ACTION DE GRÂCES APRÈS LES
ATTAQUES CONTRE LUI A BERLIN
2e DIMANCHE APRÈS NOËL,
La fuite en Egypte
JOYEUX, JE TE RENDS GRÂCES
Ich danke dir mit Freuden, E 1666-67
Am Sonntage nach dem neuen Jahr –
Le dimanche après le Nouvel an
Siracide 51/1-17
Prière de Jésus, fils de Sirach
Mélodie : Herzlich tut mich verlangen (Ebeling)
Ich dank dir, lieber Herre (Ebeling)
Valet will ich dir geben (proposée)
VIII 7f.6, 7f.6 / 7f.6, 7f.6
Siracide 51 Siracide : mots repris par Gerhardt
mots ajoutés par Gerhardt
1. Joyeux, je te rendsgrâces, v. 1-3
Mon Roi et mon salut,
Pour les mauvaises passes
Que tu m’as dévolues,
Mais dans ces instants mêmes
Ta main m’a secouru,
Car toi, mon Dieu, tu m’aimes
Ton bras m’a soutenu.
.
2 Dans ces temps difficiles, v. 4a
Par toi j’ai survécu.
L’ennemi, quoique habile,
A rien n’est parvenu.
Ceux dans les hautes charges,
Quand je n’y pensais pas, v. 6
Par leurs mensonges larges
M’ont porté des coups bas.
.
3. Tels des lions sauvages, v. 4b
Violents et rugissants,
Avec des cris de rage
M’attaquaient, très puissants,
Dans ta miséricorde
Qui sait tout aplanir,
Tu as montré main forte,
Ouvrant mon avenir.
.
4. Ils ont voulu ensemble, v. 5
Ligués tous contre moi,
Que devant eux je tremble
D’effroi devant leurs voix.
Prostré dans ma faiblesse,
Suant du sang de peur, Luc 22/44
Disant : « Dieu me délaisse ! »
Mais tu fus mon Sauveur.
.
5. Tu m’as sorti des flammes, v. 6
Tu m’as tiré du feu.
Si l’enfer me réclame,
Me tire vers vers son lieu,
Tu t’es, à ma prière,
Placé tout contre moi,
Tu m’as tiré d’affaire,
Sauvé des gens de proie.
.
6 La jappe des mensonges v. 7
S’attaque ici à moi,
Et ment et mord et ronge :
Tu l’as fermée, mon Roi.
Satan, comme un grand Diable,
Ouvrait sa gueule en grand,
Mais toi, Dieu amirable,
Clouas son bec méchant.
.
7. J’étais près de me perdre, v. 8
Tu m’as pris dans ton sein.
La mort allait me prendre,
Tu m’as pris dans ta main,
Sauvé mon existence,
Donné le bon conseil
Dont aucun n’a la science
Ici sous le soleil.
.
8. Il n’y avait dans ce monde, v. 9-12
Si loin que va le ciel,
Quelqu’un, qui à la ronde
M’aidait, aucun mortel.
Je songeai à ta grâce
Ainsi qu’à ta bonté.
J’élevai vers ta face
Mon cœur, ma volonté.
.
9. Criais-je à pleine bouche, v. 13-14
Tu as tout entendu.
Ce que j’ai dit te touche :
Dans mon sort tu m’as vu.
Je chante ta louange v. 15-17
Et le jour et la nuit,
Au ciel avec tes anges,
Demain plus qu’aujourd’hui.
.
Texte allemand
1. Ich danke dir mit Freuden,
Mein König und mein Heil,
Dass du manch schweres Leiden,
So mir zu meinem Teil
Oft häufig zugedrungen,
Durch deine Wunderhand
Gewaltig hast bezwungen
Und von mir abgewandt.
.
2. Du hast in harten Zeiten
Mir diese Gnad erteilt,
Dass meiner Feinde Streiten
Mein Leben nicht ereilt,
Wenn sie an hohen Orten
Mich, der ichs nicht gedacht,
Mit bösen falschen Worten
Sehr übel angebracht.
.
3. Wenn sie wie wilde Leuen
Die Zungen ausgestreckt
Und mich mit ihrem Schreien
Bis auf den Tod erschreckt,
So hat denn dein Erbarmen,
Das alles lindern kann,
Gewaltet und mir Armen
Den treusten Dienst getan.
.
