe, « ne crains rien » est employée 365 fois en tout dans la Bible, comme si elle nous était redite une fois par jour durant toute l’année !
Frères et Sœurs, si Dieu est arrivé à changer le sort malheureux de l’ensemble de son peuple, à plus forte raison peut-il délivrer et protéger chacune et chacun de ses enfants aux tournants importants de leurs vies. En particulier à leurs naissances lors des passages étouffants de l’éden du fœtus à la naissance au monde menaçant et … à leurs morts lors des passages étouffants dans l’au-delà. C’est pourquoi aussi bien lors des baptêmes que lors des enterrements chrétiens est réaffirmée la bénédiction : « Ne crains rien, car je t’ai racheté, je t’ai appelé par ton nom : tu es à moi ! ». A Eckwersheim, il existe une belle coutume. Après le catéchisme et tout juste avant leur confirmation, les jeunes ont le droit de monter au clocher et d’inscrire avec de la craie leurs initiales sur l’une des deux cloches. Du berceau au lit de mort, comme lors des tournants de vie, Dieu promet : « Ecoutez-moi, vous que j’ai pris à ma charge dès votre origine et que j’ai portés dès votre naissance ! Jusqu’à votre vieillesse je vous soutiendrai ; Je l’ai fait, et je veux encore vous porter, vous soutenir et vous sauver ». (Esaïe 46, 3-4). Jésus Christ qui accomplit de maintes manières l’évangile de l’Ancien Testament, promet en tant que Fils de Dieu: «Je suis avec vous tous les jours de votre vie jusqu’à la fin du monde ». L’apôtre Paul résume les évangiles de l’Ancien et du Nouveau Testament avec la confession de foi : « Ni la vie, ni la mort ne peuvent nous séparer de l’amour de Dieu révélé en Jésus Christ ».
Nous lisons dans Luc 4, 17-21 : « On remit à Jésus le livre du prophète Esaïe. L’ayant roulé, il trouva l’endroit où il était écrit : «L’esprit du Seigneur est sur moi, Parce qu’il m’a oint pour annoncer une BONNE NOUVELLE aux pauvres. Il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, Pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue, Pour renvoyer libres les opprimés, Pour publier une année de grâce du Seigneur »…Alors il commença à leur dire : « Aujourd’hui cette parole de l’Ecriture que vous venez d’entendre est ACCOMPLIE ». Beaucoup d’autres paroles de Jésus s’inspirent de la seconde moitié du livre d’Esaïe, plus que par tout autre livre biblique. Il existe des parallèles étonnants entre l’EVANGILE de l’Ancien testament et la BONNE NOUVELLE prêchée et vécue par Jésus. Par exemple tous les deux affirment que Dieu a déjà agi et répondu, donc délivré et libéré avant même l’exaucement de la requête. En Esaïe 65, 24, Dieu dit : « Avant que mes élus m’invoquent, je répondrai ; avant qu’ils aient cessé de parler, j’exaucerai ». En Marc 11, 24, Jésus dit : « Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l’avez déjà reçu, et vous le verrez s’accomplir ». Autre exemple à propos de la substitution. Dans notre texte, Dieu promet que des étrangers meurent à la place du peuple mis à part. Dans le 4ème chant du Serviteur Souffrant en Esaïe 53, c’est une personne individuelle ou collective qui souffre, qui est punie et qui meurt à la place du peuple élu. En Philippiens 2, l’apôtre Paul cite ces textes d’Esaïe pour annoncer haut et fort que Jésus s’est livré lui-même en lieu et place des pécheurs, restant obéissant jusqu’à sa mort substitutive sur la croix.
La psychanalyse se propose d’apporter une délivrance de ce qui est devenu oppressant, en aidant le patient à digérer son passé par le moyen de la verbalisation des émotions suscitées par les traumatismes de la petite enfance. La foi discerne que toute parole thérapeutique s’enracine dans la parole de Dieu qui ne revient pas à Dieu sans avoir produit ses effets créateurs et rédempteurs, selon Esaïe 55, 5-10. Chacun à son tour, peut dire à Dieu, comme nous aimons le prier au cours de la liturgie de la Sainte Cène : « Seigneur, dis seulement un mot et mon âme sera guérie ». C’est un fait, n’est-ce pas, que personne ne s’est donné son nom de famille, son prénom de baptême, son petit nom ou son surnom. Nous n’existons vraiment qu’à partir du moment où un autre nous a reconnu. Le fils prodigue de la parabole retrouve son identité et son existence spécifique et libre, quand il se laisse accueillir pleinement par ce père qu’il n’a pas choisi, mais qui l’aime inconditionnellement. A la fin d’une étude biblique, un participant âgé, comme conclusion personnelle, a dit à l’animateur : « J’ai déjà oublié tout ce que nous avons échangé, mais maintenant, je connais votre nom » !
Martin Luther propose de répondre à l’abaissement de Dieu qui nous délivre de la crainte et nous assure de son amour paternel et maternel en nous exhortant à aimer Dieu en retour, mais… mais en même temps à le craindre. Dans son petit catéchisme il donne comme explication du 1er commandement : « Nous devons craindre et aimer Dieu par-dessus toute chose et mettre en lui notre entière confiance ». Des évangiles, de la lettre de Paul aux Romains et du livre d’Esaïe, il a forgé la maxime : « Crains Dieu, agis droitement et ne redoute personne ». Amen.
Georges Bronnenkant
(Possibilité est laissée à ne pas lire tel ou tel paragraphe !)
Le cantique qui convient le mieux: Arc en Ciel 622 : Si Dieu pour nous s’engage
Autres propositions : Arc en Ciel : 33, 212, 435, 562, 574