2010. 04 : 4e Dimanche après la TRINTE

Dimanche 27 juin 2010

La communauté des pécheurs

Romains 14, 10-13

I
Ces paroles de l’apôtre Paul sont plus actuelles que jamais ! Autour de nous, dans les faits divers comme dans le monde de l’entreprise, dans les villages et les quartiers populaires comme dans le beau monde, jugements à l’emporte-pièce et critiques imbéciles, accusations à  tort et à travers, dénigrements et jalousies fleurissent et font des ravages. Sans parler de ces nouvelles normes de société appelées « évaluation » – « bilan de compétence » – « optimisation des ressources humaines »… Nous usons beaucoup de temps et d’énergie à nous juger les uns les autres, le plus souvent de façon négative… et parfois avec des conséquences dramatiques.

Nous juger les uns les autres est inévitable, disent certains : cela fait partie du fait d’être en groupe, en société, de vivre les uns avec les autres. Se juger les uns les autres fait partie du processus de nous situer les uns par rapport aux autres… mais est-ce toujours en vue de trouver la juste relation qui va permettre de bien vivre ensemble ?
Nous juger les uns les autres fait partie du processus vital, disent d’autres : la loi de la vie n’est-elle pas celle du plus fort ?  
Jésus s’est dressé contre le fatalisme et la nécessité implacable de cette tendance dite naturelle au jugement porté par l’un sur l’autre. Il s’est opposé aux gardiens de la loi et de l’ordre qui, au nom de Dieu, divisaient le peuple entre bons et méchants, justes et coupables, purs et impurs.

II
C’est aussi sur cette question que Paul a été fondamentalement mis en question et retourné par l’Évangile de Christ. Pas étonnant que Paul en ait fait un cheval de bataille par excellence ! 

Ici, dans sa lettre aux chrétiens de Rome, il explique que la Bonne Nouvelle concerne tous les hommes, que le salut promis par Dieu n’est pas réservé qu’aux croyants de la première alliance, celle de Moïse. Paul insiste aussi sur le fait que la foi chrétienne implique logiquement une attitude spécifiquement chrétienne conforme à la grâce reçue de Dieu en Jésus-Christ.
C’est l’objet de la dernière partie de cette lettre : Paul y expose toutes sortes de directives pratiques concernant la vie nouvelle au service de Dieu et en lien avec les autres dans le quotidien et le concret. La vie quotidienne des chrétiens devait être témoignage de l’Évangile. C’est dans le concret de la vie, dans la manière d’être et de se conduire des chrétiens que ceux du dehors devaient pouvoir discerner une nouveauté, une nouveauté qui ne suscite pas d’inquiétude, mais qui fasse percevoir quelque chose de radicalement nouveau et de radicalement bon. La société romaine était une société dure, où la vie de l’individu ne pesait pas lourd, sauf peut-être celle de ceux qui jouissaient du titre de citoyen romain, et encore !

Paul sait par expérience que le fait de se juger les uns les autres négativement est un des traits caractéristiques du genre humain. Comme lui nous regrettons que ce soit là un des travers humains les plus usités, même si nous aussi agissons de même… En jugeant l’autre, celui qui est notre prochain nous rappelle Jésus, nous l’emprisonnons dans une image, nous le réduisons à quelques éléments de sa personne, nous lui dénions le droit à toute possibilité d’évolution et de changement. C’est en quelque sorte une condamnation, comme le dit bien cette expression courante souvent exprimée sur le divan des psychanalystes : « on m’avait catalogué pour la vie… » ! 

Dans les relations interpersonnelles décrites ici par Paul, le chrétien est invité à avoir une attitude positive vis-à-vis de son prochain. L’autre aussi doit pouvoir trouver sa place, grandir et s’épanouir dans la communauté chrétienne locale. Entre frères et sœurs dans la foi, entre frères et sœurs de Jésus-Christ les règles ne peuvent être les mêmes que dans la société ambiante régie par la loi du plus fort, la loi du puissant. Les autorités et les écrivains romains ont vite remarqué qu’une loi « autre » régissait la vie des assemblées chrétiennes.

III
C’est là un des piliers de l’éthique chrétienne : la reconnaissance de l’autre comme un frère, une sœur, comme un égal, autant au bénéfice de l’amour et des promesses de Dieu. Alors rien ne doit être commis qui puisse nuire à autrui ou encore le pousser à chuter dans la foi. Tout doit pouvoir être enraciné dans l’amour fraternel. La conscience de chacun doit pouvoir être respectée dans la communauté : les forts et les faibles doivent pouvoir vivre et œuvrer ensemble. Du temps de Paul comme aujourd’hui cela exigera une grande largesse d’esprit, beaucoup de patience et de compréhension, beaucoup de respect surtout. Rappelons-nous tous les débats qui ont secoué les premières communautés chrétiennes au sujet de l’égalité entre chrétiens d’origine juive et chrétiens d’origine païenne : la conversion et le chemin de foi des uns pouvaient-ils avoir la même valeur aux yeux des autres, aux yeux des pionniers de l’Église et surtout aux yeux de Dieu ? Ce n’est guère mieux aujourd’hui : faisons-nous place aux autres, aux nouveaux dans nos paroisses sans exiger d’eux qu’ils commencent « par faire comme nous » ?

Nous aimons bien juger les autres avec la conviction, voire même la certitude et donc la bonne conscience qui va avec, que c’est pour le bien de l’Église et l’honneur de Dieu ! C’est là que Paul nous cueille au passage : « Chacun de nous devra rendre compte à Dieu pour soi-même. Cessonsdonc de nous juger les uns les autres ! » – Paul nous dit clairement : vos jugements humains sont nuls et non avenus !

Ce n’est pas l’homme qui juge l’homme, mais c’est Dieu qui juge l’homme. Vouloir juger notre prochain, c’est une fois de plus vouloir prendre la place de Dieu ! C’est se faire Dieu et c’est là, depuis les origines, le plus grand péché de l’homme. Si je juge mon prochain, je m’attribue de par ma propre autorité le rôle du Juge divin !
Laissons à Dieu ce qui revient à Dieu et faisons de notre mieux pour faire ce qui nous revient à nous. Restons hommes ou femmes, mais soyons-le pleinement, à l’image de Dieu ! C’est là notre vocation. Notre vocation personnelle dans l’Église et dans la société. Notre vocation communautaire dans l’Église et dans la société.  
Aujourd’hui en bien des lieux et bien des pays la personne humaine n’est plus respectée en tant que personne avec ce qui fait son unicité et ses richesses. Plus que jamais il est de notre vocation de « PROTESTER » pour l’homme ! Que Dieu nous soit en aide ! AMEN
                    Pasteur Marc WEISS
                    La Robertsau

Propositions de chants.

ARC  606  – 608 – 615  – 86 – 537
NCTC   285  – 86 – 219  – 243
ALL   45.01  –  45.19  –  22.07  –  36.04  

¼ – Service des Lecteurs – SL – 28 – 27.06. 2010 – Marc WEISS