2013 . 07 : ASCENSION

Jeudi 9 mai 2013

Ascension

Jean 17, 20-26

Introduction :

Pour que Jean 17 insiste tellement sur l’unité, c’est qu’elle a été gravement menacée. Retour sur les « bagarres » qui divisent l’Eglise parce que l’Eglise ne doit pas éviter les conflits mais se perfectionner vers l’Unité :
–    Le conflit entre le groupe chrétien et le groupe pharisien à l’intérieur du Judaïsme,
–    Le conflit entre chrétiens juifs qui acceptent les croyants « païens » et ceux qui ne les acceptent pas,
–    Autour de 100, les chrétiens se confrontent au « monde romain » à travers l’évangélisation,
–    Ces conflits extérieurs ont entraîné des conflits à l’intérieur de l’Eglise : rivalité de personnes, conflit de générations, hérésies, débordements spirituels, conflits entre communautés. Que se soit Antioche, Ephèse, Alexandrie ou Rome, chacune se réclame d’un autre apôtre et chacune espère devenir prééminente sur l’ensemble de l’Eglise…
–    Nous sommes des héritiers issus de cette longue querelle (et surtout de la dernière)…Il faut en tenir compte !

Remarques:

Cette prière dite « sacerdotale » est devenue souvent la « tarte à la crème » de toutes les réunions œcuméniques. Cela devient alors un pieux blabla qui doit couvrir miraculeusement nos divergences. Tandis que nous lisons : « Qu’ils soient un ! » nous pensons souvent : « Qu’ils soient réunis à nous ! Qu’ils nous rejoignent ! ». Nous ferions mieux de nous occuper de ce qui nous divise encore ! De plus, le premier œcuménisme de ce texte c’est celui qui doit unir les générations (l’intergénérationnel) ! Comme l’Eglise commence avec deux ou trois réunis, c’est-à-dire l’état presque actuel de nos effectifs du dimanche, l’unité se construit avec deux ou trois proches, mais qui se repoussaient, s’ignoraient, ou s’asseyaient côte à côte sans même se regarder ! L’unité commence dans nos clochers !
Prédication Chers sœurs et frères en Christ,

Chut ! Le moment est solennel ! C’est la Grande prière, l’ultime instant…Mais déjà Jésus semble parti, ailleurs. Cette fois il ne s’adresse plus à ses disciples mais au Père. Il parle de ses apôtres, anciens et surtout futurs à la troisième personne, comme on parle lorsqu’on s’absente pour un grand voyage. Jésus se projette déjà vers l’avant. A quelques heures de sa mort, il ne semble guère préoccupé de son sort, mais de ceux qu’il laisse derrière lui. Au lieu de ressasser sa vie, Jésus parle au futur. L’habitude veut que les mourants cherchent à resserrer les liens. On demande aux siens de respecter ses dernières volontés pour que l’œuvre survive. On aimerait que tout reste en l’état. Surtout ne rien changer ! Or, la dernière volonté de Jésus est un pari sur l’avenir. Il ne veut en aucun cas sauvegarder l’unité d’un patrimoine qui se transformerait en musée. Il ne donne aucune consigne pour que soit évitée la dispersion de l’héritage. L’unité que Jésus prie n’est pas figée, c’est un risque, une marque de confiance… Pour lui, en effet, seul l’amour peut sauver de la mort. Et l’amour, comme sa mort pour rassembler son peuple, ouvre des brèches !
Unité et réciprocité

