2005. 02 : dim REMINISCERE, 2ème dans le Carême

Le Christ livré aux hommes

Dimanche 20 février 2005

Matthieu 12, 38-42

(Série de Prédication III (Predigtreihe III) : nouveaux évangiles)

Note du rédacteur. Certaines traductions de la Bible parlent de la demande d’un « miracle ». Le texte grec parle d’un « sèméïon », c’est-à-dire d’un « signe ». Le signe peut avoir de multiples sens : un signe de vie, un signe de présence, un signe donné à voir comme preuve, un signe qui indique un chemin à suivre. Quelle que soit la traduction de la Bible dont usera le prédicateur, il est important de dire « signe » et non « miracle » pour être fidèle au sens du texte, d’autant plus que les scribes et les Pharisiens qui réclament un « signe » validant l’autorité de Jésus  viennent justement de voir un « miracle » de Jésus, à savoir la guérison d’un homme aveugle et muet (12,22) ! Cette demande d’un « signe » est évoquée deux fois dans l’évangile de Matthieu (ici et au chap.16) : elle est faite par les scribes (= les spécialistes des Ecritures et de l’enseignement religieux), les Pharisiens (= les spécialistes des prescriptions, des interdits et des obligations de la religion) et  au chap.16 par  les Sadducéens (les tenants de l’ordre socio-politico-religieux conservateur  centré sur l’autorité du Temple et du grand-prêtre). Même s’il y a des divergences entre eux, mis ensemble ils représentent ceux qui sont convaincus d’être les gardiens de la « vraie religion » et qui ne pourront changer d’opinion qu’au jour où il ne leur sera plus possible de faire autrement que d’évoluer. Y a-t-il une grande différence entre eux et nous ? Il faut aussi noter qu’ ici (comme dans le parallèle de Luc 11,29-32) le « signe de Jonas » renvoie d’une part à l’effet inattendu de la prédication de Jonas et d’autre part encore à son engloutissement dans le ventre du monstre marin : Jésus tente de faire voir à ses contradicteurs d’une part la visée de sa prédication à lui, prédication « non conforme » à leur religion à eux, et d’autre part la dimension « d’abaissement » de sa démarche qui aboutira à sa mort, contrairement à leur attente d’un Messie glorieux. Mais le texte biblique n’évoque pas explicitement le parallèle entre le « vomissement de Jonas » sur la plage par le monstre marin et la résurrection de Jésus ; et pourtant c’est l’interprétation couramment faite de ce passage, probablement à partir de l’évocation des « trois jours » !

I
« Maître, fais-nous voir un signe ! »  La demande des scribes et Pharisiens à Jésus n’est ni nouvelle ni extraordinaire. Avant eux, d’autres déjà, ont si souvent demandé à Dieu de manifester sa présence, de montrer sa puissance, de démontrer sa supériorité sur les autres dieux, ou encore de vaincre les ennemis de son peuple ! Et après eux bien d’autres encore n’ont cessé de demander la même chose à Dieu…Et qui d’entre nous n’a jamais été tenté par cette question ? Quand scribes et Pharisiens lui demandent un signe, Jésus n’entre même pas en discussion avec eux, il ne cherche même pas à savoir quel genre de signe pourrait éventuellement les convaincre. D’emblée il leur adresse un refus clair et net ! D’emblée il met en cause leur bonne foi : « Génération mauvaise et adultère qui réclame un signe !… » En fait, il ne leur refuse pas un signe, mais au lieu de leur en donner un nouveau il les renvoie à un signe qu’ils devraient bien connaître, puisqu’ils sont les spécialistes des Ecritures : le signe de Jonas !  « En fait de signe, il n’en sera pas donné d’autre à cette génération que le signe du prophète Jonas. » Des signes leur ont déjà été donnés : à eux de les discerner et interpréter pour y voir et entendre la Parole de Dieu !

