A LA BALEINE D’ASCALON – Im schwarzen Walfisch zu Askalon

A LA BALEINE D’ASCALON
      Im schwarzen Walfisch zu Askalon

1. A la « Baleine » d’Ascalon,
    Jonas a bu trois jours.           
    Il gisait, rond comme un ballon,
    Ronflant, le sommeil lourd.

2. A la « Baleine » d’Ascalon,
    L’aubergiste cria :
    « Il m’engloutit mon ratafia :
    Qui va payer tout ça ? »

3. A la « Baleine » d’Ascalon,
    La troupe des serveurs
    Présente, en cunéiformes,
    Six plaques au noceur.
   
4. A la « Baleine » d’Ascalon,
    Le buveur dit tout haut :
    «  Malheur ! j’ai bu tout mon argent
    A Ninive à « l’Agneau ! »
       
5. A la « Baleine » d’Ascalon,
    L’horloge sonne cinq.
    On jette à la rue le client
    Par le videur nubien.

6. « A la Baleine d’Ascalon,
    Même un prophète paie !
    Qui veut bien vivre et boire un coup,
    Doit laisser sa monnaie ! »
       
(7. *A la « Baleine » d’Ascalon,
    Le grand noir fait rentrer
    Repentant et assoiffé,
    Le client qui veut payer.) 

* La dernière strophe a été ajoutée

         Texte      Im schwarzen Walfisch zu Askalon
                        Scheffel Joseph Victor (1854)
                        Dans : Ercks deutscher Liederschatz
                        C.F. PETERS Verlag , Leipzig
                        après 1883, d’après la page 249
                        fr. : Yves Kéler 4.1.2012, Bischwiller


Le texte

        Le texte du chant est un pastiche et une parodie du livre de Jonas et l’histoire du prophète. La baleine devient le bistrot, dans lequel le prophète biberonne. Le texte allemand l’appelle « ein Mann » sans plus, mais l’allusion à Jonas est évidente, puisqu’il a bu son argent à l’Agneau à Ninive, ville dans laquelle Jonas est allé. Le contraste est souligné entre l’austère messager de Dieu chargé d’annoncer la destruction de la ville à cause de son péché, et le prophète qui succombe justement à cette gloutonnerie et beuverie qu’il prétend dénoncer. Le système a rattrapé et vaincu le prophète.

        « Un prophète n’est pas reconnu dans son pays » : cette parole est de Jésus de Nazareth en Galilée. Jonas aussi est de la Galilée. « Que peut-il venir de bon de Galilée ? », disaient les gens. Jonas et Jésus, deux galiléens, sont autant méprisés l’un que l’autre. 

        L’auteur traite tout cela avec humour, s’appuyant par là sur le livre même de Jonas qui est un livre plein d’humour et ressemble déjà à un witz juif. Il relève le côté cosmopolite de cette société : le videur est un noir de Nubie, célèbre pour sa force et sa couleur sombre. Mais il n’est pas méchant : quand le client, à la strophe 7 ajoutée, veut bien payer, le videur le hette à l’intérieur ! L’écriture est cunéiforme, même s’il s’agit là d’un anachronisme, puisque au 8e-7e Siècle, on écrivait alphabétiquement en Syro-Phénicie et en Israël. De même, le schnapps provient de la Bactriane, « Baktrerschnapps », une province de l’empire perse : nouvel anachronisme, car l’histoire de Jonas est censée se dérouler à Ninive lors de l’apogée de l’empire assyrien.

        La dernière strophe a été ajoutée par un étudiant facétieux. En effet ce chant était beaucoup chanté par les étudiants dans leurs bistrots traditionnels. A la fin de l’histoire, le Nubien « jette le client dans le bistrot », puisqu’il consent à payer. En fait l’histoire repend du début. Plus d’un étudiant fauché se rappelait s’être fait vider, ce qui ne l’empêchait pas de revenir au même resto et d’y être bien reçu, puisque maintenant il avait décidé de payer.

        L’ensemble du chant doit être replacé dans ce cadre étudiant, dans lequel on s’amusait beaucoup.


Texte original

1. Im schwarzen Walfisch zu Askalon,
    Da trank ein Mann drei Tag,
    Bis dass er steif wie ein Besenstiehl
    Am Marmortische lag.

2. Im schwarzen Walfisch zu Askalon,
    Da sprach der Wirt: “Halt an“
    Der trinkt von meinem Baktrerschnapps
    Mehr als er zahlen kann!
   
3. Im schwarzen Walfisch zu Askalon,
    Beut der Kellner Schar
    In Keilschrift auf sechs Ziegelstein
    Dem Gast die Rechnung dar.

4. Im schwarzen Walfisch zu Askalon,
    Da sprach der Gast : „O Weh!
    Mein bares Geld ging alles drauf
    Im Lamm in Ninive!“

5. Im schwarzen Walfisch zu Askalon,
    Da schlug die Uhr halb vier;
    Da warf der Knecht aus Nubienland
    Den Fremden vor die Tür.

6. Im schwarzen Walfisch zu Askalon,
    Wird kein Prophet geehrt,
    Und wer vergnügt dort leben will,
    Zahlt bar, was er verzehrt.

(7. *Im schwarzen Walfisch zu Askalon,
    Da schlug die Glock’ halb neun;
    Da warf der Hausknecht aus Nubierland
    Den Fremden wieder rein.)
   
    * Der 7. Vers kam später dazu