2013 . 03 : 3e dimanche après la Trinité

Dimanche 16 juin 2013
      Troisième dimanche après la Trinité

                 Luc 19, 1-10
        Le message de la réconciliation

Mot d’ordre :
« Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » Luc 19/10

Textes : Psaume : 103/1-5, 8-13 ou 32
A.T. : Ezéchiel 18/1-4, 21-24, 30-32
    Epître : 1 Timothée 1/12-17
    Evangile : Luc 15/1-7(8-10)

Prédication : Luc 19/1-10

Quelques mots d’introduction :

L’histoire de Zachée est bien connue. Souvent racontée aux enfants. En effet, quel enfant participant aux cours de religion ou aux activités de sa paroisse n’a pas dessiné un épisode de cette histoire ou colorié une image montrant Zachée perché sur l’arbre ?! Et nombre de paroissiens connaissent par cœur cette histoire.
Mais justement, ne la connait-on pas trop, au point de ne plus être attentifs à la marche du texte, au déroulement et aux détails de cette rencontre ? N’en n’a-t-on pas une interprétation et une compréhension définitives, qui sont plus fondées sur ce que nous injectons dans le texte que sur le texte lui-même?
Qui est perdu ? Qui est sauvé ? Qui est réconcilié ? Pourquoi et comment ?
Un élément d’exégèse a particulièrement retenu mon attention : Zachée ne parle pas au futur, mais au présent. Il ne dit pas : « Je donnerai aux pauvres », mais : « Je donne aux pauvres ». Il ne dit pas : « Si j’ai fait tort à quelqu’un en quelque chose, je lui rendrai », mais bien : « Je lui rends » (en donnant 4 fois plus, c’est-à-dire plus que la loi ne le demande !).

Zachée affirme ce qu’il est en train de faire, ce qu’il fait déjà.
Dès lors, la pointe de cette histoire ne serait pas la transformation du bandit en homme de bien par le fait de la rencontre avec Jésus – il faudra pour prêcher cela un autre texte biblique, un autre dimanche avec un autre mot d’ordre… La réconciliation ici serait ailleurs. Et le salut de Zachée consisterait en autre chose.
Le « jeu » de cette rencontre éminemment publique s’articule autour de la relation Zachée/la foule. C’est là que se trouve le nœud de l’intrigue, du salut et de la réconciliation.

Pour la lecture de ce texte biblique je suggère la « Nouvelle Bible Segond » (NBS) qui a l’avantage de respecter le temps des verbes.

Message :

Cette histoire de Zachée est bien connue… Elle semble, à première vue, simple à comprendre : voici un riche et malhonnête collecteur d’impôts qui, suite à sa rencontre avec Jésus, promet de rendre ce qu’il a volé et de réparer le tort qu’il a fait.
N’est-ce pas là un résumé de l’Evangile, à savoir que le salut change le pécheur, transforme l’escroc, le voleur, en citoyen exemplaire ?!
On peut comprendre ce texte comme cela, et c’est bien souvent ainsi qu’on le reçoit : cette histoire raconte la transformation d’un voleur en un honnête homme sous l’effet de la rencontre avec Jésus.

Mais il y a une autre manière d’accueillir et de comprendre cette histoire, toute aussi fidèle à l’Evangile et qui ouvre des horizons plus larges. Tout dépend comment on comprend ce que dit Zachée. Voyons cela de plus près.
La foule murmure parce qu’en s’invitant chez Zachée, Jésus va loger chez un « pécheur ».
Tout le monde savait alors que les percepteurs étaient non seulement des collaborateurs de l’occupant romain, mais encore et surtout qu’ils s’enrichissaient sur le dos des gens en gardant pour eux une partie des impôts qu’ils réclamaient. La foule était donc sûre que Zachée, le « chef » des collecteurs d’impôts, ne s’était enrichi qu’en volant et en exploitant les autres.

