2010. 01 : ANTEPENULTIEME dim après la TRINITE (25e Trinité)

Dimanche 7 novembre 2010

Le jour du salut

Romains 14, 7?9

Frères et soeurs en Jésus Christ,

De par notre condition humaine, nous sommes liés aussi bien à l’espace dans lequel nous vivons et agissons qu’au temps dans lequel se déroule notre carrière terrestre. Le temps est une coordonnée de notre existence, voulue par Dieu, et à laquelle il a donné une valeur positive en réalisant son plan de salut dont témoigne la Bible. Le cycle de l’année liturgique avec ses grandes fêtes Noël, Pâques et Pentecôte permet aux croyants de se remémorer année après année les grands actes rédempteurs sur lesquels se fonde la foi chrétienne. Il ne s’agit pas pour autant d’un éternel recommencement. Nous sommes en marche vers un but, vers l’accomplissement final du Royaume de Dieu. C’est ce que nous rappellent tout particulièrement les trois derniers dimanches de l’année ecclésiastique avec leurs thèmes « Le jour du salut », « Le Jugement dernier » et « La cité éternelle ».

Nous sommes en marche : non pas vers la mort, mais vers la vie à laquelle Dieu nous a destinés. Le baptême que nous avons reçu signifie que « nous sommes au Seigneur ». Nous lui appartenons dans la vie et dans la mort. Et c’est pour que notre existence ait un sens et un but que Jésus?Christ est mort et ressuscité. Voilà ce que l’apôtre Paul nous dit très clairement dans le passage de son épitre aux Romains que nous venons d’écouter.

« Soit que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur » ; ces paroles sont assurément parmi les plus étonnantes du Nouveau Testament. Peut?être provoquent-elles chez l’un ou l’autre d’entre nous un certain malaise lorsqu’elles sont proclamées par exemple au bord d’une tombe. Comment l’apôtre Paul, a-t-il pu s’exprimer ainsi ? À l’entendre, n’at-on pas l’impression que pour lui il n’y a guère de différence entre la vie et la mort ? Peut?être sommes-nous tentés de l’interpeller : « Holà, Paul, comment peux-tu dire des choses pareilles ? » Seraient-ils dans le vrai, ceux qui te prêtent un certain goût du morbide ? N’as-tu pas exprimé, dans ta lettre aux Philippiens, ton désir de t’en aller pour être avec le Christ ? Est-il possible qu’un homme sain de corps et d’esprit tienne de tels propos ?

Chers amis, l’apôtre Paul n’était ni un dépressif ni un lâche désireux de quitter ce monde parce qu’il aurait été las des combats qu’il menait pour la cause de l’Évangile. Ses propos deviennent compréhensibles dès
lors qu’on sait qu’ils proviennent d’un homme emprisonné qui attend l’issue d’un procès où sa vie est en jeu. Paul sait qu’il risque d’être exécuté, mais sa foi en Jésus?Christ lui permet d’accepter le verdict, quel qu’il soit, et d’envisager l’avenir en toute sérénité. De la même façon, pour bien comprendre le passage proposé à notre méditation ce matin, il convient de le replacer dans son contexte.