4. Sie haben oft zusammen
Sich wider mich gelegt
Und wie die Feuerflammen
Gefahr und Brand erregt:
Da hab ich denn gesessen
Und Blut vor Angst geschwitzt,
Als ob du mein vergessen,
Und hast mich doch geschützt.
.
5. Du hast mich aus dem Brande
Und aus dem Feur gerückt,
Und wenn der Höllen Bande
Mich um und um bestrickt,
So hast du auf mein Bitten
Dich, Herr, zu mir gesellt
Und aus des Unglücks Mitten
Mich frei ins Feld gestellt,
6. Den Kläffer, der mit Lügen
Gleich als mit Waffen kämpft
Und nichts kann als betrügen,
Den hast du oft gedämpft;
Wenn er, gleich einem Drachen,
Das Maul hoch aufgezerrt,
So hast du ihm den Rachen
Durch deine Kraft gesperrt.
.
7. Ich war nah am Verderben,
Du nahmst mich in den Schoss;
Es kam mit mir zum Sterben,
Du aber sprachst mich los
Und hieltest mich am Leben
Und gabst mir Rat und Tat,
Die sonst kein Mensch zu geben
In seinen Mächten hat.
.
8. Es war in allen Landen,
So weit die Wolken gehn,
Kein einzger Freund vorhanden,
Der bei mir wollte stehn;
Da dacht ich an die Güte,
Die du, Herr, täglich tust,
Und hub Herz und Gemüte
Zur Höhe, da du ruhst.
.
9. Ich rief mit vollem Munde,
Du nahmest alles an,
Und halfst recht aus dem Grunde,
So, dass ich’s nimmer kann
Nach Würden gnugsam loben:
Doch will ich Tag und Nacht
Dich in dem Himmel droben
Zu preisen sein gedacht.
.
Texte : Ich danke dir mit Freuden
Paul Gerhardt 1666
publié par Ebeling en 1667, dans E 1666/67
Cr – Si 329/113
fr. : Yves Kéler, 25.12.2014 Bischwiller
Mélodie : Ebeling : Herzlich tut mich verlangen
= O Haupt voll Blut und Wunden
Hans Leo Hassler 1601, 1613
(1564 Nürnberg – 1612 Frankfurt)
RA 76, EG 85
fr. : Chef couvert de blessures
LP 119
O douloureux visage
NCTC 200, ARC 452, ALL 33/13
Ebeling : Ich dank dir, lieber Herre
Johann Kolrose, Nuremberg 1532
desset RA et EG
= Lob Gott getrost mit Singen
16e S. « Entlaubt ist uns der Walde »
spirituel Nuremberg 1535,
Frères moraves 1544
RA 165, EKG deest, EG 243
fr. : Dans toutes nos détresses
NCTC 247, ARC 624, ALL 47/03
Proposition : Valet will ich dir geben
Melchior Teschner 1614 (1584-1635)
pour chant acrostiche sur le nom de
V.a.l.e.r.i.u.s Herberger 1614
RA 483, EG 523
Le texte
circonstance de sa rédaction
Ce chant a été écrit par Gerhard dans la phrase finale de la crise confessionnelle à Berlin, en 1666, après que son poste pastoral à la Nicolaikirche eut été affecté à un autre pasteur. Le Kurfürst de Brandebourg, réformé mais avec l’autorité sur l’Eglise luthérienne, avait, auparavant dans la même année, suspendu Gerhardt de ses fonctions. Maintenant il était radié de l’Eglise deBerlin. Mais il resta dans cette ville, jusqu’en 1669, espérant un revirement de la situation. Dans cette même année, il se rendit à Lübben, répondant à un appel du duc de Saxe. (Voir la notice biographique à la page 17.)
Le chant de Gerhardt se situe après son licenciement, en 1666. Comme il était libre de tout, il pouvait se permettre de narguer le pouvoir en laissant publier son chant par Ebeling en 1667, dans la 2e partie des « Pauli Gerhardi Geistlichen Andachten », E 1666-67. Evidemment, Gerhardt n’attaque personne nommément, se contentant de dire « sie an hohen Orten – eux dans les hautes sphères », ce qui ne désigne pas particulièrement l’Electeur, mais ceux qui l’entourent. Bien entendu l’électeur est malgré tout visé.