Mais Zachée n’est pas d’accord avec cette opinion que les autres, que la foule a de lui.
Zachée a une bonne opinion de lui-même et il veut la défendre aux yeux de tous.
C’est pourquoi, lorsqu’il s’adresse à Jésus, qui ne lui a rien demandé à ce sujet-là, ce n’est pas seulement à Jésus qu’il parle, mais à toute la foule. Et il cherche à faire taire la rumeur, il cherche à « tordre le cou » à ce qui se raconte à son sujet.
En effet – et le texte est clair à ce sujet – Zachée ne dit pas : « Je donnerai aux pauvres », mais : « Je donne aux pauvres », c’est-à-dire : « c’est ce que je fais depuis toujours ».
Il ne dit pas : « Si j’ai fait tort à quelqu’un en quelque chose, je lui rendrai », mais bien : « Je lui rends », c’est-à-dire : « depuis toujours, s’il m’arrive – parce que je ne suis pas parfait – de me tromper, je répare » en donnant 4 fois plus – c’est-à-dire plus que la loi ne le demande !

…Zachée est donc en train de dire à Jésus, d’expliquer à Jésus :
ne crois pas ce que dit la foule. Elle a de moi une fausse opinion : je suis un honnête percepteur, c’est à bon droit que tu peux venir chez moi.
C’est parole contre parole. La parole de la foule contre la parole de Zachée, la parole de Zachée contre la parole de la foule. Et d’ailleurs l’évangéliste, Luc, ne nous dit pas que la foule aurait raison, ni que Zachée ment.
Il se peut que Zachée fut un honnête homme, un honnête collecteur d’impôts – l’exception qui confirme la règle, comme on dit – scrupuleux et qui a le souci de ne pas être accusé de fraude.

D’ailleurs en hébreu, « Zachée » veut dire « innocent ».
Zachée ne cherche rien de plus ni rien de moins que de défendre l’image qu’il a de lui-même, contre l’opinion du plus grand nombre…

Mais Zachée a perdu d’avance !
Il veut prouver qu’il est un honnête collecteur d’impôts, mais tout indique le contraire puisque tout le monde le sait bien : les collecteurs d’impôts travaillent pour l’occupant romain et profitent du système pour s’enrichir au passage.
Qu’il soit honnête ou pas ne changera rien : la foule le respecte et le déteste à la fois. Pour elle, il est comme tous les autres collecteurs d’impôts…
Cependant Zachée a envie d’être reconnu et respecté pour ce qu’il pense être. Alors il cherche à montrer aux autres qui il est vraiment. Ceci jusqu’à faire des choses un peu folle, c’est-à-dire en rendant 4 fois plus quand il a fait une erreur.

    Mais, me direz-vous, si Zachée est honnête, alors pourquoi Jésus dit-il que le salut est entré dans sa maison ?  Et pourquoi notre histoire se termine-t-elle en disant que le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ?
Eh bien, parce que Zachée est effectivement perdu. Parce qu’il a vraiment besoin d’être « sauvé ». Zachée n’est pas perdu parce qu’il est malhonnête. Zachée est perdu parce qu’il pense qu’il faut mériter de vivre. Zachée pense qu’il lui faut justifier sa vie. Qu’il lui faut prouver qu’il a le droit de recevoir Jésus chez lui.
Le drame de Zachée c’est qu’on le prend pour un escroc, pour un voleur, qu’il en est blessé, et que cette blessure le conduit à vouloir sans cesse montrer une image contraire de lui, sans jamais y arriver.

Si Zachée était vraiment malhonnête, il ne considèrerait jamais que la foule a tort de murmurer ! Zachée pense sincèrement qu’il est honnête et c’est pourquoi il ne cesse de vouloir convaincre les autres de le voir comme lui-même se voit.
Oui, Zachée était perdu, perdu dans une lutte acharnée pour faire changer l’image qu’on a de lui, que la foule a de lui. Il se perd à essayer, de toutes ses forces, de montrer qu’il fait partie des gens honnêtes. Zachée est perdu en ce qu’il est prisonnier de l’image que les autres ont de lui, de la manière dont les autres le voient.