II
Jonas, un petit prophète, dont l’histoire mérite le détour. Dieu l’envoie à Ninive, la capitale d’un peuple qui ne pense qu’à faire la guerre. Dieu l’envoie là-bas pour appeler les Ninivites à se repentir de leur violence et devenir un peuple pacifique. Estimant la mission insensée et impossible, Jonas s’enfuit par la mer, mais le bateau où il a embarqué est pris dans la tempête et va droit au naufrage. L’équipage accuse Jonas d’être la cause de la colère des divinités marines et le jette par-dessus bord pour apaiser leur fureur. Un monstre marin avale Jonas et le rejette sur le rivage trois jours plus tard. Comprenant qu’il ne peut échapper à Dieu, Jonas se rend alors à Ninive et y proclame l’avertissement de Dieu : « Dans quarante jours la ville sera détruite ! » –  A la grande stupeur de Jonas, les Ninivites entendent l’avertissement, font pénitence et sont épargnés par Dieu. Voyant cela, Jonas, qui n’avait rempli sa mission qu’à contrecoeur, est choqué par la miséricorde de Dieu. Il s’en va bouder dans un coin, à l’ombre d’un arbuste. Mais un ver s’attaque aux racines de l’arbuste qui devient tout sec. Privé de son ombre et chagriné par la mort de l’arbuste, Jonas se plaint et râle contre Dieu qui lui répond : « Toi, tu as pitié de cette plante… et tu voudrais que moi, je n’aie pas pitié de Ninive, la grande ville, où il y a plus de cent vingt mille êtres humains qui ignorent ce qui est bon pour eux ? » –  

L’évangéliste Matthieu aime évoquer les récits de l’Ancien Testament  pour faire voir à ses lecteurs le sens de la vie et de la mission de Jésus. Et justement, Jésus accomplit ce qui était préfiguré par Jonas. L’histoire étonnante de Jonas avalé puis rejeté par le monstre marin trouve sa réalisation et son accomplissement dans la mort et la résurrection de Jésus : « Car tout comme Jonas a passé dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’Homme passera dans le ventre de la terre trois jours et trois nuits. »  De même, la repentance et la conversion des Ninivites en réponse à la prédication de Jonas annonce l’accueil de l’Evangile de Jésus-Christ parmi toutes les nations de la terre. Tout comme le projet de Dieu d’envoyer son prophète Jonas chez les abominables Ninivites préfigure l’annonce du salut par la grâce pour tout homme, y compris le pire des pécheurs !

III
Mais, les scribes et les Pharisiens dont il est question dans notre récit, ne connaissaient pas encore la fin de l’histoire : ils ne pouvaient pas faire le joint entre Jonas dans le ventre du monstre marin et Jésus dans la tombe ! Alors, ce jour-là, pouvaient-ils entendre dans l’évocation du « signe de Jonas » autre chose qu’une parole énigmatique ou une menace en lien avec le Jugement Dernier ? Bien sûr, pour eux comme pour tous ceux qu avaient lu et médité l’histoire de Jonas avant eux, le « signe de Jonas » pouvait leur rappeler que Dieu agit souvent d’une manière inattendue, toute autre que celle souhaitée par les bons croyants. Le « signe de Jonas » aurait pu, ce jour-là déjà, ouvrir les yeux et les cœurs de ceux qui, au nom de leur conception de la religion, refusaient de voir en Jésus l’envoyé de Dieu ! Ainsi l’accueil de l’action de Dieu par un homme dépend de l’ouverture du cœur. Et le reproche fait aux scribes et aux Pharisiens est une mise en garde contre notre exigence de réclamer à Dieu  toujours plus de signes ou de preuves, de lui reprocher ce qui ne va pas dans le monde, sans être prêts, souvent, à nous remettre nous-mêmes en cause, et à laisser toucher notre cœur.
La façon dont un témoignage est accueilli est aussi importante que le contenu même de ce témoignage. Il s’agit de savoir si notre cœur est ouvert pour entendre ce témoignage, et si nous sommes prêts à nous laisser transformer par lui. Jésus le souligne en parlant encore de Jonas : « Les habitants de Ninive ont changé de comportement en entendant prêcher Jonas ! »   Ils n’ont pas fermé leurs oreilles, ni leur cœur ni leur conscience. « Et, dit Jésus, il y a ici plus que Jonas ! »  C’est la mauvaise foi de ses auditeurs qui leur fait refuser la prédication de l’Evangile. Et ne confondons pas mauvaise foi et esprit critique : si les scribes et les Pharisiens avaient examiné les paroles et les actes de Jésus à la loupe, avec le même esprit scrupuleux qui leur faisait toujours couper les cheveux en quatre, ils se seraient quand même posé de bonnes questions au sujet de Jésus ! Mais, même un signe éclatant de plus  n’y changerait rien : ce n’est pas l’absence de signe qui fait problème, c’est eux mêmes !  Et Jésus ajoute à l’exemple de Jonas celui de la reine de Saba, venue du bout du monde pour écouter les enseignements de sagesse de Salomon, le grand roi d’Israël : « Et ici, il y a plus que Salomon ! »  Ainsi des païens sont donnés en exemple aux scribes et aux Pharisiens, à ceux qui étaient convaincus d’être de bons croyants !