Ebeling, dans E 1666-67, classe ce chant sous « Dimanche après le Nouvel an », ce qui est le 2e après Noël, placé sous le thème de la Fuite en Egypte. Ebeling comprend la persécution de l’Electeur contre Gerhardt comme celle de Hérode contre Jésus, obligeant ce dernier à la fuite, et Gerhardt à l’exil de son poste pastoral.
Jésus ben Sirach, dit le Siracide
Le texte du chant dérive de la « Prière de Jésus, le fils de Sirach », placée au dernier chapître de cet apocryphe de l’Ancien Testament. Des extraits du Siracide ont souvent inspiré divers poètes en ces siècles après la Réforme. Gerhardt a employé 2 autres fois des textes du Siracide : 1° « O Gott, mein Schöpfer, edler Fürst – O Dieu, mon Créateur, mon noble chef », de Sirach 23/1-6; 2° « Nun danket all und bringet Ehr –Rendez la gloire au Dieu des cieux. » Ce chant est le plus connu des trois et a fait une remarque carrière jusu’à notre siècle. Il figure dans ce livre sous le N° 38.
Le livre de Sirach (ou Siracide = fils de Sirach, ou Jésus Sirach ou ben Sirach) nous est parvenu dans un état de grand désordre. C’est ainsi que la fin du chapitre 50, les versets 30 et 31, est donnée comme la fin du livre : « Jésus, le fils de Sirach, a écrit cet enseignement et cette sagesse à Jérusalem… »
Mais un chapitre 51 suit, qui contient trois textes supplémentaires, de caractère autobiographique, du moins dans leur présentation : 1° v. 1-17 : la prière de Jésus, le fils de Sirach; 2° v. 18-30 : une brève autobiographie de Jésus ; 3° v. 31—38 : un appel de Jésus à rechercher la sagesse selon son exemple.
le chant de Gerhardt
Cette prière de Jésus est à la base du chant de Gerhardt. Elle a la forme littéraire d’un psaume et contient des réminiscences de plusieurs psaumes canoniques. Gerhardt ne suit pas le mot à mot du texte. Il en prend les grandes idées et les coule dans son moule poétique et musical. Ceci explique l’irrégularité du contenu des strophes par rapport aux versets de l’original : la strophe 1 reprend les versets 1 à 3. En revanche, le verset 4 est réparti sur 2 strophes, les 2 et 3. Les 4 versets 5 à 8 forment chacun une strophe, les 4, 5, 6 et 7. La strophe 8 regroupe les versets 9 à 12, et la dernière strophe 9 reprend les 5 versets 13 à 17.
Paul Gerhardt suit le texte de la traduction de Luther (Les mots directement repris de Sirach sont signalés dans le texte allemand par l’écriture en gras.) Il se concentre sur la description de l’aide de Dieu, et sur la férocité de ses ennemis.
Mais il introduit un personnage qui n’existe pas chez Jésus Sirach : le Diable, appelé « der Drachen – Le dragon », en référence à l’Apocalypse. Sirach parle au verset 6 de la « gueule de l’enfer », reprenant l’image grecque du Tartare, et au verset 8 de « l’enfer », sans plus. Chez Sirach, le mot « Hölle – Enfer » figure une fois seul et une fois combiné avec « Rachen – La gueule. » Gerhardt reprend ces images qu’il affectionne, mais il les personnalise sous la forme du « Drachen – Le dragon », qui dans l’Apoclypse désigne Satan.
Un autre ajout au texte de Sirach est la référence à la sueur de sang du Christ à Gethsémané : « Hab ich … Blut vor Angst geschwitz – J’ai sué du sang de peur », prise dans Luc 22/44. Il est vrai que cette expression fait partie du langage allemand courant, mais elle a bien sa source dans la figure du Christ à Gethsémané.
Un ajout à l’original se trouve dès le premier vers : « Ich danke dir mit Freuden – Je te rends grâces avec joie. » Cette joie exprime le soulagement deGerhard après son licenciement : joie d’avoir résisté à la persécution de l’Electeur, joie de savoir son sort clarifié, joie d’entrer dans un nouveau parcours.
Ce chant de 1666 est un des rares de Paul Gerhardt dans lesquels la dimension autobiographique forme l’arrière-fond. Les allusions sont évidemment discrètes et font qu’il est possible d’employer ce chant de manière générale. Ebeling l’a édité dans cette double intention et l’a intégré dans le plan de l’année de l’Église.