Dimanche 5 avril 2009
L’homme de douleur
Jean 12, 12-19
Pâques est l’une des 3 fêtes annuelles, qui fait ressembler Jérusalem à l’une de nos villes balnéaires, à bien des égards : comptant 10.000 habitants environ, en temps ordinaires, 100.000 pèlerins, juifs venus de tous les horizons, étaient attendus, et ce, 3 fois l’an, sans que cela n’ait jamais posé de problèmes notoires.
L’hôtellerie et l’intendance fonctionnaient, en effet, à merveille : L’ardeur au travail manifestée par les autochtones dans la gestion matérielle des 3 fêtes annuelles, générait en eux un sens aigu de la part de responsabilité qui leur incombait. Bien sur, d’une année sur l’autre, on savait à quoi s’attendre ; la fête se développait selon une liturgie et des rites établis depuis des centaines d’années. La routine liturgique parfaitement rodée comme seule garantie de la présence divine ?
Nous savons, en effet que Jésus Fils de Dieu a visité au moins à trois reprises Jérusalem lors de la Pâque. Il est écrit que lors de sa première montée, il y fit sa confirmation, et le récit de la troisième visite nous relate son entrée triomphale qui suscita le chamboulement sans précédent que nous savons :
Un tel événement aura eu, inévitablement, des répercutions non seulement au plan de l’organisation, mais aussi, quant à un sens nouveau qui viendrait se surajouter au sens premier et l’enrichir : c’est ainsi que le thème de la libération de l’Égypte par Moïse sera, pour certains, le fondement d’une piété centrée sur le Christ, comme étant le chemin, la Vérité et la vie.
Pourtant, si la réussite de la fête requiert de chacun des Juifs Jérusalémites, l’ardeur, la bonne volonté dont il est capable, il est un autre aspect des festivités qui ne peut être initié et mis en exergue que par Dieu seul, à savoir dans l’avènement inattendu de Jésus s’avançant entouré d’une foule bigarrée
Notre texte de prédication traite l’entrée solennelle de Jésus à Jérusalem, affublé des éléments liturgiques, qui le font pressentir comme étant le roi messianique.
« Ah ! ‑se disent certains pèlerins‑ enfin est arrivé celui, dont nous proclamions la venue depuis si longtemps ! » Je dis bien « certains » à savoir, parmi ceux qui venaient de voir Jésus à l’oeuvre lors de la résurrection de Lazare, et qui l’avaient suivi jusqu’à Jérusalem.
D’autres avaient pour seul souci de veiller à ce qu’un bouleversement de cette nature n’en vienne à gâcher le programme préétabli : ils se tenaient, là, parmi la foule et n’avaient qu’une crainte, à savoir, que l’annonce de ce miracle avec Lazare ne vienne chambouler tout le reste : « pourvu que le doigt de Dieu en acte ne vienne interférer dans un programme pourtant tenu pour inamovible pour « parfait » !
Mais il est une troisième catégorie, celle des religieux qui cultivait la haine de leur coreligionnaire Jésus, qu’ils font suivre afin de pouvoir l’arrêter au moment opportun qui n’arrivera que 5 jours plus tard !!! eh ! Oui, lesprêtres et autres gardes du Temple, qui voient en Jésus un concurrent, devront agir avec précaution et prudence s’ils veulent parvenir à mettre la main sur lui….
ON aura d’ailleurs beau fait de stigmatiser les tergiversations de la foule, comme si c’était elle qui, la première, avait collaboré avec les autorités du temple. Au contraire, lors de son entrée triomphale, beaucoup n’étaient animés que d’un seul désir, à savoir, se presser autour de Jésus, à l’instar d’une vedette ou d’une star dont on s’empresse d’obtenir un autographe. Quoi qu’il en soit, Jésus se voyait entouré d’une barrière humaine quasi infranchissable pour les gardiens du Temple !