Dans cette prière n’est-il pas souligné que le « monde » reconnaîtra les disciples de Jésus à l’amour qu’ils auront les uns pour les autres ? Cet amour n’a pourtant rien de doctrinal ni d’intellectuel, c’est l’accomplissement du commandement d’un amour réciproque. Seul ce témoignage entraînera l’adhésion du monde. L’unité parfaite est construite sur le modèle de la relation de Jésus et du Père qui devrait déteindre sur la communauté. Il existe une chanson qui avait donné un tube dans les années 80 : « Toi !Toi ! mon toi(t) ! Toi !Toi ! Tout mon toi(t) ! Elle ressemble à cet échange entre Jésus et le Père qui pourrait presque sonner comme un rap : « moi en Toi/ Toi en moi/moi en eux/eux en Toi ? C’est la fin qui est essentielle ! La prière de Jésus présente au Père son désir que leur amour réciproque soit donné en partage à ceux qu’il aime. Un amour qui ne retient rien pour lui, mais qui veut tout partager ! Ainsi toute spiritualité ou foi fondée sur le seul épanouissement personnel, sur la maîtrise de soi, ou l’extinction de tout désir, s’inscrit en faux contre ce témoignage. Seul l’amour, comme un mouvement de don de soi désirant et entraînant la réciprocité, construit l’unité entre croyants voulue par Jésus. Le partage et le don de soi sont le signe original de la communion désirée par Jésus.

La prière de Jésus au Père : Un corps-à-corps et/ou cœur-à-cœur ?

Le style et le ton de la prière de Jésus sont nouveaux et originaux. Il y a dans ces quelques lignes une grande liberté, de l’audace et une passion incroyable. On pourrait dire que cette prière vient de l’intérieur, des tripes ; c’est donc bien un engagement intégral qui comprend le corps de Jésus. C’est surtout la manifestation d’un vibrant cœur-à-cœur, une manière très intime de se dévoiler. Jésus est « à tu et à toi », sans oublier eux –c’est-à-dire nous- avec le Père. Dans ces mots nulle trace de soumission ou de crainte voire de formules de politesses mielleuses. C’est du direct ! Jésus sait ce qu’il veut et pourquoi il le veut ! Et il a l’intention de l’obtenir ! C’est une prière passionnelle – c’est bien la perspective de sa mort – et non fusionnelle. Jésus et le Père ont un projet commun, une aspiration commune : faire connaître et partager à tous ceux qui le désirent leur relation d’amour. L’amour est la rencontre de deux désirs, qui aboutit à une communion. Pas de prière sans le moteur du désir et pas d’amour sans prière ! L’urgence pour Jean, et pour nous aujourd’hui, est bien d’apprendre ensemble à prier et à aimer dans le style de cette relation Jésus=Père. Cet authentique cœur-à cœur n’est-il pas une recherche difficile et passionnée d’une communion avec l’autre dans ce qui nous tient tous « à cœur » ? L’expression ô combien connue : « l’essentiel est invisible pour les yeux : on ne voit bien qu’avec le cœur » n’est que trop vraie dans notre vie spirituelle. Pourrait-elle contribuer à réaliser ce vœux exprimé par Jésus : « Que tous soient un…qu’ils soient unis à nous… ?

Les « saintes » familles ont des « histoires »

Au début les célébrations œcuméniques marchaient fort ! Sur les Eglises soufflait un vent de libération ! Aujourd’hui ce genre de manifestation ne fait plus vraiment recette. Les uns trouvent le changement trop radical, ils ont peur de perdre leur identité…Les autres disent que les choses n’évoluent pas assez vite ; ils en ont marre d’attendre ! Et puis chacun a une autre idée de l’unité ! Pour certains il faut que l’Eglise majoritaire réintègre dans son giron l’Eglise minoritaire ! D’autres minoritaires ne veulent rien savoir ! Ils veulent simplement être acceptés tels qu’ils sont ! Finalement le Nouveau Testament n’est-il pas le reflet d’une diversité dès les origines tel que cela justifie la pluralité de nos confessions ? Peut-être que nous devrions aussi songer au premier œcuménisme ? C’est ici et maintenant, celui qui doit « unir les générations », ceux qui vont venir et croire en Lui… Et là, en avons-nous fait une priorité ? Il est certes plus facile d’avoir une unité de prière avec les Zoulous qu’avec les plus jeunes (qui nous le rendent bien) de notre communauté. Sans oublier que souvent nous tenons les moins jeunes pour de vieilles « cloches »… Avant de regarder trop loin, regardons à nos propres clochers… D’ailleurs l’unité n’est pas impasse. Elle n’est pas uniformité. Elle est ouverture, mouvement vers l’autre, un espace ou chacun va pouvoir être enfin lui, épanoui, sans se sentir jugé, rogné, ni même plaint ! Chacun trouve sa place et l’occupe vraiment. Pas voir une seule tête comme des sardines dans une boîte, mais libre au large dans une certaine anarchie…