Nous aussi, nous aimerions parfois avoir un Christ plus triomphant, plus convaincant, qui réduirait à néant les objections et les refus de croire, un Christ qui « obligerait » les gens à croire ! Mais ce n’est pas ainsi que Jésus pousse les gens à la foi. Croire en Jésus n’est pas évident, mais cela change la vie de celles et ceux qui font ce pas. Croire en Jésus touche au sens de notre vie et de notre mort. Croire cela, engage notre liberté et nos choix. Jésus est, en quelque sorte, « livré » à notre bon vouloir ! Il est « livré » à l’esprit critique des humains, et encore plus à leur mauvaise foi éventuelle. « Maître, fais-nous voir un signe… et nous croirons peut-être en toi ! »

IV
En Jésus, « Dieu avec nous », une réalité nouvelle prend corps dans notre monde. Pourtant, Jésus n’instaure pas une nouvelle puissance terrestre parmi les nations, mais le Royaume des cieux, le Royaume de Dieu. Un Royaume qui touche et transforme les cœurs. Un Royaume qui croît invisiblement dans le champ du monde. Un Royaume qui fait jaillir au plus intime de chaque être humain la petite étincelle appelée à devenir un grand feu. Un Royaume qui plante au cœur de l’homme la minuscule semence d’où jaillira un grand arbre, pourvu qu’elle trouve un sol où elle puisse germer et donner du fruit. Jésus a ouvert une brèche pour que l’Esprit de Dieu vienne transformer la vie des humains et renouveler la face de la terre. Et nous sommes toutes et tous appelés à devenir citoyens actifs de ce Royaume. L’offre nous est faite, à nous de la saisir. Le signe nous en est donné, à nous de le voir et de le déchiffrer. AMEN.

                            Marc WEISS
                            Pasteur au CHU Strasbourg-Hautepierre

Les autres lectures du jour :
Psaume 10 ou Psaume 25, 6-14 : le croyant supplie Dieu de se manifester à nouveau en sa faveur.
Esaïe 5, 1-7 : Dieu, déçu par sa vigne, va donner des signes de sa déception.
Romains 5, 1-5 : Dieu nous donne son esprit pour nous signifier son amour.
Marc 12, 1-12 :   la parabole des méchants vignerons, signe de la déception de Dieu.

Propositions de chants :
ARC 627 = NCTC 272 : « O mon Père, ma prière… » (en entrée) ;
ARC 405 = NCTC 300 : « Mon Dieu, mon Père… » (après les lectures) ;
ARC 408 : « Ouvre mes yeux… » (après la prédication) ;
NCTC 283 : « C’est toi Jésus… » (après la prédication) ;
ARC 883 = NCTC 391 : « Sur le chemin… » (en conclusion).

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.

Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).