Arrêtons-nous quelques instants et faisons le point. Quels sont encore les catégories sociales et autres groupes impliqués dans la suite du récit : il y a les Romains, qui essayent, tant bien que mal, de se situer en marge des événements. Leur souci est uniquement de veiller à ce que l’« ordre militaire » soit maintenu. Mais ils sont là, et c’est bien eux qui, sans conviction aucune, cloueront Jésus sur la croix, intimidés par les mises en garde du Grand-Prêtre à l’endroit de Pilate, qu’il accuse de ne pas prendre au sérieux Jésus présenté comme un fomenteur de troubles et visant à saper l’autorité de Rome en Palestine.
Les juifs hostiles à Jésus regroupent tout le personnel du Temple, avec, à leur tête, le Grand Prêtre, devenu le seul personnage officiel juif reconnu par Rome. Les juifs favorables à Jésus formant plusieurs sous-groupes à classer selon leur degré de proximité de Jésus : les disciples pour qui Jésus était le maître qu’ils suivaient partout.
Les juifs « routiniers » qui placent l’organisation de l’accueil de Jésus au-dessus de l’apport de son message (cf. Marthe et Marie.)
Ce qui m’a frappé, en relisant ce passage biblique chez Jean, c’est la constitution progressive, autour de Jésus, d’une espèce de cercle d’hommes et de femmes les plus divers quant à leur foi, leur nationalité respective, leur « Weltanschauung » leur spiritualité, leur degré de tolérance, etc…
Pour chacun d’entre eux, Jésus est important, indispensable… Jésus aura encore à faire, de plus en plus, une foule bariolée, travaillée par le levain de la Parole en acte, qui, du sein de la foule, suscitera des individualités uniques et responsables Tout cela sera inscrit au programme après Pâques.
Or que représente la compassion ? C’est la capacité de supporter toute croix jusqu’à la mort… et puis c’est tout ? C’est, du moins, ce qu’en percevaient de Jésus, ses opposants, intolérants, jugeant ce qui se passe à la surface des choses, sans chercher à approfondir. Être compatissant, c’est apprendre, jour après jour, devenir comme un véritable disciple, à savoir quelqu’un qui intrinsèquement n’est pas meilleur qu’un autre quand il s’agit de se défendre soit même ou Jésus ! Souvenons-nous du comportement lâche des disciples, surtout celui de Pierre (à venir dans le récit de la Passion). Nous non plus, en tant que chrétiens, ne sommes meilleurs que d’autres (Martin Luther avait écrit que ce qui caractérise le chrétien, c’est sa capacité à mendier, à mendier le pain de vie
SURTOUT NE CESSE PAS DE MENDIER puisque tu ne peux rien faire d’autre pour ton salut ! Surtout, à l’instar d’un mendiant, ne cesse pas de diriger ton regard dans la seule direction bénéfique d’où viendra ton secours ! Ne te rejette pas toi-même quand certains, voire beaucoup, te déclareraient indigne de te prévaloir du nom du Seigneur, parce que tu ne cultives pas le culte du stress ni celui de la « Ordnung » germanique !!! Surtout, dis-toi bien que ces personnes, respectables par ailleurs, ont tendance de se servir de leur travail, de leurs bonnes oeuvres afin de s’en prévaloir devant Dieu le moment est venu ! c’est là qu’ils font fausse route. Mais toi veille sur toi-même.
Mais enfin, dans quel but s’acharnerait-on et dépenserait-on tellement d’énergie, sinon pour cacher un vide intérieur, une incapacité de communiquer. C’est ainsi que fulminer contre celui que l’on tient pour paresseux devient un exutoire incontournable pour masquer le manque de courage à communiquer et de rencontrer des prochains. Nous aussi, lecteurs de la Bible du 21e siècle, ne nous laissons pas prendre au piège de ce qui est EVIDENT, et acclamons de tout notre coeur la venue du Seigneur entrant à Jérusalem !!!
Pourtant, 6 jours plus tard, quelle sera l’EVIDENCE ? Le roi couronné d’épines ! alors, vous savez, évidence pour évidence, c’est vers une évidence nouvelle que nous devons nous tourner et nous mettre en route Et ! Nous aussi, puissions-nous vivre quelque chose qui nous mette en route et qui soit de l’ordre du dépassement de nous-mêmes.
Amen.
Christian Matter
PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL
Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.
Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.
A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.
Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).