B. 03 : Avent, 1er Avent : NUN KOMM, DER HEIDEN HEILAND II, BWV 62

B. 03 : Avent, 1er Avent : NUN KOMM, DER HEIDEN HEILAND II

B. 03    1er dimanche de l’AVENT 
            Erster Adventssontag (Wustmann)

                   NUN KOMM, DER HEIDEN HEILAND  II,   BWV  62

                            VIENS, REDEMPTEUR DES PAÏENS  II

NOTES quant à la Cantate

Auteur du livret : inconnu, Picander ?            Date: 1735-1744 
                                                                          Leipzig II a

Lectures bibliques du dimanche :

Epître :      Romains 13/11-14   la nuit est avancée
Evangile :  Matthieu  21/1-11    l’entrée de Jésus à Jérusalem

Thème de la cantate :  

Le cantique de Luther : Nun komm, der Heiden Heiland

        La cantate illustre l’évangile de l’entrée de Jésus à Jérusalem, selon Matthieu 21/1-11, qui était déjà à l’époque de Bach la lecture du 1er de l’Avent. L’épître de Paul aux Romains joue un rôle secondaire, dans le thème du jour qui approche à la fin de la nuit. Ce jour qu’est le Chrit apparaît dans la strophe 7 du chant de Luther et est repris par Bach dans son 2ème Récitatif.

        Pour illustrer cet évangile, Bach construit sa cantate sur le cantique de Luther « Nun komm, der Heiden Heiland », qui est une traduction très fidèle du texte latin d’Ambroise de Milan « Veni, Redemptor gentium ». Bach mettra ce cantique en musique 13fois (James Lyon, po.cit. p8). Ici, seules 2 strophes sont citées directement, la première et la dernière, la 8ème , respectivement dans le Chœur d’entrée et le Choral final. Les autres strophes sont commentées dans les 2 Arias et les 2 Récitatifs. Bach a employé la même manière pour un autre chant de Luther, « Gelobet seist du Jesu Christ », dans la cantate pour le 1er jour de Noël du même nom, BWV 91 : la première strophe et la 7ème et dernière sont citées textuellement au début et à la fin, et forment les deux parenthèses du Chœur et du Choral entre lesquelles le commentaire des 5 autres strophes est placé.

Le commentaire des strophes 2 à 7

        La 1ère Aria reprend la fin de la strophe 1 de Luther : « Dass sich wunder alle Welt – Que  s’étonne / qu’admire toute la terre » de cette naissance, dans le 1er vers . « Bewundert, o Menschen, dies grosse Geheimnis – Admirez, ô hommes, ce grand secret / mystère. »

        Dans la deuxième partie de cette première Aria sont reprises les strophes 2 et 3 de Luther. En voici le texte :

2. Nicht von Manns Blut noch von Fleisch,  
                             Non par le sang ou la chair d’un homme,
    Allein von dem Heilgen Geist      
                             Seulement du Saint-Esprit
    Ist Gotts Wort worden ein Mensch  
                             La parole de Dieu est devenue un homme
    Und blühet ein Frucht Weibs Fleisch.
                             Et un fruit de la chair d’une femme fleurit.

3. Der Jungfrau Leib schwanger ward,
                             Le corps de la vierge devint enceint,
    Doch blieb Keuschheit rein bewahrt,
                             Pourtant la chasteté fut gardée pure,
    Leucht’ hervor manch Tugend schön. 
                               Les nombreuses vertus brillent.
    Gott da war in seinem Thron. 
                             Dieu était dans son trône.

        La strophe 2 de Luther est résumée ainsi : le Christ qui naît est un trésor du ciel, comparable à la manne, qui tombe du ciel, dans Exode 16/14-15. L’idée est que le Christ vient chez les hommes par la seule action de Dieu, sans l’intervention de l’homme, dont elle n’est pas une production. De la même manière, le Christ vient dans Marie, sans l’intervention de l’homme.

        La strophe 3 de Luther prolonge la 2 et concerne aussi la naissance virginale du Christ : « Doch blieb Keuschheit rein bewahrt – pourtant la chasteté fut gardée pure », est résumé dans le dernier vers : « O Wunder ! die Keuschheit wird gar nicht befleckt – ô miracle ! la chasteté n’est pas du tout entachée. » 

        Il est intéressant que Bach commente ces deux strophes, car elles ont disparu de certains livres de cantiques déjà de son temps, surtout de ceux à tendance rationnaliste. Il en est de même au 19ème et au 20ème siècles : ni EKG 1951, ni RA 1952, ni EG 1995 ne donnent ces deux strophes. En revanche, au temps de Bach, on les trouvait dans beaucoup de livres. Par exemple : le livre de cantiques de Bâle de 1721, qui contient les 150 Psaumes réformés de Lobwasser, a un supplément de chants de fêtes luthériens, dont le « Nun komm; der Heiden Heiland » avec toutes ses strophes. Or Bâle était de tendance plutôt réformée.