Jésus, au soir de sa vie prie pour que ses amis soient uns ! C’est la plus longue prière du Nouveau Testament ; tout un chapitre dans Jean. Et si c’était si long c’est peut-être parce que c’est long de faire l’unité des chrétiens divisés. La famille que Jésus quitte n’est pas une bande de potes, ni des membres liés par le sang, c’est une famille de Dieu. Et quand Dieu s’en mêle, des histoires de familles, il fait tout pour que cela dure ! Depuis 2000 ans, cette famille se chamaille, se sépare, se parle, se lamente et se réjouit ! Cette unité proposée par Jésus est disposée dans notre cœur, elle est une dynamique, une marche vers un même but…C’est un mouvement « vers-l’unité ».

Et malgré ce que nous pensons peut-être, la prière de Jésus a été déjà largement exaucée, mais pas complètement ! Il faut continuer à prier ensemble pour ceux qui croiront et adhéreront grâce au message, délivré par les messagers dans la joie. Message livré entre nos mains pour le meilleur comme pour le pire. Mais c’est cela le plus incroyable parce que Jésus s’en remet totalement aux siens, c’est-à-dire à nous aussi ! Chaque messager est à la fois responsable et co-responsable. Chaque messager est unique, indispensable, mais le message ne vient que d’une seule source, la même ! Les messagers ne doivent pas avoir le même style, mais il est bon qu’ils se ressourcent au même endroit. Car enfin Dieu le Père n’est vraiment accessible qu’à cause du Fils et par lui. Du moins c’est Jean qui l’a dit ! Et c’est cela qui fait notre unité ! Amen.

Frédéric Gangloff, Lingolsheim

Propositions de cantiques :

All 21/19 (Arc 214), 1-3
All 36/08 (Arc 528), 1-2
All 36/18 (Arc 529), 1-3
All 36/24 (Arc 530), 1-4

Prière d’intercession :

Dieu de toute grâce, tu as créé les peuples de la terre et parmi toutes les nations tu as choisi ton peuple. Nous te rendons grâce, car tu nous as appelés nous aussi et tu nous as incorporés dans ton plan qui veut surmonter les divisions, réconcilier les ennemis et réintégrer les marginalisés.

Dieu, tu veux que nous soyons un, c’est pourquoi nous te rendons grâce pour l’unité des Eglises constituée. Nous t’en prions, fortifie notre unité et affermis notre foi en ta miséricorde.

Nous te prions pour les Eglises et communautés encore repliées sur elles-mêmes. Qu’elles trouvent des chemins possibles vers l’unité dans la diversité réconciliée, un signe d’espérance dans notre monde déchiré.

Dieu, tu sais qu’il subsiste encore beaucoup de ressentiment entre les peuples. Préserve-nous de la tentation de baisser les bras devant notre mission et de renoncer à persévérer dans la prière et le travail pour la paix.

Rends tous les éducateurs aptes à transmettre les valeurs de la vie et à s’exercer au bon équilibre entre les limites et les libertés. Fortifie tous ceux qui s’occupent des malades et des indigents, et ouvre leur cœur à la détresse des autres.

Dieu de miséricorde, protège le bonheur des couples, préserve l’insouciance de la jeunesse et maintiens-nous fermement dans l’assurance de ton amour. Amen.

(texte élaboré par la communion ecclésiale de Leuenberg)