ASSION
VENDREDI SAINT
MISE AU TOMBEAU
ENTERREMENT Semaine Sainte
QUELLE DOULEUR SAISIT MON CŒUR
O Traurigkeit, o Herzeleid
Mélodie : O Traurigkeit, o Herzeleid
1. Quelle douleur Saisit mon cœur !
Le Fils de Dieu succombe ;
Jésus, mon Roi, mon Sauveur,
Descend dans la tombe.
2. Sur cette croix Où je te vois,
Innocente victime,
Toi seul portes tout le poids
Si lourd de mon crime.
3. Le Christ est mort, On prend son corps
De cette croix horrible.
Jésus m’ouvre le salut
Par sa mort terrible !
4. Jésus, tes traits, Gisant portrait !
Révèlent ta souffrance.
Qu’ils écartent de mon cœur
Toute indifférence.
5. Heureux celui Qui songe ainsi
Au Christ couché dans l’ombre.
Avec lui il renaîtra,
Vivant, de la tombe.
6. Jésus, mon Roi, Tu meurs pour moi :
Fais qu’en toi je demeure
Et ne vive que pour toi,
Qu’au monde je meure !
Texte : O Traurigkeit, o Herzeleid
Friedrich von Spee 1628, Johann Rist, 1641
frs: str 1,2,3 J.B.Ritter, 1697,
Cantiques Spirituels de Strasbourg,1758 ;
str 3,4,5 Yves Kéler, 1999
Mélodie : O Traurigkeit, o Herzeleid
chez Rist, 1641
Ra 87, EG 80, LP 128, NCTC 197, ARC
QUELLE DOULEUR SAISIT MON CŒUR
Etude comparative des traductions de » O Traurigkeit, o Herzeleid «
à propos de : » Dans sa douleur Notre Seigneur « , NCTC 197 = ARC 462
A. Il faudrait reprendre le titre initial du chant selon LP
Le texte de NCTC et ARC : » Dans sa douleur Notre Seigneur », commet un contresens dans son incipit, suite à une correction qui révèle qu’on n’a pas compris le sens du texte de LP et l’intention de l’auteur de la première strophe du texte original, Friedrich von Spee. NCTC et ARC font souffrir le Christ qui meurt. Or c’est le croyant qui souffre au spectacle, non de la mort du Christ, mais de sa descente au tombeau. Ce cantique est une déploration, ein Klagelied = Lamentation, un chant de pleureurs-ses, comme on en trouve dans l’Ancien Testament. Le mot » beklagen » se lamenter se trouve dans l’original. On est dans la tradition du livre des Lamentations, dont le chant s’inspire en partie.
Ce livre a joué un rôle important dans les liturgies du Vendredi Saint et de la veille de Pâques, dans la tradition latine catholique, comme dans l’allemande protestante. Par exemple : les paroles de Lamentations 1/12, » O vos ommnes, qui transitis per viam…, Vous tous qui passez par cette route… « , expriment la douleur de Jérusalem détruite, rapportée à la douleur de la communauté chrétienne qui voit la » destruction » du Christ : » détruisez ce temple et je le rebâtirai en trois jours « . On les retrouve dans l’office du Vendredi Saint, en latin ou allemand, et dans de remarquables compositions musicales. On les trouve aussi sur les calvaires, en latin ou en langue locale. Ce cantique sort de cette tradition, en particulier des vêpres du Vendredi Saint, qui ont été célébrées dans beaucoup de paroisses protestantes à 14h ou 15h, heure supposée de la mort du Christ, et le sont encore dans certaines paroisses.
B. Sources de la traduction du chant
1. L’original allemand, pour la strophe 1 du moins, est de Friedrich von Spee, un jésuite allemand, professeur à Würzburg, qui a composé des cantiques très bibliques, tels » O Heiland, reiss die Himmel auf « , qu’on retrouve dans une adaptation raccourcie du frère Pierre Etienne sous NCTC 162 » O viens, Seigneur, ne tarde pas « ( remarque : il faudrait écrire : » Oh ! viens,… » ). La mélodie provient du Recueil Catholique de Mainz (Mayence) 1628.
Johann Rist, 1641, a porté le chant à 8 strophes, en en rajoutant ou composant 7 (dans Knapp n° 576, Evangelischer Liederschatz1837 ). RA ramène le chant à 6 strophes, EG à 5. Salomo Franck, 1659-1725, a composé un autre chant sur cette base, » So ruhest du, o meine Ruh » RA 88 ( Christ au tombeau, Dans le repos, O Christ couché dans l’ombre, Tu réveilles par ta mort Ma vie de la tombe ).
2. Cantiques Spirituels … Confession d’Augsbourg 1758, donne, sans indication d’origine, une traduction en 8 strophes, attribuée par Rec. Cant. Egl. Ev. France 1923 et LP à J.B.Ritter 1695, sous le titre » Quelle douleur Saisit mon cœur « .
3. Recueil de Cantiques Egl. Ev. de France, 1923, reprend ce texte en le ramenant à 3 strophes, et en le corrigeant, bien d’ailleurs. Le titre ne change pas.
4. LP 1938 reprend cette forme, avec le même titre, en corrigeant, fort bien, le texte.
C. Corrections de NCTC et ARC qu’il faudrait supprimer pour revenir à l’original
Les corrections de NCTC, reprises par ARC, sont malheureuses, pour le fond et pour la forme. Les révisions suivantes seraient à faire :
Str 1 : » Dans sa douleur Notre Seigneur » :
remettre : Quelle douleur Saisit mon cœur :
cela donne : Quelle douleur Saisit mon cœur !
Le Fils de Dieu succombe.
Jésus, mon Roi, mon Sauveur,
Descend dans la tombe.
Str 2 : » O victime adorable « , qu’on fait rimer avec faute !
rétablir la rime de » victime » avec » crime « , et remplacer » adorable » par » innocente « . Le mot crime ne devrait pas nous choquer, il fait partie du vocabulaire religieux dans le sens du péché qui mène à la mort, ici pas la nôtre, mais celle du Christ qui se charge de nos fautes.
cela donne : Sur cette croix Où je te vois,
Innocente victime,
Toi seul portes tout le poids
Si lourd de mon crime.
Str 3 : » grâce » est censé rimer avec » demeure » !
en reprenant les mots et en prolongeant l’intention du traducteur-correcteur de LP, on peut reprendre » demeure » et le faire rimer avec » meure « .
cela donne : Jésus, mon Roi, Tu meurs pour moi,
Fais qu’en toi je demeure
Et ne vive que pour toi,
Qu’au monde je meure.
D. Le texte de ALLéluia 2005:
Alléluia 2005 est revenu à l’original et donne un texte beaucoup plus proche de celui-ci. On aurait dû garder l’incipit de l’ancienne traduction, tel que LP le donne: « Quelle douleur Saisit mon coeur », beaucoup plus expressif que « Jour de douleur Où mon Seigneur ». Il s’agit vraiment d’un cri de douleur du fidèle; « Jour de douleur » aplanit « ma douleur » en la reportant de la prmière personne « mon coeur » à la troisième « Jour », c’est-à-dire le Vendredi saint.
Les images de la mort, caractéristiques du baroque, et très fortes dans l’original selon la culture du temps, ne sont pas traduites, et de ce fait l’impact du chant est affaibli. La puissance du langage direct de ce chant, porté par une musique tendue et insistante, n’apparaît plus.
Ceci dit, ce texte est meilleur que celui de NCTC et ARC, dont on peut dire qu’il est franchement mauvais.