Le 1er Récitatif reprend les strophes 4 et 5 de Luther, qui sont les suivantes :

4. Er ging aus der Kammer sein,  
                             Il sortit de sa chambre,
    Dem kön’glichen Saal so rein,
                             De l’aula / la salle royale si pure,
    Gott von Art und Mensch, ein Held; 
                               Par nature Dieu et homme
    Sein Weg er zu laufen eilt.   
                             Se hâte de prendre sa route.

5. Sein Lauf kam vom Vater her   
                             Sa marche est venue du Père
    Und kehrt wieder zum Vater,  
                             Et retourne vers le Père,
    Fuhr hinunter zu der Höll  
                             Descendit aux enfers
    Und wieder zu Gottes Stuhl.
                             Et revient au trône de Dieu.

        Bach ne conserve que la sortie du Fils, son combat de « Held – héros », le chemin qu’il entame. Mais il reprend directement du Psaume 19/6 la joie du héros, « mit Freudigkeit – avec joie », que Luther ne cite pas. De plus il ajoute « de Juda » à « héros », expression prise probablement d’Apocalypse 5/5, où le Christ est appelé « le lion de Juda ». Le retour du Fils auprès de Dieu n’est pas évoqué, seul son chemin d’aller est gardé, car la fête de Noël seule est visée. 

        La 2ème Aria développe le combat du héros de la strophe 4 de Luther, avec un langage martial, dans le premier vers. Mais dès le 2ème vers, on passe à la strophe 6 de Luther :

6. Der du bist dem Vater gleich, 
                             Toi qui es égal au Père,
    Führ hinaus den Sieg im Fleisch,  
                             Remporte la victoire dans la chair
    Dass dein ewig Gottsgewalt 
                             Afin que ton éternelle puissance divine
    In uns das krank Fleisch erhalt.
                             Maintienne en nous la chair malade.

        Cette strophe évoque la victoire du Christ dans la chair, qui donne à l’homme la force  de conserver sa chair le temps nécessaire de la vie qui lui permettra d’accéder au salut. L’Aria reprend fidèlement cette idée.

        Le 2ème Récitatif commente la 7e strophe de Luther :

7. Dein Krippen glänzt hell und klar,  
                             Ta crèche brille lumineuse et claire,
    Die Nacht gibt ein neu Licht dar.  
                           La nuit produit une lumière nouvelle.
    Dunkel muss nicht kommen drein,  
                             L’obscurité ne doit pas y pénétrer,
    Der Glaub bleibt immer im Schein.
                           La foi reste toujours dans l’éclat lumineux.

        Luther reste général et regarde la crèche de l’extérieur. Avec Bach, nous entrons dans l’étable et nous approchons de la crèche. Luther parle de l’obscurité de la nuit et du péché qui ne doit pas pénétrer dans la crèche, laquelle contient la source de lumière qu’est le Christ. Il s’agit d’une image de l’Eglise : elle est l’humble crèche de bois et de foin, dans laquelle on trouve le Christ, qui l’illumine de l’intérieur. L’obscurité du monde et du mal extérieur, qui entoure et menace l’Eglise, ne doit pas y entrer. Luther a repris fidèlement le texte de St Ambroise, ce qui montre l’ancienneté de cette image. Le texte de Bach déplace l’accent vers « nous » dans la crèche, et dit littéralement : « Die Dunkelheit verstört’(e) uns nicht und sahen dein unendlich Licht – L’obscurité ne nous a pas troublés, et nous avons vu ta lumière infinie. » Ici est rappelé le voyage des bergers dans la nuit et leur joie de rencontrer ce Christ « lumière infinie ».

        Le Choral final

        est la doxologie de Luther. Elle est caractérisées par la répétition de la formiule « Lob sei Gott dem… – louange soit à Dieu le… », suivi de chaque personne de la Trinité. Elle ferme la parenthèse ouverte par la 1ère strophe, à l’intérieur de laquelle se développe le commentaire des strophes internes du chant.

