2006. 07 : VENDREDI SAINT

Crucifixion de Jésus

Vendredi 14 avril 2006

Hébreux 9/15.26b-28

(Traduction TOB)


(Série de Prédication IV (Predigtreihe IV) : nouvelles  épîtres )

Chers amis,

Nous nous retrouvons aujourd’hui, une fois de plus, au point de ralliement le plus insolite qui soit, aux yeux de beaucoup de nos contemporains : au pied de la croix de Golgotha. Car, pour eux, comme d’ailleurs déjà pour les spectateurs du premier vendredi saint, cette croix n’est que le signe de l’échec de Jésus de Nazareth, la preuve même, qu’il n’était pas – et qu’il ne peut pas être – le Sauveur promis. Car, disent-ils, Dieu n’aurait pas permis que sa vie et son œuvre se terminent de manière si tragique et si injuste. Pour le monde musulman la crucifixion de Jésus est également un scandale tel, que même dans le Coran Mahomet enseigne, que ce n’est pas Jésus qui est mort sur la croix, mais, que c’est un sosie qui a été crucifié à sa place. Et un jeune musulman, à qui un camarade de classe avait parlé de la crucifixion de Jésus, lui répondit : « Si Jésus est vraiment mort sur la croix, alors il ne peut pas être Fils de Dieu, comme vous prétendez, car, quel père digne de ce nom, tolérerait un pareil supplice pour son fils ! »

Bien sûr, pour nous qui sommes réunis ici, cette croix est l’endroit, où Jésus-Christ, notre Seigneur et Sauveur, a apporté le sacrifice de sa vie pour effacer notre péché, comme l’enseigne notre Eglise. Mais dans nos rangs aussi, chers amis, certaines expressions ou certaines affirmations liées à la crucifixion de Jésus, sont aujourd’hui considérées comme choquantes, sinon, complètement barbares. Comment voit-on aujourd’hui, par exemple, cette affirmation centrale de l’Epître aux Hébreux « le Christ fut offert (ou sacrifié), une fois pour toute, pour enlever les péchés de la multitude » ? Ou encore cette affirmation centrale de tout le Nouveau Testament (1 Jean 1, 7) : « Le sang de Jésus, le Fils de Dieu, nous purifie de tout péché » ! Cela ne veut-il pas dire que nous, aujourd’hui, nous sommes pardonnés et nous vivons, parce qu’il y a deux mille ans Jésus est mort pour nous ?

Pour les chrétiens d’origine juive, auxquels l’Epître aux Hébreux était adressée en premier lieu, ces expressions évoquaient un évènement bien précis qui avait lieu une fois chaque année au Temple de Jérusalem. C’était le Yom Kippour ou Jour du Grand Pardon. Ce jour-là, le grand prêtre ou Souverain Sacrificateur, comme on l’appelle aussi, pénétrait dans le « Lieu Très Saint » du temple. C’était l’endroit où était déposée l’Arche d’Alliance qui contenait les tables de la Loi, et qui représentait le trône de Dieu. Le grand prêtre, comme médiateur entre le peuple d’Israël et Dieu, y pénétrait en portant le sang d’un taureau pur et sans tache. Lors du sacrifice de ce taureau il devait, comme représentant de tout le peuple, poser sa main sur la tête de l’animal pour montrer : c’est moi et tout le peuple, qui devrions être à la place de cette victime. C’est nous qui avons mérité cette mort, comme châtiment pour nos péchés. Derrière tout ce rite du Jour du Grand Pardon il y a la conviction profonde : la relation entre nous et Dieu est perturbée par le péché ; et pour la rétablir, il faut que cet obstacle soit enlevé ; il faut que le péché soit pardonné.

Mais voilà, que le Nouveau Testament et notamment l’Epître aux Hébreux proclament, que Jésus-Christ est le médiateur d’une nouvelle alliance ; de l’alliance, dans laquelle Jésus est à la fois le grand prêtre et la victime sacrifiée. En acceptant la mort sur la croix, il s’offre lui-même en sacrifice, pour enlever une fois pour toutes l’obstacle du péché entre nous et Dieu. L’innocent accepte le châtiment et la mort, afin que le coupable – oui, afin que le pécheur vive.

Ainsi le vendredi saint nous révèle toujours à nouveau deux choses essentielles pour notre vie et notre existence : l’une qui nous plongerait dans une frayeur mortelle, si l’autre ne nous tendait pas la planche du salut.

La première révélation, c’est la réalité de notre péché. Oui, ce péché que nous voudrions toujours prendre à la légère et minimiser, en considérant la « notion de péché » comme la survivance d’une époque moralisatrice, démodée et révolue. En nous révélant qu’il a fallu le sacrifice de Jésus-Christ sur la croix pour abolir le péché, le vendredi saint nous oblige à nous examiner sérieusement avec toute notre époque. L’homme n’est-il pas aujourd’hui un loup pour l’homme, au moins autant que dans le passé ? L’appât du gain et les intérêts économiques aujourd’hui absolument déterminants dans les rapports entre les hommes et les pays, ne provoquent-ils pas des horreurs et des « laissés pour compte » pires que les guerres d’antan ? Et pourtant cet égoïsme général et ce comportement irresponsable des uns envers les autres et de tous envers la nature et la création, ne sont que les odieuses conséquences de ce qui s’appelle, en réalité « le péché », c’est-à-dire le manque – si ce n’est le refus – de l’amour et du respect envers Dieu et nos semblables. Le péché, c’est tout ce qui, dans nos attitudes et nos comportements recèle un germe d’indifférence, de jalousie, de haine et de mort.

Mais le vendredi saint nous rappelle aussi toujours à nouveau quelque chose d’absolument inouïe à propos de Dieu et des hommes. Et cette chose absolument neuve et inouïe fait justement que l’Evangile soit la « bonne nouvelle ». La plupart des religions, y compris celle de l’Ancien Testament, exigent de l’homme des sacrifices pour obtenir la réconciliation avec Dieu. Dans l’Evangile c’est l’inverse : c’est Dieu qui nous propose la réconciliation par le sacrifice de Jésus-Christ et sa mort sur la croix. Et l’apôtre Paul nous le précise dans sa deuxième lettre aux Corinthiens (2 Cor. 5,19) « c’était Dieu qui en Christ réconciliait le monde avec lui-même ». Dieu a fait le premier pas, parce que lui, il n’a jamais cessé de nous aimer. Voilà ce que nous révèle aussi la mort de Jésus-Christ sur la croix du Golgotha, comme le résume le mot d’ordre pour ce jour de vendredi saint : « Dieu a tellement aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique afin que chacun qui croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. » Et, dans son amour il nous redonnera aussi toujours à nouveau, la force d’aimer. Amen.

            Martin DEUTSCH, pasteur