La jeune Église de Rome, composée de juifs, mais aussi d’anciens païens convertis à l’Évangile, était menacée de schisme. De graves tensions risquaient de faire éclater la communauté où s’opposaient deux groupes de croyants. D’un côté il y avait ceux qui, après leur conversion, se sentaient dégagés de toute contrainte concernant leur alimentation et ne voyaient aucune contradiction avec leur foi et leur vie de chrétiens dans le fait de manger de la viande. L’apôtre parle d’eux comme des « forts », leur attachement au Christ n’étant nullement affecté par des habitudes alimentaires n’ayant rien à voir avec la fidélité à l’Évangile. L’autre groupe était constitué de ceux que Paul appelle « les faibles » parce qu’ils n’ont pas encore eu la force de s’affranchir des prescriptions ou interdits auxquels ils avaient été soumis en tant que juifs. Sans doute craignaient?ils aussi de se souiller en mangeant, à leur insu, des viandes qui pouvaient provenir des sacrifices aux idoles païennes qu’on vendait parfois sur les marchés. Ce qui est sûr, c’est que Paul appelle les chrétiens de Rome à ne pas se juger les uns les autres à cause de telles différences d’appréciation. S’adressant plus particulièrement aux « forts », parmi lesquels il se compte lui?même, il leur met à coeur de ne pas mépriser les « faibles » à cause de leurs scrupules, et surtout d’éviter à tout prix de les inciter à agir contre leur conscience, même si les interdits en question sont à considérer comme caducs. C’est en se montrant plein d’égards pour les faibles que les forts apporteront la preuve de leur liberté. Car être vraiment libre, cela consiste à savoir renoncer, en certaines circonstances, à sa liberté. Paul a toujours dénoncé et combattu avec fougue toute espèce de légalisme. Nul autre que lui n’a prêché avec plus de conviction la liberté que l’Évangile apporte à l’homme qui s’ouvre à lui. Mais les égards qu’un chrétien doit à son prochain sont indissociables de l’Évangile comme l’amour fraternel est inséparable de l’amour de Dieu. Cet amour permet à tous, aux faibles comme aux forts et quel que soit leur degré d’avancement dans la foi, de vivre solidaires dans la paix et l’unité.

Là où une telle harmonie règne au sein d’une communauté, où des chrétiens d’origines, de traditions et d’habitudes diverses et parfois difficilement conciliables non seulement se rencontrent, mais se respectent et s’acceptent mutuellement avec leurs différences, on ne se jugera plus les uns les autres sur des questions de viandes ou de légumes, de coupe de cheveux ou de tenue vestimentaire. Et on ne se séparera pas sur des critères qui touchent à tout, sauf à l’essentiel. Or l’essentiel, pour un chrétien, c’est d’appartenir à Jésus?Christ, son Seigneur. C’est cette appartenance, et elle seule, qui est déterminante pour mon présent et pour mon avenir, dans la vie et dans la mort.

Si j’ai conscience de ne pas m’appartenir à moi-même, mais d’être lié, quoi qu’il arrive à celui qui pour moi a donné sa vie et vaincu la mort cette dernière, même si elle reste pour moi comme pour tout homme, un passage redoutable de par son mystère, ne sera plus le grand trou noir ni l’horrible épouvantail devant lequel on ferme les yeux et auquel on se refuse à penser. Bien sûr, je ne vais pas pour autant passer mon temps à rêver à l’au?delà, en attendant ma dernière heure. Car avant que de « mourir pour le Seigneur », comme s’exprime Paul, nous sommes appelés à vivre pour lui ici?bas. C’est-à-dire à l’honorer par notre obéissance aux commandements de Dieu, par notre soumission à sa volonté et par toute notre manière de vivre avec les autres. C’est l’amour de Dieu qui donne sens à notre vie. C’est l’assurance de son pardon, sans cesse renouvelé, qui soutient notre espérance. Et c’est notre communion avec le Ressuscité qui fait de nous des hommes et des femmes libres. Libres pour servir notre prochain, libres pour témoigner en paroles et en actes notre reconnaissance envers « notre Sauveur Jésus?Christ qui a détruit la mort et fait briller la vie et l’immortalité par l’Évangile » (2 Tim. 1,10). Nous sommes au Seigneur et non point à nous?mêmes, pour la vie et la mort, nous sommes au Seigneur. Saisissons chaque jour les fruits de sa victoire ! Rien ici?bas n’est essentiel que d’aimer et de croire. Amen.

Alfred Langermann, pasteur

Cantiques possibles
                                                  NCTC  ARC      ALLÉLUIA
Seigneur, que tous s’unissent         223     303           31/20
Entonnons un saint cantique           186     254           33/12
Il est pour le fidèle                       281     640           48/01
Toute vie sur cette terre                                           48/02

¼ – Service des Lecteurs – SL – 47 – 07.11.2010 – Alfred LANGERMANN