        Le plan de la cantate est :

1ère partie        2ème partie                      3ème partie

Chœur, str 1    1ère Aria,         str 2+3     Choral, str 8
                        1er Récitatif,   str 4+5     
                        2ème Aria,       str 6  
                        2ème Récitatif, str 7    

Sources :  1. Nun komm, der Heiden Heiland, Martin Lurther 1524
                      traduit de « Veni, Redelptor gentium » 
                      d’Ambroise de Milan 386 (333-397)

Bible :  pas de citation directe de la Bible au début de la cantate,
             ni dans son corps.
             Allusion à  Exode 16/14-15, la manne, 1ère Aria
                             Psaume 19/6, le héros sort joyeux de sa tente nuptiale
                             Apocalypse 5/5, le lion de Juda

Voix :   ( S ) Soprano, ( A ) Alto, ( T ) Ténor, ( B ) Basse

Livres de cantiques cités : 

EKG 1951  Evangelisches KirchenGesangbuch Ekd Evangelische
                    Kirche Deutschlands, Eglise Protestante d’Allemagne
RA 1952    Recueil de cantiques de la Confession d’Augsbourg d’Alsace
                    et de Lorraine
EG 1995   Evangelisches Gesangbuch, EKD Evangelische Kirche
                    Deutschlands, Eglise Protestante d’Allemagne

Structure poétique : la mention figurant entre parenthèse et en italique, après le titre des différentes pièces, indique : 1°  par le chiffre romain, le nombre de vers dans le poème : VI par exemple signifie 6vers. 2° les chiffres arabes indiquent le nombre de syllabes dans le vers. Par exemple : 8 signifie vers de huit syllabes, avec fin masculine ; 9f signifie vers de neuf syllabes, avec fin féminine

Références :  

Wustmann, J.S. Bachs Kantaten-texte  1982,   page 4
Neumann, Handbuch der Kantaten J.S. Bach   
                                   1947, page 60; 1970, page 62
Schmieder         ,   page
James Lyon, J.S. Bach, Chorals 2005,             page 8
Yves Kéler, Martin Luther 42 chants 2009,       page 82 

TEXTE de la Cantate

                                               Structure poétique
               1.  CHOEUR                 ( IV régulier )

Nun komm, der Heiden Heilaznd,    7
Der Jungfrauen Kind erkannt,         7
Dass sich wunder alle Welt:            7
Gott solch Geburt ihm bestellt.        7
 
    Viens, Rédempteur des païens,          
    Montre-toi, enfant divin,
    Que s’étonne l’univers                        
    De ta venue dans la chair !

                2.  1er ARIA         ( T )                               (V régulier )

Bewundert, o Menschen, dies grosse Geheimnis : vers libre   12f
Der höchste Beherrscher erscheinet der Welt.                       11
    Hier werden die Schätze des Himmels entdecket,              12f
    Hier wird uns ein göttliches Manna bestellt,                       11
    O Wunder! Die Keuschheit wird gar nicht beflecket.           12f

    O monde! Contemple l’immense mystère :    vers libre
    Le tout-puissant Maître sur terre apparaît.
       Ici les richesses du ciel se révèlent,
       Ici une manne divine est donnée.
       Miracle ! Marie reste chaste et pucelle.

               3.  1er RECITATIF        ( B )   ( VI irrégulier )

So geht aus Gottes Herrlichkeit und Thron         10
sein eingeborner Sohn.                                      6
Der Held aus Juda bricht herein,                         8
den Weg mit Freudigkeit zu laufen                     9f
und uns Gefallne zu erkaufen.                           9f
O heller Glanz, o wunderbarer Segensschein!     12

    En majesté donc, du trône divin
    le Fils unique vient.
    Le héros de Juda paraît,
    Entame son chemin et marche
    Pour sauver les pécheurs qu’il cherche.
    O clair éclat, ô bénédiction que ta paix !

               4.  2e ARIA         ( B )   ( V régulier )

Streite, siege, starker Held !                   7
Sei für uns im Fleische kräftig;                8
    Sei geschäftig,                                   4
    Das Vermögen in uns Schwachen        8f
    Stark zu machen.                              4f

    Frappe, gagne, bel héros !   
    En la chair, pour nous sois fort.
       Ton effort
       Veut donner à nos faiblesses
       De la force.

             5.  2e RECITATIF  Duo  ( S, A )  ( VI irrégulier )

Wir ehren diese Herrlichkeit                           8
und nahen uns zu deiner Krippen                   9f
und preisen dich mit erfreuten Lippen,           10f
was du uns zubereit;                                     6
die Dunkelheit verstört’ uns nicht                    8
und sahen dein unendlich Licht.                      8

   
               6.  CHORAL          ( IV régulier )

Lob sei Gott dem Vater gton,           7
Lob sei Gott, senm ein’gen Sohn,     7
Lob sei Gott, dem Heilgen Geist       7
Immer und in Ewigkeit.                   7

    « Gloire à Dieu Père » soit dit,
    Gloire à Dieu, l’Unique Fils
    Gloire à Dieu le Saint-Esprit,
    Dans les siècles infinis

                             Texte allemand : Wustmann, page 4
                             Trad. Française : Yves Kéler, Bischwiller, 11.12.2009