AUBERGE « BELLE TREILLE »
Am Schank zur goldenen Traube
Von des Kaisers Bart
La barbe de l’Empereur
Emmmanuel Geibel 1815-1884
1. Auberge « Belle treille » :
Attablés, au mois de mai,
Sous les roses vermeilles,
Trois compagnons bien gais.
2. Chacun est un bon bougre :
L’un porte à droite un cor,
Le deux à gauche une gourde
Le trois un éperon d’or.
3. Dans de brillantes cruches,
On leur apporte du vin.
De joyeux discours débutent,
On chante, on boit sans fin.
4. Or l’un parmi ces bardes,
Le beau et vert chasseur,
Parle de la Rousse Barbe
Et dit de l’Empereur :
5. « Je l’ai vu à Mayence,
Le long du quai du Rhin,
A la messe il voulait se rendre
Dans le Dôme palatin.
6. Ah ! quelle belle allure
Avait là notre Empereur !
A son cou, je vous jure,
Une barbe brune en fleurs. »
7. L’autre, coupant sa parole,
Dit, la plume au chapeau :
« As-tu perdu la boule ?
Ton conte rien ne vaut !
8. Moi, j’ai vu sa figure
En son château du Harz,
Et ceint de son armure :
Son poil de barbe est noir ! »
9. De sa chaise se lève
L’homme à l’éperon d’or,
Et lorsque l’autre achève,
Il dit, parlant très fort :
10. « Que le Diable vous cogne,
Hâbleurs, escrocs, batteurs !
Moi, je l’ai vu à Cologne :
Sa barbe est blanche, menteurs ! »
11. Ce fut une bataille
Si blanc, si brun ou noir !
On sort l’épée, on taille
Les croupes, dos et cuirs.
12. Et se répand des cruches
Le jus au rouge teint.
Un peu de sang s’accroche
Et se mélange au vin.
13. Et quand les trois se quittent,
En colère chacun s’en va,
Chacun se détourne vite :
Quels bons amis, n’est-ce pas ?
14. Ne dites pas, mes frères,
« Je connais sa couleur :
J’ai vu, tenant mon verre,
La barbe de l’Empereur ! »
Texte Am Schank zur goldnen Traube
Emmanuel Geibel 1815-1884
Von des Kaisers Bart
dans Auswahl Deutscher Gedichte für höhere
Schulen, Theodor Echtermeyer, 34. Auflage
1903 (1. 1836), 978 Seiten
Halle, Verlag des Waisenhauses, page
fr. : Yves Kéler, 13.12.2010
GEIBEL Emmanuel, né le 14octobre 1815 à Lubeck, étudia (1835-1838) à Bonn et Berlin, vécut de 1838, à 1840 à Athènes et à son retour en différents lieux : Lubeck, Eschenburg, St Goar. En 1852 appelé comme professeur de littérature allemande à Munich. En 1868 il prit sa retraite, revint habiter dans sa ville paternelle, en fut nommé citoyen d’honneur, et mourut là le 6 avril 1884. (Echtenmeyer)