Et Jésus dit que le salut est entré dans cette maison, non parce que Jésus affirmerait enfin et définitivement que oui, Zachée est un homme honnête, ou qu’il le deviendra, mais, le salut est entré dans cette maison  « parce que toi aussi tu es un fils d’Abraham ».
C’est-à-dire que tu es aimé et estimé pour ce que tu es – « tu es fils » – et non pas pour ce que tu deviendras par tes efforts ou par la volonté des autres.
Jésus incarne cela, Jésus est cette promesse de Dieu, Jésus personnifie cette promesse de Dieu. En s’invitant chez Zachée, c’est cet amour et cette estime donnés par Dieu qui entrent chez Zachée. En ouvrant la porte de sa maison, c’est cet amour et cette estime donnés par Dieu que Zachée accueille chez lui.
C’est cela l’Evangile : « le fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ».
Jésus nous sort de ce cercle infernal dans lequel il nous arrive de nous perdre, de perdre pied, de devoir ou de vouloir toujours et sans cesse justifier notre vie.
Zachée continuera peut-être à être collecteur d’impôts, ou il ne le sera peut-être plus. Peu importe. Honnête il l’était avant, et il continuera certainement à l’être. Pour la foule, il était un voleur avant cette rencontre et il le restera sans doute aussi après, et certainement même pour toujours. Ne nous voilons pas la face : il est presque impossible de changer une mauvaise réputation, surtout quand elle est fausse. Mais Zachée vit désormais avec cette bonne nouvelle au plus profond de lui et qui le porte chaque jour : il n’a plus besoin de justifier sa vie devant les autres. Il n’a plus à défendre son image devant la foule.

Nous aussi, nous cherchons tous à correspondre à une image. Alors comme Zachée devant la foule, nous cherchons à prouver quelque chose. Nous cherchons à défendre nos actions devant les autres.

Peut-être l’image de quelqu’un d’honnête, ou encore de bon, ou de généreux, ou l’image de bon croyant ou encore l’image de quelqu’un d’accueillant…, etc.
Et plus les autres refusent de nous voir comme nous aimerions qu’ils nous voient, plus nous nous enfonçons dans la volonté de le leur prouver quand même, et à tout prix !
Dans notre monde, malheur à ceux qui ne donnent pas d’eux une image jeune, dynamique, en bonne santé et avec des moyens financiers. A l’école, en entreprise, dans le voisinage, et même en Eglise cela peut arriver, malheur à ceux qui ne donnent pas d’eux telle ou telle image.

La Bonne Nouvelle pour nous, aujourd’hui, que nous transmet cette histoire, c’est que chacun de nous est unique, aimé de Dieu et estimé par lui. Nous n’avons pas besoin de chercher à lui donner telle ou telle image de nous pour cela. Comme nous n’avons pas besoin de chercher à donner à la foule telle ou telle image de nous. Amen.

Prière d’intercession :

Père,
nous avons aujourd’hui à nouveau,
entendu, mais aussi découvert par les Saintes Ecritures,
que tu es un Dieu plein d’amour, de bonté et de miséricorde.
Donne-nous de marcher à ta suite ;
et quand monte en nous l’envie de tout faire pour devenir plus parfait, plus pur,
arrête-nous et rappelle-nous que nous ne le serons jamais, et que c’est de ta grâce que nous vivons ;
quand monte en nous l’envie de juger ou de disqualifier quelqu’un, – particulièrement quand c’est au nom de règles ou de commandements religieux -,
arrête-nous, nous t’en prions, et donne-nous de voir cette personne comme toi tu la vois : c’est-à-dire avec les yeux de la bonté.
Donne-nous de ne condamner aucune situation de maladie ou d’épreuves, mais de savoir accueillir avec miséricorde chaque personne qui souffre, et,
d’être témoins de ton amour qui remet debout,
de ta grâce qui donne la vie.
Nous te remettons, Seigneur, ce matin, dans le secret de notre cœur,
toutes les situations difficiles qui nous touchent,
toutes les personnes éprouvées que nous connaissons,
afin que tu nous donnes l’attitude et la parole que toi-même tu aurais à l’égard de ces personnes.
(pause)

Proposition de chants :

All 23-10 (AEC 562)/1-3     
« Nos cœurs pleins de reconnaissance… »  
All 48-05 (AEC 604)/1-3    
« Quel ami fidèle et tendre… »
RA 328/1, 4, 5     
„Lobe den Herren, den mächtigen König der Ehren…“
RA 201/1, 2, 5, 8     
„Gott ist gegewärtig…“
RA 216         
„Lass mich Dein sein und bleiben…“

Thierry Grosshans, pasteur à Tieffenbach